Le Moustique ! ... Pacifique Volume7 - 4¢ édition ISSN 1704 - 9970 Avril 2004 PAQUES Voulez-vous me suivre, faire avec moi une promenade de printemps? Je n'ai pas oublié que, la-bas en Saskatchewan ou j'ai vécu longtemps, il souffle encore en ce moment vents froids qui soulévent neige ou poussiére. Tét, ce dimanche matin, tandis que les maitres dorment encore prés de leur toutou, nous escaladons le Mont Douglas. Seuls nous accompagnent le long du sentier qui monte doucement au sommet les mélodies modulées des merles d'Amérique, les appels des mésanges a dos marron, le grincement enroué des corbeaux et, sur un tronc mort, le tambourinage lent et retentissant d'un grand pic a calotte rouge. La montagne chante et m'enchante. Peu a peu tout le sous-bois s'éclaire de lumiére alors que le soleil, descendu des cimes des arbres, illumine I'é€corce grenue et crevassée du sapin de Douglas qui fait songer a la peau de quelque animal préhistorique, les hautes lames horizontales du cédre rouge et le marbre lisse de l'arbutus que je caresse au passage. Dans une fondriére humide, les premiéres lanternes des marais lancent leur pinceau jaune vif odoriférant. Au fur et 4 mesure que nous montons, les fougéres se font plus menues; dans un pli ensoleillé, les lys de Paques nous saluent de leur couronne blanche et, un peu plus haut, s'étale a ras de mousse une flaque d'or du printemps. Les grappes de fleurs bleues des camas sommeillent au creux des feuilles-tiges, prétes a surgir. Une odeur prenante de résineux, de terre mouillée et de feuilles mortes devenant humus. Juste un peu avant d'arriver en haut, nous rejoignons la route ou débouche un groupe de Chinois, hommes et femmes qui discutent en éclats de voix rauques puis éclatent de rire. Comme nous, ils escaladent le Mont Douglas chaque dimanche matin mais eux suivent la route. Au sommet, a chaque fois, le méme émerveillement devant la vastitude du paysage ouvert a 360 degrés. Devant nous, juste en bas, s'étale jusqu'a la mer la ville qui dort encore et ne fait pas de bruit. Nous nous amusons a repérer une rue, une école, un parc. Au dela, la chaine cétiére des Rocheuses d'ou émerge le triangle du Mont Baker, doré de soleil ce matin. A droite, dominant le détroit de Juan de Fuca, et encerclées d'une légére bande de nuages et de brume, les crétes enneigées des Olympiques du Washington. Plus a droite, la vallée de Blenkinsop avec ses champs de terre noire qui garde son caractére rural que la fréenésie avide des promoteurs n'a pas encore réussi a détruire. Les collines de Sooke préservées de la construction jusqui'ici. Vers le nord, le Malahat et le moutonnement de montagnes qui ménent au coeur de notre tle, Duncan, Ladysmith, Nanaimo et, beaucoup plus loin, les immenses foréts humides presque vierges qu'il faut sauver de la scie. Enfin, vers l'est, tout un éparpillement de petites files sombres, la Grece du Nord, me semble-t-il. Parfois, plus t6t dans la saison, la pluie ou le brouillard effacent ville, mer, jles et montagnes mais de les savoir la me suffit. Monique Genuist