if )) Avril 1967 e L’APPEL © page 9 Dialogue...de badauds ? Lua scéne: une rue de Vancouver ou de Maillardville. Les personnages: deux connaissances. La saison: un jour typique d’hiver sur la cote ouest. L’oceasion: aticune en particulier. — Ah! bonjour! Ca va? — Mais oui. Et toi? — Comme ca... il pleut toujours! — Ah! C’est tellement normal que je ne m’en étais méme pas apercu. — Quant 4 ga, ¢d pourrait étre pire. Au moins on wa pas & pelleter notre neige. Il parait _quwil fait assez froid dans l’Est. CA nous con- sole du mousson. C’est pour dire que le malheur des uns fait le bonheur des autres! — Et, qu’est-ce que tu fais de bon? — Pas grand’chose. Je regarde plutét faire .. . — kh! faire quoi .”: . qui? — Je suis allé voir la fontaine du Centenaire . . Tu sais, en fave du Palais de Justice, sur la rue Georgia. Un genre de monolithe, symbolisant la vie sortie de la mer... monument assez mys- _térieux, d’ailleurs, puisqu’on le voit & peine sous les jeux d’eau. — Ah, oui. Je suis passé devant. Lorsqu’il a été découvert aux yeux du public, il y a quel- ques semaines, par le premier ministre, M. Bennett, il pleuvait 4 boire debout. C’était, pa- rait-il le quarantiéme jour de pluie sans arrét. Ce qui a fait dire 4 certains, qu’au lieu de cons-: truire une fontaine il aurait peut-étre pré- férable de construire une arche. — Tu es allé voir le Train du Centenaire? — Oui. J’ai dfi attendre en ligne pendant prés d’une heure. En entrant, comme j’ai vu un bouton of c’était indiqué: commentaires en francais, j’ai poussé dessus et’ je me suis re- trouvé Yun des seuls & comprendre quelque chose. Tu peux t’imaginer les protestations! — Cétait intéressant ce train? -— Pour ¢A, oui. Mais, c’est 4 une occasion com- me celle-la gqu’on sapergoit qu’on n’est pas sorti du bois. -— En effet, Et ce ne sont pas les politiciens qui nous aident 4 en sortir. Tu as entendu Kiernan affirmer que la Colombie Britannique n’a pas besoin du reste du pays? —. Jai Vimpression que nous n’encourageons pas suffisamment le théatre: les comédiens sont forecés de se trouver des auditoires ot ils peuvent... : — Et cette terre de “lait et de miel” regorge de ce genre de talent. On les retrouve a tous Envoyez votre abonnement a l’Appel AUJOURD'HU]! les niveaux. Et, il y a le nombre correspondant de “poires” pour les prendre au sérieux. — Je ne dirais pas ca. Je pense que, justement, ils savent bien qu’ils ne seront pas pris au sérieux. Le drame e’est que le public fait rire de lui. Ce n’est pas & son crédit. — Pendant ce temps 14 les cheveux rallongent ; les jupes disparaissent ; la “pilule” se vend bien ; le cerveau s’atrophie au point qu'il faille le stimuler au “L.S.D.”; les hommes veulent la paix alors que la machine veut la guerre: done, on fait la guerre; depuis que le ciel est exploré par toutes sortes dengins, on ne peut pas dire qu’on a le ciel qu’on avait .. . alors on fait des services intereonfessionnels ‘pour en découvrir un autre. — Tu n’es pas un peu cynique? — On le serait 4 moins ... Tu as suivi, un peu, la gréve scolaire au Québec? — Comme ¢a. Les gréeves, maintenant, -c’est la mode. — Oui, mais ce que je trouve dréles ce sont les slogans. Tu te rappelles du “droit des parents” qu’on invoquait a toutes les sauces pour dé- fendre certains types d’écoles? Eh, bien, main- tenant on est passé par le droit des enseignants pour arriver 4 réclamer celui des parents. . — Parlant du droit des enfants ... il parait que bientét ce seront les enfants eux-mémes qui dé- eideront du programme scolaire. Le professeur ne sera lA que durant la période de transition nécessaire pour que les enfants s “organisent. Ensuite, les professeurs n’auront qu’ se cher- cher autre chose 4 faire.’ — Ce ne serait peut-étre pas si mal. A bien y penser, c’est le temps qu’il faudra pour s’adap- ter A une civilisation sans enfants. — Tu veux dire... ? — Mais oui. Tu n’as pas essayé de te trouver un logement derniérement? C’est pire que ja- mais. Au moins, 4 un temps on acceptait les chiens, maintenant on ne loue plus ni aux fa- milles. qui élévent des enfants ni 4 celles qui élévent des chiens. —— T’es pas fou? — Je ne sais pas... On se fait tellement dire quwil n’y a plus de place sur terre... que dans tant d’années on ne pourra méme plus se cou- cher faute d’espace . — Oui, mais je me demande si on ne doit pas de temps en temps se demander si, un heureux jour, ce ne sera pas que de ga, de l’espace, qu’il y aura. — Bon, j’arrive chez moi. On pourra se reprendre? — D’accord... ; ; Roméo Paquette