Le Moustique Volume5 - 1leédition ISSN 1496-8304 Janvier 2002 LOS THOS ul plalsene \ L’anglais une menace pour le frangais ? pm Il y en a de bien plus graves. V1 ~4 Vous ne serez pas choqués d’entendre des phrases du genre : « Eut-il fallu que la toile faseillasse pour que je me décidasse a la baisser ? » Pourtant cette phrase d’allure bénigne porte en elle une autre de ces épouvantables menaces qui risquent de faire perdre son Gme a la langue frangaise. Car il faut savoir que le verbe faseiller qui sonne si agréablement a l’oreille latine — pensez a brasiller, groseillier, oreiller, essayer, conseiller et jen passe |! — est un de ces mots traitres, un mot innommable qui a su briser la défense de notre belle langue et y voler une place qu’il ne mérite pas, car il est d’origine étrangere. Vous me direz : « Bah ! Latin, grec, sont les racines du frangais ; ils ne nous sont pas étrangers, ils sont de la famille ». De la famille ? Quelle famille ? Si vous le pensez vraiment, l'anglais, alors, ne serait plus l’ennemi ; il ferait également partie du groupe des intimes. II n’y aurait plus de crime a dire : « Watch-out, ton tire est flat ». C'est qu’en fait, faseiller n’est ni grec, ni latin. Il n’appartient méme pas a une langue latine. Cet espion si bien dissimulé, ce mot si pernicieux nous vient du verbe *'faselen’’, en néerlandais moyen. II s’est insidieusement introduit dans la langue frang¢aise en 1687 dans le sens du frémissement d’une voile au vent debout. « La lingére amoureuse, tout éperdue de bonheur, virevoltait entre les draps qui faseillaient dans la brise printaniére». Cela fait trés joli pourtant ! Eh ! Oui. Pendant que l'on s’insurge contre l'anglais qui contamine notre langue, un autre langage germanique exerce plus discrétement, mais tout aussi efficacement, le méme effet néfaste. Pis que l’ennemi a nos portes, il y a celui que l’on ignore et qui, en toute tranquillité, sape les fondements de notre culture. Car ne pensez pas que faseiller soit la seule intrusion flamande dans la langue de Voltaire (D ailleurs, ce dernier, n‘a-t-il pas fait plusieurs voyages en Hollande et a Bruxelles ? N’a-t-il pas vécu, encore jeune, quelque temps a La Haye ? On ne se méfie jamais assez ! ) Vous ne connaissez pas de mots flamands dans la langue frangaise ? Allons donc ! Et que faites-vous de ‘’dégringoler’’ par exemple ? On ne peut pas imaginer plus frangais que de dégringoler. Pourtant, cela nous est venu, en 1580, de ‘’krink’’. Cela veut dire “courbure’’ en flamand moyen. Vous dégringolez c’est-a-dire que vous tombez de manieére désordonnée le long d'une pente courbe. Vous dékrinkolez! 9