cag ES 14 — Le Soleil de Colombie, vendredi 24 juin 1983 Le Congres a la chefferie du Parti progressiste-conservateur Les organisateurs du parti progressiste - conservateur avaient bien préparé la scéne pour le congrés de leader- ship. Au centre civique du Parc Lansdowne dans la Capi- tale Nationale, la féte prenait un caractére grandiose et sé- rieux. Les coits s’élevérent au-dela de 3,5 millions pour permettre au parti de témoi- gner son unité et sa capacité de mener le pays. Dans plu- sieurs sens, il a fait chaud pour les 6,000 observateurs, 1.500 membres de la presse et en particulier pour les 3.000 délégués. La spéculation ré- gnait et les hypothéses abon- daient. Si tous les organisa- teurs des campagnes et leurs aspirants étaient unanimes a accentuer l'importance de l'unité du parti, chacun avait une formule différente pour y arriver. L’appréhension mon- tait dans le iy de M. Joe Clark. Le vote . Dés le premier tour de scrutin, M. Clark a remporté 1091 des 3000 votes possibles. M. Mulroney en recut 874 et conséquemment fut percu comme l’antagoniste crédible. Ce premier résultat surprit peu de gens, mais souleva la question de savoir si le vote pour Clark s’accroftrait d’une facon significative, s'il se sta- biliserait ou s'il subirait une chute. Le vote demeura stable aux trois tours de scrutin for- cant M. Crosbie a se retirer de la course au moment ov le -vote Mulroney se chiffrait a 1036, c’est-a-dire 4 22 votes de moins que M. Clark. Il laissa libre cours aux 858 fidéles qui s’étaient ralliés a lui. Il est apparent d’aprés le résultat final, 1504 votes pour Brian Mulroney contre 1325 pour Joe Clark, que les deux tiers des partisans de Crosbie se sont ralliés 4 Mulroney pour lui accorder une victoire déci- sive. Les alliances Dans un groupe de huit aspirants, il va de soi que les alliances sont trés importantes et qu'un engagement bien placé peut farfois grandement affecter les résultats. Pour diverses raisons, simi- larité idéologique et politi-, que, affinité régionale, ami- tiés personnelles, opportunis- me face a une carriére poli- tique, etc., les candidats éli- minés se rallient parfois der- riére un homme qui demeure dans la course. Si ce congrés sur le plan des alliances de la derniére heure ne nous a pas réservé de surprises, il y a eu néan- moins des déplacements inté- ressants. Aprés le premier tour de scrutin quatre hom- mes ont quitté la course. Messieurs Gamble et Fraser se rangérent du cété de Crosbie, Messieurs Wilson et Pocklington du cété = de Mulroney. Dans cet échange, Mulroney fit des gains consi- dérables, Le vote de Crosbie au deuxiéme tour de scrutin passa de 639 a 781, celui de Mulroney de 874 a 1021. M. Crombie étant éliminé, déci- da de se ranger du cété de Crosbie avec ses 66 votes. Au troisi@éme tour de scrutin Crosbie fut obligé de se re- tirer. Le moment des spécula- tions fortes arriva avant le scrutin final. M. Crosbie sortant de la course refusa de s’enligner aussi bien avec Clark qu’avec Mulroney. Nous ne saurons jamais dans quelle mesure son engagement formel en faveur ‘d'un candidat par rapport a l'autre aurait pu influencer le résultat final. | Un jeu d’alliances Pourquoi Mulroney Au début de sa campagne, M. Mulroney s’est dit le seul candidat capable de rallier lest et l'ouest. Il a déclaré plus d'une fois aux médias fran- cais et anglais qu’aprés 1’élec- tion il sera en mesure de représenter les 8 millions de francophones au pays. Parmi les arguments de nature éco- nomique, il a expliqué aux délégués votant au congrés de leadership que le Canada francais s'étendait au-dela du Québec. Selon lui, il existe au pays 102 circonscriptions électora- les dans lesquelles la compo- sante francophone est de plus de 10% (75 au Québec, 27 hors Québec) et les conser- vateurs en représentent trois en tout. Il a soutenu qu'il y a 1a matiére a faire comprendre labsence prolongée des conservateurs au pouvoir. Ce type d’argument lui a bien servi, en particulier face a un Crosbie unilingue qui a mis les pieds dans le plat et qui, dans un discours, a soulevé l’enthousiasme avec une promesse de s’adresser M. John Crosbie, qui s'est placé troisitme au troisiéme tour de scrutin, a été la victime d’un courant francophone qui semble avoir envahi les rangs du parti pendant la course au leadership. Les délégués francophones ont décidé que la direction du parti devait étre confiée a une personne qui pouvait pen- . ser et fonctionner dans les deux langues officielles. Ce n’est pas par simple coincidence que MM. Mulroney et Clark ont pu vaincre aux trois premiers tours de scrutin. Sachant quill devait creuser dans le bloc fran- cophone, M. Crosbie est seulement venu a la charge en fin de campagne. Par un geste symbolique posé en francais, il a voulu rassurer les délégués qu'il urrait devenir bilingue d'ici a 1985. Les quelques _ paroles qu'il a osé prononcer ont été chaleureusement ap- plaudies par la foule, ce- pendant sans trop marquer de points chez les franco- phones. Sommes-nous de- venus moins tolérants en- vers les politiciens qui, afin d'afficher leur bilinguis- me, vont de temps a autre nous sortir quelques mots en francais? Malgré les nombreuses qualités de leadership que M. Crosbie posséde, il a manqué de diligence a lendroit du_bilinguisme. Sa décision de contester le leadership du parti ne s'est pourtant pas faite d'un jour a-l’autre. Ses ambi- tions hautaines mijotent depuis longtemps. Evidem- ment, depuis plus long- temps encore mijotent ses préoccupations avec le Canada francais. ; _ Cette négligence lui a coaté cher. Un Crosbie plus bilingue et moins réti- cent avec les dossiers du Canada frangais aurait st- rement produit un résultat fort différent au dépouille- ment du scrutin. Les militants au congrés conservateur nous ont fait la lecon. Pour ceux et celles qui aspirent au poste de Premier Ministre du Canada en 1983, ce n’est - plus simplement avanta- La victime du bilinguisme geux d’étre bilingue, c'est © dans les deux langues en 1985. Pour les gens déterminés a mettre fin a l’€poque du chef Joe Clark, il y avait le choix de deux candidats crédibles, Crosbie et Mulroney. Cette élection s’est terminée par une manifestation d’unité et de solidarité sans précédent chez les conservateurs tels que nous les connaissons._ : Pour M. Mulroney, la ba- taille ne fait que commen- cer. Il aura a se faire élire dans un conté et ensuite a composer avec les forces rési- duelles du parti. Les conservateurs ont don- né une victoire décisive a Brian Mulroney sans humilier leur chef d’une facon catégo- rique comme ils l’ont fait par ~ le passé. Dans la mesure ot M. Clark sort sans avoir subi Vhumiliation que le parti avait réservée a John Diefenbaker et d’autres, il va de soi que M. Mulroney n’a pas polarisé le vote au oint de faire peur au chef libéral. De toutes facons, les plus récents sondages qui accordaient un vote populaire de 52% aux conservateurs laissent sans plutét nécessaire. Deuxiémement, c’est en apprenant la langue de l’autre qu’on vient 4 mieux connaitre sa culture et a comprendre davantage les problémes et les préoccu- pations qui en découlent. Finalement, le Premier Ministre du Canada doit exiger des Canadiens une confiance absolue dans les politiques de son gouver- nement en matiére de bilinguisme et de bicultu- ralisme. Un Premier Mi- nistre qui ne matitrise pas suffisamment les deux lan- gues serait vulnérable 1a- dessus. Les Canadiens en géné- ral ne sont pas convain- cus que le bilinguisme est nécessaire a ce niveau. Certains vont nous parler de traditions qui par le passé ont pu dépanner les aspirants unilingues. Parmi ces traditions, nous retrouvons la thése des lieutenants Canadiens francais, devenue populai- re au moment de la confé- dération jusque vers 1948 lorsque St. Laurent a rem- placé King au poste de Premier Ministre. Cette formule permettait aux Premiers Ministres_unilin- gues de placer un alter ego au Canada francais afin de se faire mieux comprendre et effectivement de mieux comprendre ce peuple étranger et parfois hostile. Une autre tradition, po- pulaire surtout dans cer- tains milieux libéraux, est celle qui veut que le chef du Parti libéral soit a tour de rdéle francophone ou anglophone. Remarquons enfin que c'est une tra- dition qui a surtout plu aux aspirants unilingues anglophones, car l'histoire nous a montré que les Premiers Ministres cana- diens-francais étaient bi- lingues tandis que les Canadiens-anglais - ne l’étaient point. Un premier ministre francophone ose- rait-il ne fonctionner que dans sa langue maternelle? que cette tra- dition, comme celle des lieutenants soit mise aux oubliettes, et exigeons plu- tot le bilinguisme de la part de ceux et celles qui aspirent a la chefferie Ne parti politique-fédéral, . _ doute croire 4 Brian Mulroney que son parti et son leader- ship a le vent dans les voiles. Que cette conclusion soit bien fondée ou non, le parti ‘conservateur vient d’élire un Québecois pour la premiére fois dans l’histoire du Canada et ceci avec 209 voix de plus que le leader sortant. Commentaire La question la plus perti- nente pour nous est de savoir si les nombreux énoncés de Brian Mulroney laissent croire aux occasions d’avancement pour la francophonie hors Québec et celle de l’ouest en particulier. Nous nous sou- viendrons que le 11 mai, Madame Jeannine Séguin, Présidente de la Fédération des Francophones hors Qué- bec, a posé six questions sé- rieuses aux huit aspirants. Ces questions portaient sur la loi des langues officielles, la pro- portion de fonctionnaires francophones, l'occasion d’épanouissement des com- munautés francophones hors Québec et la possibilité d’une conférence fédérale - pro- vinciale sur les droits linguis- tiques des francophones hors Québec suite a 1]’éventuelle formation d’un gouvernement progressiste-conservateur au Canada. Dans cette lettre, Mme- Séguin a demandé aux can- didats a la chefferie de faire parvenir une réponse avant le 31 mai. Seul Brian Mulroney a répondu et il se disait favo- rable aux propos de la lettre de Mme Séguin. La franco- phonie hors Québec se doit de mobiliser ses énergies pour poursuivre les pressions dans la direction si bien établie par Mme Séguin et les représen- tants de la francophonie de l’ouest canadien. Voici la réponse de M. Mulroney & Mme Séguin: Votre lettre du 11 mai vient tout juste de m’étre achemi- née. J’ai pris connaissance des différentes questions que vous posez et je vous félicite de cette initiative heureuse. Comme vous le savez sans doute, j'ai passé ma vie poli- tique entiére en faveur de l’extension des droits des fran- cophones hors Québec en tout’ temps et en toute circons- tance. Ma position est fort simple et limpide: il ne peut y avoir de citoyens de deuxieé- me ordre au Canada. Il va sans dire que ce méme sentiment m’anime en ce qui concerne la minorité anglo- phone de plus en plus harce- _ lée au Québec. Brian Mulroney Bonnet d’dne Suite de la p. 14 appuirait — 1 information. qu'il a obtenu, au lieu de anglo-saxonne — négatives — ala — appuierait — obtenue. Ailleurs — et d’ailleurs — jai remarqué a la p. 5 ‘pré- féreraient’ au lieu de ‘préfé- reraient’ et ‘mauvaise augure’ (expression de trés mauvais augure). Il faut avouer que dans le méme numéro on rencontre ‘a la BCTF’ et ‘pré- féreraient’ aussi. Tandis que dans le second cas il pourrait bien s’agir d’une simple faute d'impression, on ne saurait guére dire le méme pour les autres. En tout cas, ceux qui se. plaignent de l’abus de n’im- porte quoi se doivent de ne pas se rendre coupables Boe semblables. ce Galo ae _aprés le congrés a la cheffe- ) experience Le besoin d’un Par Dean Drysdale Brian Mulroney est mainte- nant le chef du parti pro- gressiste conservateur. Un produit de Baie-Comeau, il est le premier chef du parti a étre parfaitement bilingue. Né le 20 mars 1939, il est le ‘fils d’un électricien qui habi- tait sur la rue des Anglais dans une petite ville forestiére. Il obtient son B.A.C. a Il’uni- _versité St-Francois-Xavier et une formation en droit a Laval. Il commence ses acti- vités en politique quand il assiste au congrés du leader- ship contre J. Diefenbaker qui est devenu chef du parti pro- gressiste conservateur. Aprés avoir terminé ses étu- des, il devient un des meil- § leurs avocats en ce qui concer- ne les relations industrielles au Québec. En 1976, bien qu'il n’ait jamais été un candi- dat aux Communes, il dé- cide de se présenter comme candidat pour la chefferie du parti. Il obtient beaucoup de succés mais le congrés est gagné par Joe Clark. En 1976, rie, la compagnie Iron Ore du Canada lui offre le poste de vice-président exécutif et l’an- née suivante, il en devient ™* président. M. Brian Mulroney est natif de Baie Comeau, situé dans la région de la Céte nord au Québec. Il est issu de parents irlan- dais de souche ouvriére. Devenu bilingue pendant sa jeunesse, il parle aujour- d’hui les deux langues avec beaucoup de facilité. Plusieurs de ses mili- tants québecois nous ont dit, et ce avec un air de fierté, qu'il était québe- cois francophone. D’autres ont voulu nous apprendre qu'il s’agissait d'un québe- cois anglophone devenu bilingue. Dans les jour- naux du lendemain, nous lisions que c’était enfin une personne véritablement bi- lingue et biculturelle. Pendant son enfance a Baie Comeau, M. Mulroney n’avait pas grand choix que de l’ap- prendre, le francais, et d’assimiler certaines va- leurs et traditions cana- diennes frangaises. I n’était pas a l’abri de |’élite anglophone du temps au Québec. Au lieu de fréquenter leurs institutions (sa famil- le ne pouvait pas se le permettre) il s’est intégré a la société canadienne-fran- Gaise, sans pour cela renier ses origines irlandaises. Ce n’est pas dans les salles académiques de _ la Sor- bonne ot M. Mulroney a perfectionné son francais, ni aux frais de la Cham- Le congrés a eu lieu parce que M. Clark a donné sa démission comme chef du parti pour ne pas avoir recu suffisamment de soutien au ‘dernier congrés annuel. Les candidats au leadership ont cabalé a travers tout le pays et quand les délégués sont arri- vés a Ottawa leurs opinions étaient déja fixées. Les dis- cours et tous les brouhaha... qui ont suivi n’ont rien chan- gé. Ils avaient pris position depuis longtemps. Il fallait trois qualités essen- tielles pour étre élu. Tout le monde était d’accord sur le fait que le parti avait besoin d'un chef qui parle francais. Seulement Clark et Mulroney’ étaient vraiment bilingues. Ils voulaient un chef avec une “Le p tit gars de Baie Comeau”’ chef bilingue Clark et Crosbie étaient ceux qui en avaient le plus. Ils voulaient un chef plein de charisme. Selon les délégués, Crosbie et Mulroney possé- daient davantage cette dernié- re qualité. Personne n’avait toutes les qualités ci-haut mentionnées, mais les délé- gués ont dai prendre une décision en ce qui concerne les qualités les plus importan- tes. Les Bleus veulent devenir le prochain gouvernement. On ne pouvait qu’entendre | rian Mulroney bre des Communes. M. Mulroney est un fédéraliste pur sang. Son vocabulaire en matiére de bilinguisme n’est pas trés différent de celui du Pre- mier Ministre Trudeau. Est-ce une des raisons pour lesquelles il s'est mérité le sobriquet ‘“mini-Trudeau” __.M. Mulroney — semble mettre sur un pied d’éga- lité les deux principales communautés _linguisti- ques au pays. Effective- ment, dans son discours prononcé la veille de sa victoire il a prononcé 4 |. deux ou trois reprises la nécessité d’encourager de meilleurs rapports entre anglophones et francopho- nes. Il a su profiter de sa campagne pour laisser en- tendre qu'il exercerait des pressions auprés de l’Onta- rio afin que les droits des francophones de cette pro- vince soient enchassés dans la Constitution. Reste a savoir comment M. Mulroney réagira envers les députés dans son cau- cus qui ne peuvent tolé- rer le bilinguisme? Espérons que dans les mois qui viennent, les com- © munautés francophones de tous les coins du pays s'engageront a mieux connaitre le ‘ P ‘tit gars de Baie Comeau.” Louts Leclair Jean-Paul Boily trés souvent des phrases com- me “nous sommes ici pour choisir un gagnant”. Quand le dernier vote est arrivé, Brian Mulroney a été choisi comme l'homme qui peut gagner la prochaine élection fédérale. La premiere préoccupation de Mulroney est l’unité du — parti. Il doit éliminer les rancunes développées _pen- dant la course a la cheffe- ‘rie. Il doit récompenser ceux qui l’ont soutenu sans négliger les autres. L’autre qrecceipation de Mulroney est d’obtenir un si¢ge aux Communes. ‘Les conservateurs ont élu un hom- me sans expérience parce qu’ils pensent qu'il peut ga-— gner la prochaine élection fédérale. L'avenir dira s’ils ont -sparlementaine: -¢ ERAGON. 1