Le Moustique Bravade, bravoure uy, et bavardage. C’est tout de méme avec un esprit rela- tivement positif que I’on se retire, le soir, sous la tente. La journée a été belle, un ciel bleu, un temps sec. De ce cété, au moins, les perspectives sont engageantes. On s’endort tot, afin de nous reposer de tous les efforts et émotions de la journée. Il est aussi important que nous soyons en forme pour demain matin. Vers deux heures, je suis réveillé par une légére et courte ondée. J’ai du mal a me rendormir. D’abord, la vie sous la tente, ce n’est pas vraiment.confortable et, si le temps se détériore, les choses n’en seront pas simplifiées. Je me rendors, a peine rassuré par le silence revenu, que la pluie retombe, plus rageuse cette fois. Puis une nouvelle fois, plus forte encore et plus longtemps, enfin battante jusqu’au petit matin. Quand nous nous levons a six heures, nous nous coulons hors de la tente, gluante d’ humidité, 4 la maniére de limaces visqueuses qui glissent sur les feuilles en laissant derriére elles leur trainée de bave. Ma fille est encore délicieusement jolie malgré l’adversité. Pour ma part, je n’ai aucun regret a n’avoir pas emporté de miroir dans cette aventure. Le bac qui doit nous permettre de traverser la riviére Gordon et attaquer enfin le sentier est prévu pour neuf heures. Cela nous laisse trois heures pour s’appréter. On a le temps. Volume 3 - 10° édition Octobre 2000 Enfin, on I’ aurait eu si le bois avait été sec, si la flamme du réchaud a butane avait pu apparaitre, s’il n’avait été évident que le matériel gorgé d’eau prendrait plus de place, plus de poids et ne s’empaquetterait plus aussi aisément. On a raté le bac, d’une petite demi-heure. Ce qui a tout de méme présenté l’avantage de nous laisser assez de temps pour nous exercer a ajuster les sacs au dos. Au début, j’étais surpris d’avoir du mal a respirer. Mais quelques ajustements effectués par ma fille m’ont appris que le poids du sac se doit de porter sur les hanches et qu’il faut libérer le cou de sa sangle frontale. Le pas n’en est pas moins lourd. Je laisse des traces incroyablement profondes dans le sable. On se rend dans le village indien, un peu en amont de la riviére. On attend le bac suivant et le dernier. Celui de dix heures. On serait plutét en retard sur le programme, mais il reste encore quelques traces d’optimisme : si l’on doit abandonner Ia balade a présent, au moins n’aura-t-on pas marché pour rien. Soudain, on voit un Indien courir, affolé. Il se précipite vers la barge, enléve les amarres. Nous nous levons (péniblement), pour le suivre et embarquer, mais il a déja mis le moteur en marche et disparait vers la baie San Juan avec force remous et dans un tourbillon de brume. -On n’a tout de méme pas raté le second bac ? Il aurait pu nous attendre ce cingleé !