cas ie reagan ney ee boos Qene She AUX EDITIONS VICTOR-LEVY BEAULIEU: par Ben WEIDER CHAPITRE VIII Louis Cyr dans la police de Montréal Suite Pendant que Louis discu- tait avec sa femme, les chefs des bandits tenaient un grand conseil. Ils mettaient au point un plan pour venger leur honneur et retrouver la liberté d'action. Ils ne furent pas longs 4 se rendre compte que c’était la. présence de Louis Cyr qui donnait coura- ge a la police et que c’était sa participation qui rendait la force constabulaire si effi- cace. Pour remédier a cet état, une chose s'imposait: il fallait supprimer Louis Cyr. Le plus simple était d’étu- dier ses allées et venues, de découvrir ses habitudes et . de lui tendre un piége. Ce fut une question de quelques jours. Croyant avoir frappé un coup décisif, la police rédui- sit 4 deux le nombre des policiers dans Sainte-Cuné- gonde. Les voyous se te- -naient tranquilles, tout pa- vaissait calme. Mais en réa- lité, l'explosion se préparait. Le premier soir ot Louis Cyr fut désigné pour la . patrouille 4 deux, la provoca- tion éclata. Cyr et son ami virent déboucher a quelques pas devant eux, deux indivi: dus qui semblaient ivres. Ils se disputaient et bientdt en vinrent aux mains. Les gens commencérent a se rassem- bler comme toujours les badauds se rassemblent pour assister 4 une bagarre. Plusieurs femmes trop far- dées et aux vétements criards se mélérent aux curieux et bientdt on enten- dit des cris d’encourage- ment. Pour Louis et son camarade, il fallait immédia- tement rétablir l’ordre. Se frayant un chemin a travers le cercle des ba- dauds, Louis s’approcha des deux combattants. Mais comme il allait saisir les deux hommes au collet, aidé en cela par son camarade, une douzaine de malandrins qui se tenaient tapis dans la porte cochére; se précipi- térent sur Louis et son compagnon, armés de cou- teaux, de gourdins et méme de haches, Les deux combat- tants, renoncant a -jouer la comédie de l'ivresse, sorti- rent des couteaux a leur tour et se joignirent aux assail- lants. Sans la précipitation des. bandits qui se bousculérent pour frapper plus a l’aise les deux policiers, Louis Cyr aurait fini ce jour-la et sa carriére et sa vie. Mais la hate de ses agresseurs allait permettre a Louis de s’en tirer. Au lieu de reculer, il eut la présence d’ésprit de se __ jeter en avant sur le premier voyou a sa portée. Le coup de hache qui lui était desting passa en sifflant prés de sa ' téte et lui déchira la veste. _ Au méme instant, Louis ' Saisissait 'homme d'une main par la ceinture et de- l'autre par le col, le brandis- . sant comme une énorme massue. Le compagnon de Louis eut la présence d’esprit de se tenir dans l’ombre de son gi- gantesque camarade et de pousser des cris afin d’aler- ter d'autres policiers. Il de- vait étre durement touché, mais sa voix fut entendue, et les policiers arrivérent au secours de leurs camarades. Encore une fois, bon nombre de malandrins furent arré- tés. " Le policier qui accompa- gnait Louis, le constable Proulx, avait recu une bles- sure sérieuse a la téte et devait mourir 4 l’h6pital. Louis avait l’avant-bras ou- vert sur une longueur de plusieurs pouces, mais en dépit du sang qu’il perdait en abondance, c’était 1a une entaille superficielle, et s'il alla 4 I'h6pital ce fut plutét par précaution et pour se faire poser des agrafes. Du cdté des voyous, les dégats étaient plus graves. L’homme, dont Louis Cyr s'était servi comme d’un bouclier, était mal en point. Impatients de frapper Louis Cyr, ses propres’ amis Vavaient lardé de coups de couteau, de coups de hache et de gourdin. I] fut admis a Vhépital dans un état grave, ce qui le sauva d’un procés rapide qui lui aurait cofté - cher. Lorsqu’il se présenta devant les juges, ses blessu- res, et surtout le fait que les esprits s'étaient apaisés, lui valurent une peine moins dure que celle qu’il aurait normalement attrapée. Le quartier de Sainte- Cunégonde se transforma a partir de ce jour-la. Les mauvais garcons s’éparpillé- rent; la tfiche des policiers devint facile; les honnétes gens reprirent confiance et bientdt l’épisode des com- bats de Louis contre les ma- landrins commenca a deve- nir de la légende. Louis resta dans la police le temps nécessaire a la nais- sance et aux premiers mois de son deuxiéme enfant, une fille cette fois-ci. L’enfant vint au monde normalement, grandit auprés de sa mére et _de son pére qui la gataient beaucoup, et épousa plus tard le docteur Zénon-Ma- xime Aumont qui, incidem- ment, était un proche parent de Sir Wilfrid Laurier, puis- que sa mére en était la cousine germaine. Dés que Mélina fut rassu- rée sur son bébé, Louis Cyr démissionna de la police. ~ CHAPITRE IX TOURNEES AUX ETATS-UNIS — CHAMPION DU MONDE La décision de Louis Cyr était prise. Mélina n’avait aucune crainte sur la santé de son enfant, une ravissan- wed ‘te et robuste petite fille, Emiliana. On pouvait re- prendre les tournées. Avec une partie des éco- nomies réalisées lors de la conquéte du Québec, Louis, inspiré par l’exemple de son ami Gus Lambert, avait acheté une taverne, Carré Chaboillez. Il avait, pour attirer la clientéle quelques tours de force qui lui permettaient, selon ses propres paroles, de s’entretenir la main. L’ex- pression était exacte, car c'est bien de cela qu'il s’agis- sait. — La taverne de Louis Cyr était une sorte de restaurant ou les femmes étaient admi- ses. Mélina s’en occupait avec son mari; elle faisait partie du numéro qui ravis- sait les spectateurs. Chaque soir, au moment ot la clientéle était particu- ligrement dense, et alors qu'elle jugeait le moment propice, Mélina derriére le comptoir, appelait son mari: —Louis, viens m’aider! Aussit6t l’énorme Louis Cyr se levait et s’approchait de sa femme. Et on voyait alors cette scéne extraor- dinaire: Louis, se penchant par dessus le comptoir, ten- dait son énorme patte; sa femme venait s’y asseoir, tenant le plateau a la main; puis sans le moindre effort,’ Louis soulevait son épouse, la faisait passer par dessus le comptoir et l’amenait ainsi prés des clients. L’aisance avec laquelle il accomplis- sait cet énorme tour de force avait quelque chose de sur- humain. L’établissement de Louis avait une réputation excep- tionnelle. I] n’y avait 1a rien d’étonnant: Louis faisait ré- gner un ordre parfait et aucun mauvais garcon n’au- rait eu l’idée d’affronter le risque d’une correction des mains du grand champion. Gus Lambert aurait bien aimé s’occuper de Louis, mais le jeune ménage avait d'autres ambitions. La renommée de Cyr s’était prodigieusement ac- crue. Sa semi-inaction en tant qu’homme fort avait été, sur le plan publicitai- te, trés largement compen- sée par les prodigieux ex- ploits dans la police. Les différents épisodes du netto- yage de Sainte-Cunégonde avaient allégrement franchi les frontiéres et dans les milieux sportifs de New- York on en parlait beaucoup. Un des plus impressionnés devait tre Richard K. Fox, un organisateur de specta- cles sportifs bien connu, qui publiait une revue trés popu- -laire, l'une des premiéres a ‘grande sensation, qui s’appe- lait “The Police Gazette”. Fox écrivit 4 Louis Cyr pour entrer en contact avec le Canadien et lui demander _ quelques détails sur sa jeune carriére. Ce fut le début de relations trés amicales. NEO AMG -- O04 ~~ La tournée Cyr repartit vers les Etats-Unis avec un spectacle trés étudié, qui durait prés de deux heures. L'émotion allait en grandis- sant du début a la fin, Louis ayant toujours eu le sens de l'effet dramatique et sachant prendre son public. Le point culminant de la tournée fut la rencontre avec celui qui prétendait également au ti- tre de champion du monde, Richard Pennell. A cette époque, partant de Montréal, Louis Cyr, dans un geste aussi théatral que publicitaire, avait lancé un défi a tous les hommes forts du monde, sans excep- tion. Il était inévitable que, gloire de la force américaine, Pennell relevat ce défi. Richard Pennell, en 1886, année de la rencontre, ap- prochait de la quarantaine. Pour un homme fort, c’était la force de l’age. Louis Cyr était dans sa 23éme année. . Pennell était célébre pour avoir, quelques années aupa- ravant, exécuté un dévelop- pé d’un bras, de 201 livres et 4 onces, considéré comme fantastique. C’était un hom- me admirablement propor- tionné, a la musculature nette et déliée, qui ne pesait, en forme, pas plus de 180 © livres. Il avait effectué son lever dans le style devenu plus tard fameux, l’incliné latéral ou‘le dévissé”. La découverte de ce mouve- ment, “le bent-press’, devait méme lui étre attribuée mais il semble bien que.c’est le Frangais Louis Attila, qui le premier mit au point cette technique. Eugen Sandow devait la populariser. La reneontre entre Louis Cyr et l’Américain eut lieu selon les usages de l’époque, qui restérent en vigueur durant toute la carriére de Louis Cyr: Chacun des hom- mes choisissait un certain nombre de levers préférés et tous deux devaient les exé- cuter 4 tour de réle. Louis avait choisi des tours de force assez parti- culiers. Il s’agissait de soule- ver plusieurs milliers de livres avec le dos, de lever des masses avec un doigt, de charger sur l’épaule un baril de sable, etc. Les admi- rateurs de Pennell souri- rent. Dans leur esprit, Louis Cyr choisissait les mouve- ments pour lesquels il était bati et ne pourrait pas répéter les exercices de lever d’haltéres de leur hom- me. Le volume de Louis les trompait. Il ne s’agissait pas de graisse, mais de muscles durs comme de I’acier. Lorsque vint le tour de Pennell, il s’approcha non- chalamment du centre de laréne ot l'on avait amené Vhaltére. La salle, diiment chauffée par les boniments des présentateurs, était sur- tendue. Les numéros de Louis avaient surpris et amusé. Mais e’était au tour du grand champion local et quand il se pencha sur Vhaltére, un grand silence se fit. Ob WIS 23 I aa gat Le Soleil de Colombie, Vendredi 2 Décembre 1977 — 11 Pennell avait un air de majesté indescriptible. Sa musculature était splendide, nette, déliée; il avait le torse nu, et — détail ridicule pour nous, mais courant a |’épo- que — portait d’abondants favoris de chaque coété du visage. Signalons que Louis s‘était laissé repousser les cheveux coupés pour entrer dans la police. Lorsque l’haltére fut a bout de bras, aprés toutes les contorsions que le mou- vement comporte, le maitre des cérémonies annonc¢a qu’il pesait 200 livres, c’est-a-dire qu’a une livre prés, c’était le fantastique record du mon- de. La salle croula sous les applaudissements. Richard Pennell avait peiné pour parvenir 4 développer le poids. Qu’allait faire le Cana- dien frangais? Dans ce lever a inclinaison latérale dit le “dévissé”, on agit comme suit: d’un coup de reins aidé d’une légére flexion des jambes, le poids est amené a l’épaule; puis la main qui exécute le mouve- ment. maintient en quelque sorte le poids immobile pen- dant que le corps se penche de cété, ce qui facilite le développement du bras. Lorsque le bras est détendu a moitié, l’effort pour le raidir tout a fait est plus facile, il ne reste plus qu’a se redresser.en maintenant Vhaltére 4 bras tendu, et le mouvement est complété. — C’était au tour de Louis Cyr. Le public applaudissait encore la performance de Pennell que l'on vit cette chose extraordinaire: Louis s’approcha du poids comme s'il voulait simplement y jeter un coup d’oeil; et soudain, il se pencha en avant et sans plier les ge- noux, s’‘empara de l’haltére d'une seule main, se redres-_ sa sans effort apparent, leva lentement l’haltére a |’épau- le et, sans le moindre mouve- ment latéral pour faciliter Veffort, il développa 1|’énor- me masse a bout de bras. Un silence d’étonnement paralysa l’assistance. Le sou- -L’homme le plus fort du monde rire satisfait qui l’instant d’avant ornait le visage de Pennell s’évanouit. Louis avait fait ce fantastique le- ver comme s'il s'agissait d'un sachet de noix... Le deuxiéme lever de Pennell fut un développé a deux bras. Il y était passé maitre et exécuta, sans plier les genoux ni pencher le corps, en style dit militaire, un lever de 220 livres. Compte tenu de la rigidité de la pose, c’était 1a une performance étonnante. Mais Louis fit le méme mouvement avec 250 livres. Il ne restait plus 4 Pennell qu'une derniére chance de sauver l’honneur: la flexion d'un bras. Ses_ bicepts avaient la dureté de I’acier et son bras droit était parti- culiérement fort. Aiguillon- né par |’amour-propre, il réussit a faire le meilleur lever de ce genre, et pour la premiére fois dans les anna- les du monde de la force, réalisa une flexion d’un bras de 102 livres. La stupeur du public se mua en crainte presque su- perstitieuse lorsqu’on vit Louis Cyr faire une flexion d'un bras de 127 livres! La rencontre était termi- née. Pennell n’était pas bat- tu, il était écrasé, anéanti. L’affaire fit grand bruit. Dans son jeune enthousias- me, Louis avait fait large- ment les choses. I] devait s’en repentir trés vite et en tirer une importante indica- tion. L’aisance avec laquelle il avait surclassé Pennell et la marge qu'il y eut entre ses mouvements et ceux de son adversaire firent que pen- dant plusieurs mois person- ne, nulle part, n’osa relever ses défis. A quoi bon s’atta- quer a un tel surhomme? A suivre Nos petites annonces sont lues... Un rendez-vous hebdomadaire au canal 10 LA FRANCOPHONIE .. AND YOU *_ Mardi a 20h00 Victoria, Maillardville, Haney ~ Mission, Maple Ridge, Pitt Meadows * Mercredi a 22h00 * Jeudi Vancouver a 20h00 Nanaimo et Powell River rr) i. —- Se er ee ae = SITS ah atilreyial Weis