ae eT 4— Le Soleil de Colombie, vendredi 10 mai 1985 Lettres, arts et spectacles Festival international du_film La premiére séance dans les circuits commerciaux traditionnels. Le festival sera donc l'occasion de nombreuses premiéres. Il verra également la venue de plusieurs personnalités dont les actrices Marsha Mason et Théresa Russell, les acteurs Michael York et Harry Dean Stanton et les réalisateurs Bill Forsyth, Martin Rosen, Anthony Harvey, Nicolas Roeg et. Henry Jagion. Au sein de la sélection, le cinéma de langue francaise oceupe une place de choix avec des films québécois [“Mario” et “Sonatine”], belge [“Le lit”], martiniquais [“Rue cases négres”], haitien [“Canne amére”] et une quinzaine de . productions francaises. On peut regretter que la plupart de ces films ne soient joués qu ’une seule fois et souvent aux mémes heures. Il n’en reste pas moins que ce festival présente un intérét propre a satisfaire tous les passionnés de cinéma. Francois Bourboulon {Samedi 11 mai, & 21h30, France, 1984, 107 mn Realisé par Claude Zidt Interprété par Philippe Notret, Thierry Lhermitte, Julien Guiomar. Le nouveau film de Claude Zidi’ a constitué l'une des grandes surprises de l'année cinématogra- phique 1984. Non pas a cause d’un succés public considérable en France, car Claude Zidi est le spécialis- te desréussitesau box-office (depuis dix ansil aligne des films comiques plus ou moins dréles mais toujours populaires) . Mais avec Les ripoux:, Zidi a enfin obtenu un satifescit de la part dela critique qui ne l’avait ja- mais épargné auparavant et qui a cette fois souligné la finesse de sa réalisation. Le point d’orgue de cette reconnaissance a bien sir été le César du meilleur film accordé aux Ripoux, un événement puisque c’est Régine, Fanny Bastien et — la premiére fois depuis la création des César qu’une telle récompense va a une production comique. Pour couronner le tout, Claude Zidi a regu le’ César du meilleur réalisateur. A vrai dire, les deux récompenses sont méritées car. Les ripoux est en tout point un spectacle excel- lent. Philippe Noiret est un vieil inspecteur de police roublard et malhonnéte qui joue aux courses, vit avec une ancienne call-girl et garnit son nid grace a toutes sortes de pots-de-vin, cadeaux et combines. Mais tous ses petits traffics, qui ont les rues de Paris pour théatre, sont bient6t mena- cés par son nouveau parte- naire, un inspecteur débu- “presque sans faille, a l’ex- tant (Thierry Lhermitte) sorti tout droit de l’école de police, la téte encore pleine de principes et soucieux de construire sa carriére selon les régles. Incapable d’amadouer ce policier intégre, Noiret, le flic véreux, tente de briser ses résolutions en le faisant tomber dans les bras d’une prostituée de classe qui lui fait dépenser la totalité de son salaire en un seul diner. Complétement ruiné, et de surcroit amoureux, Lhermitte se range peu a peu aux méthodes peu orthodoxes de son confrére. Bientét, 1l’éléve surpassera méme le maitre. Basé sur une enquéte trés sérrée effectuée auprés de vrais policiers, le scénario est ception d’une fin un peu trop facile bien que joyeu- sement amorale. Et les deux acteurs sont absolu- ment parfaits, en particu- lier Philippe Noiret fait des prodiges dans l’hypocrisie, la fausse exaspération et lironie cynique. Et Les ripoux est l'exemple de ce que peut étre une comédie réussie, exemple assez rare dans le cinéma francais.F.B. La femme publique che 12 mai, a 21h30, ollywood France, 1984, 113 mn Réalisé par Andrzej Zulawskt Interprété par Valérie Kaprisky, Francis Huster, Lambert Wilson. Présenté aux festivals de Cannes et de Montréal. Faisant partie de la sélec- tion officielle au festival de ~ Cannes l’an dernier, La femme publique avait cau- sé un petit scandale et surtout occasionné beau- coup de remous dans la salle. pads En fait, tout ce qui entoure et fait ce film a un parfum spécial propre a déclencher les polémiques. Une actrice qui en quelques mois est devenue une véri- table vedette. Apparue pour la premiére fois a lécran dans Breathless, le remake américain d’A bout de souffle de Godard, elle a éclaté avec La femme publique. Le fait qu'elle s'y montre nue et provocante une grande partie du temps y est sans doute pour quelque chose Deuxiéme Francis Huster, acteur sé- protagoniste, millant, ancien sociétaire de la comédie francaise, doté d’un talent aussi énor- me que son é€go, et qui malheureusement se com- plait dans des réles de séducteur-au-sourire- désarmant mais un peu (beaucoup) pervers, Enfin, le réalisateur de La femme publique ne laisse pas indifférent lui non plus. Andrzej Zulawski est un Polonais exilé en France. Dans sa filmographie, on retrouve L’tmportant c'est d'aimer _—avec Romy Schneider et Possesstons avec Isabelle Adjani. Dans les deux cas, il avait réussi a ¢ tirer de ses actrices ce qu’elles avaient de plus profond et Isabelle Adjani en particulier n’a jamais été aussi impressionnante et physiquement présente. En tous cas, Zulawski a le mérite de ne jamais laisser indifférent, méme s'il ne fait rien dans la dentelle. Ah, au fait, Vhistoire. Ethel (Valérie Kaprisky) est une actrice débutante qui subsiste en posant nue pour un voyeur qui se. prétend photographe. Jusqu’au jour ot elle ren- contre Lucas’ (Francis Huster), réalisateur ma- niaque qui lui offre le premier réle dans son adaptation emphatique des Possédés' de Dostoievsky. Mais le vrai Dosede est Lucas.. . ti Decouragee” Ethel rornibe amoureuse d’un dissi- dent tchéque un peu dé- rangé et sans doute homi- cide (Lambert Wilson) . Et pendant qu’elle se balade d'un malade a l'autre, Ethel passe un temps phé- noménal 4a s’habiller et se déshabiller. Tout cela dans une atmosphére torride et | oppressante. On en frémit d’avance. ‘ F.B. § 13 mai, 4 21h30 France, 1984, 125 mn Réaltsé par Jacques Rivette Interprété par Jane Birkin, Geraldine Chaplin, André Dussollier, Jean-Pierre Kalfon. Présenté au festival de Venise. théatre et les rapports entre acteurs, la frontiére- entre la réalité et Villusion: un théme que Francois Truffaut avait magnifique- ment abordé dans Le der- nier métro. Jacques Rivette, I’un deses amis, lui aussi membre de la Nou- velle vague s’y essaie 4 son tour avec L'amour par terre. Deux étrangéres (Géraldine Chaplin et Jane Birkin) arrivent a Paris, ouvertes 4 toutes les aven- tures, et plongent dans une confusion totale, entre le théatre et la vie. “Décou- vertes” au cours d'une séance d'improvisation dans un appartement, elles sont invitées par un auteur La créationd’une piéce de “tient le titre. Il L’amour par terre riche et énigmatique (Jean Pierre Kalfon) dans son chateau pour participer aux répétitions de sa propre piéce. Il y a plusieurs metteurs en scéne dans L'amour par terre, Clément Roquemaure, l’auteur, dé- attire Charlotte et Emily dans son antre et il leur propose un texte qu’elles joueront une seule fois.Elles ne connat- tront qu’au dernier mo- ment le dernier acte. Pour Rivette, la répéti- tion, le spectacle en train de se faire, le film en cours de tournage est le moment privilégié de la liberté- puisqu'il peut toujours se produire quelque chose d'imprévu. . variation sur les thémes L'amour par terre est une chers a Rivette: le mystére, le théatre, 'ambiguiité, la | complicité féminine, ‘les. jeux de l’amour et du hasard, la fantaisie et l’hu- mour. Trés claires d’ail- 4 leurs sont les références a ses films précédents, Céline et Julie vont en bateau et surtout L'amour fou ov Jean-Pierre Kalfon jouait déja un réle de metteur en scéne. La critique a salué ce film, soulignant unanime- ment son caractére trés maitrisé. Non _— content d’étre un observateur hu- main, Rivette se veut aussi un amoureux et un techni- cien du cinéma (il n’oublie jamais de rendre hommage a ses maitres, Renoir et Hitchcok). Et il ne s’est sans doute jamais aussi révélé que dans L’amour La vie est un roman Mercredi 15 mai, a 19h00, lollywood undi 3 juin, a 21h30, idge France, 1983, 110 mn. Réalisé par Alain Resnais Chaplin, Fanny Ardant. Présenté aux festivals de Londres, New York, Seattle et Venise. Le moins que l'on puisse dire d’Alain Resnais est qu'il. n’est pas un réali- sateur facile. De L’année derniére ad Marienbad a L'amour a mort en passant par Hiroshima mon amour ' Stavisky, Providence ou Mon oncle d’Amérique, ila toujours abordé avec la plus grande rigueur des thémes souvent austéres. Mais comme le disait un Interprété par Vittorio Gassman, Ruggiero — Ratmondt, Geraldine par terre. critique, Resnais “qui a d et ou? Quand et oui? Tous les jours au Ridge, 3131 Arbutus, 738-6311 Vancouver East Cinema, 2290 Commercial, 253-5455 Hollywood, 3123 ouest Broadway, 738-3211 toujours été loué pour son génie de la construction et son attachement aux no- tions de temps et de mé- moire, est avant tout le plus grand directeur d’acteurs a@umonde se Ici encore, il tire le meilleur profit de ses inter- prétes, permettant notam- ment au chanteur d’opéra italien Raimondi de révéler des talents d’acteurs qu'il a depuis confirmés; notam- ment dans Carmen de Francesco Rosi. Egalement al’affiche de ce film, Fanny Ardant qui est devenue une actrice fétiche de Resnais tant sa présence et l'intensi- tédeson jeu servent bien les © aspirations du metteur en scéne. Ruggierro: Un samedi de 1914, dans la forét des Ardennes, le Comte Michel Forbek ras- semble ses amis pour an- noncer la construction d’un magnifique chateau, un “Temple du bonheur”, oi ils prendront tous part a une expérience: refacon- ner les rapports humains. Soixante dix ans plus tard cette partie du chateau qui a été créée avant le début dela Premiére guerre mon- diale est devenue le siége de l'Institut Holberg, école expérimentale ot doit se. tenir une conférence sur “L'éducation de l’imagina- tion”. En méme temps, trois enfants qui y passent leurs vacances y dévelop- pent leurs propres jeux d’oppresseurs cruels et ma- giques. Se déplacant a son gré dans le temps, naviguant d'une histoire a l’autre et | d’un personnage 4 l'autre, Resnais évoque un chateau des plaisirs tel qu’il l’imagi- ne. Sil’on parvient a entrer et se sentir a l’aise dans son univers, on peut apprécier pleinement La vie est un roman. Dans le cas con- traire, l’aspirine est bien- venue a la sortie du cinéma.