Volume 5 - Le Moustique Elles n’ont rien de néandertalien et, avec surprise, je constate, au fronce- ment de ses sourcils, que ma fille désapprou- ve mon empressement a accepter. Je lui fais remarquer que la paléo-anthropologie est une science déja assez sinistre pour ne pas profiter des rares occasions ou les sujets a étudier sont intéressants. Et de fait, ces jeunes personnes sont réellement captivantes. Elles travaillent toutes dans des ambassades dispersées de par le monde et elles ont toutes des milliers de choses a dire, des centaines de réflexions a partager. Apres la soirée gastronomique dhier, la cote ouest sera ce soir le dernier salon ou lon cause. Aprés un démarrage assez sauvage et brutal, le sentier semble, a présent, devenir beaucoup plus civilisé. Pourtant, ma fille est de plus en plus renfrognée. J’en connais la raison. Je sais déja qu’aux jeunes Américaines, elle en prefére une seule et beaucoup plus agée, pour autant qu’elle soit accompagnée d’un guide avenant. Je comprends fort bien qu’elle soit jalouse, mais qu’y puis-je ? A ma grande surprise, cest a ce méme instant que japercois, émergeant de lombre, — ce que les dieux peuvent se montrer bienveillants parfois — notre tout premier guide ; celui-la méme auquel ma fille devait penser a l’instant. Nous l’avons rattrapé enfin. Il est allé mettre au lit sa cliente et n’a pas pu résister au chant des sireénes. Du coup, ma fille parait moins sévére. Je lui sais d’étranges pouvoirs. Aurait-elle également celui de matérialiser ses réves a volonté? Si cest le cas, jaurais intérét 4a me méfier. 7° édition ISSN 1496-8304 Juillet 2002 On nous offre des brochettes de poisson frais, cuit au feu de bois, arrosé d’un petit blanc sec de Californie. Je tombe des nues. Qui a péché ce poisson? Qui a apportée cette bouteille ? L’un et l'autre sont délicieux et n’ont pas leur place dans ce coin perdu et sauvage. Aprés quelques verres, je pense comprendre enfin le message: les grands explorateurs devaient étre forts et énergiques, en plus d’étre merveilleusement organisés. A ces. seules_ conditions pouvaient-ils amener, en des lieux les plus hostiles, ces nourritures réconfortantes si nécessaires a leur support moral. Quand Stanley, en Afrique centrale, traversait la forét de I’'lturi a la recherche d’Emin Pacha, lanti-esclavagiste, il se tenait toujours en téte de lexpédition, accompagné des provisions. William Stairs, le Canadien qui le secondait, s’est toujours plaint de manquer de tout, surtout de tabac et de nourriture. Dans ces notes, il l’'a amérement reproché a Stanley. C’est ce dernier qui, cependant, avait raison. Il nest mort a Londres qu’a lage de soixante-sept ans, dans son lit et entouré de Ilattention des siens, alors que Stairs, de prés de vingt ans son puiné, est mort dans la trentaine, au milieu de la savane africaine. Suite dans le prochain Moustique ! au coeur de Paris Paris: appartements a lover $770.00 — 1610.00/semaine I\ WWM. paris-studio.com Tel. fax (514) 937-1665 [