VOLUME 9 __- 4° EDITION- ISSN 1704 - 9970 - Non, Monsieur, vous aurait-on alors répondu ! Imaginez un instant que notre préfet revienne en sa ville, dans la luxueuse voiture de notre gouver- neur, nous lui laisserions passer le premier obstacle avec respect, force sourires et excuses. Mais il se trouverait arrété au second. Voulant retour- ner sur ses pas, nous |’aurions dés lors bloqué au premier et 1A, il se serait retrouvé ferré, comme un vulgaire telapie nageant dans notre fleuve Niger ; poisson aussi laid et gluant qu’il peut l’étre lui-méme. Aux mains des habitants de Kouroussa, le sort du préfet ne pour- rait étre conté, d’autant moins que, retors comme il I’ était, il l’imaginait fort bien et ne s’est pas montré. Une ville en révolution, vous rendez-vous compte ? Tout ¢a pour une petite villageoise... et, également, deux livres d’or ! Toutefois, le Pré- sident ne pouvait admettre de troubles semblables, surtout en territoire ma- linké. II fallait rétablir l’ ordre au plutét et raisonner le préfet sans trop faire perdre la face aux Soussous pour une seule et sordide affaire de gros sous. On envoya donc les militaires, armés cette fois de bonnes intentions, celle de maintenir la paix pendant que le Ministre de |’ Intérieur, en compagnie du Gouverneur de Kan Kan, aménerait le préfet a rendre I’ or a la jeune femme. Pour calmer les esprits et tenter de redorer le blason des Soussous, on vota pour une restitution en public et en présence de la télévision natio- nale. Ainsi fat fait. Au milieu d’une foule serrée, Minata recouvra son or. Dans les archives de la télévision nationale 4 Conakry, il vous sera pos- sible de retrouver le bout de film ayant fixé ce moment mémorable. Vous y verrez un préfet, engoncé dans sa prestigieuse djellaba blanche, déconfit sous Sa « taguia » finement brodée, affaissé au creux de ses babouches immaculées. Soutenu a la fois par un ministre et un gouverneur, toute su- perbe en déliquescence, le visage ravagé par l’épreuve, larmoyant, il rend l’or en sanglotant des : « c’est a moi, c’est mon or » ou hoquetant des : « ils me l’ont pris, c’est horrible ! » et la foule d’applaudir ou de se réjouir. Aminata avait eu trop de chance pour qu’on I’aimat encore a Kari- karissa. Elle est donc partie, un matin trés tét, comme au jour de la décou- verte. On ne sait pas ou elle s’est rendue. On I’aurait voulue heureuse a présent, riche et en compagnie de son mari. Toutefois, tous ceux 4 connai- tre son histoire se sont montrés éminemment pessimistes. Célébrée par la télévision guinéenne, on peut en effet penser qu’elle aura bien du mal a rester inapercue. FIN Jean Lebatty, Victoria, (C.-B.) 13