yes aren thése Volume 2 - Numéro 3 - Octobre 2006 La voix des parents de Colombie-Britannique Les bonnes habitudes... linguistiques par Annie Bourret, linguiste professionnelle et auteure de Pour l'amour du francais (Leméac, 1999) A l'a@ge de cing ans, ce qui correspond souvent a la maternelle, un enfant élevé dans une langue « majoritaire » dans son environnement a été exposé a cette langue pendant prés de 22000 heures, a raison de 12 heures par jour. Il s’agit non seulement d'une gamme complete d’usages en contexte de la langue orale (le quotidien a la maison, faire |’épicerie, jouer avec d'autres enfants, etc.), mais aussi de l'imprimé ambiant au minimum (les affiches dans la rue, les catalogues, les circulaires, etc.) et, selon le foyer, possi- blement aussi de lecture avec les parenis, ce qui aide |’'enfant 4 comprendre la cor- respondance son-sens. L'enfant appartenant 4 un groupe linguis- tique minoritaire vit un développement bilingue a divers degrés. Cela se traduit par une grande différence dans la fré- quence et la gamme d’usages en contex- te des deux langues. De Id la grande im- portance d'instiller l'habitude que l’adulte parlant la langue minoritaire dans une famille exogame parle cette langue a l'enfant dés la naissance et maintienne cette habitude.Cela peut représenter un défi assez important. Dans les foyers exogames, les adultes uti- lisent généralement la langue dominante pour communiquer. Dans notre province, c'est surtout l'anglais. Il peut étre tout a fait naturel de parler en anglais 4 son conjoint, puis de poursuivre dans la méme langue pour parler 4 son bébé - surtout si le conjoint est présent. L'adulte fran- cophone doit donc faire un effort pour adopter d'autres habitudes linguistiques a la maison. Certaines familles préféreront aussi atten- dre que leur enfant aille Gl’école avant de commencer |’apprentissage du francais. II s'agit souvent de francophones devenus bilingues a |’Gge adulte au prix de grands efforts, parfois de sacrifices professionnels et de frustrations sociales ou personnelles. Les parents ne parlant pas fran¢gais peu- vent aussi faire valoir l'importance d'un « bon anglais » pour réussir dans la vie. Ces familles s'en remettent parfois a |’école pour enseigner le francais d leurs enfants, soit au programme francophone, soit en immersion. ll faut signaler aussi la théorie du « far- deau» du bilinguisme précoce ov les parents estiment que l'enfant qui vit un développement bilingue en bas dge ou dés la naissance peut accuser des «re- tards » de développement. On cite alors allegrement les mélanges (Papa, read me une histoire) et on oublie que les petits unilingues apprennent leur langue 4 des rythmes différents. En général, la recherche indique que le rythme d'acaquisition est le méme mais qu'il y a des differences de maitrise de certains aspects linguistiques. Les mélan- ges sont une étape normale du dévelop- pement bilingue qui diminueront avec l'@ge, 4 mesure que l'enfant commence a différencier les réegles spécifiques aux deux langues. A I’'age adulte, ces mélan- ges représentent entre 2 et 4 % de la pro- duction linguistique (mais Dieu sait qu'on leur accorde une importance inversement proportionnelle!). Pour en revenir aux habitudes linguistiques, soulignons quelques points. On estime que l’acquisition d'une deuxiéme langue est optimale jusqu’d |’dage de sept ans (a cause de la plasticité du cerveau). Aprés l'G@ge de sept ans, les stratégies d'appren- tissage changent (on s’appuie sur les ac- quis de la premiére langue, entre autres). En adoptant I'habitude de parler francais et de lire en francais a votre enfant, vous lui donnez une meilleure base pour un bi- linguisme fort. Vous lui permettez aussi de développer un rapport affectif en fran- ¢ais, ce qui rend son emploi plus pertinent et contribue 4 l'identité. Si vous prévoyez l'envoyer a |’école du programme-cadre francophone, cela facilitera sa transition dans un monde ou Ia langue sert a ap- prendre. Enfin, oubliez cette crainte que votre enfant n'apprenne pas |'anglais si vous renforcez le francais en bas age. A la fin du secondaire, la plupart des jeunes francophones canadiens en milieu mino- ritaire ont des compétences trés élevées en anglais.