14 Le Soleil de Colombie, vendredi 30 juillet 1982 _ Le Liban de jadis: la Phénicie AVANT-PROPOS Nous avons amplement abordé le sujet du Liban d@hier et celui d’aujourd’hui dans son horrible cadre de terreur, de ruines, de misé- res et de morts sans nombre, dont il est le théatre et la victime, impliqué a son corps défendant pour une cause qui lui est complétement étran- gére, soit une plate-forme de taille pour une population de réfugiés qui veut reconqué- rir un pays perdu. Sept années durant, sa qualité enviable de “Suisse de YOrient” a fait place aux “Ruines de Carthage”. Quelle est l’origine de ce vieux pays plusieurs fois ewe millénaire? Son nom jadis? © Ses habitants, qu’ont-ils fait sur notre planéte? Mérite- |” manipulation était trés cof- teuse, elle servait a teindre les vétements royaux, de la noblesse, des hauts digni- taires de l’Eglise, d’od la pourpre des Césars, la pour- pre cardinalice. LES GRANDS NAVIGATEURS Les Phéniciens, adoptons cette appellation, furent de grands et vaillants naviga- teurs, deux mille ans avant les Portugais ou les Espa- gnols. Leurs points de départ étaient centrés aux villes de Byblos, Tyr et Sidon sur le littoral de l’actuel Liban, sur t-il une attention toute parti- | 2: culitre? La réponse, un & grand oui. LA PHENICIE Le Liban occupa 5000 années durant dans |'Histoi- $f re, une place de choix, c’est celle de ses anciens habi- tants, les Phéniciens et fut le berceau de notre civilisa- § tion. Ne pas confondre avec les Phocéens d’Asie Mineure, * alors sous les Grecs, fonda- teurs en Gaule, de Massalia ou Marseille, six siécles avant J.C. L’origine de la Phénicie est pratiquement inconnue, elle se perd dans la nuit des temps, Elle était constituée d'une bande de terre, un littoral sur la Méditerranée baignant |’Asie, long d’envi- ron 200 kilométres, ce qui est actuellement la République Libanaise. Certains histo- riens affirment que ce litto- toujours été peuplé Fala depuis l’Age de pierre. — LES PHENICIENS Avec ce noyau d’aborigé- nes, des vagues migratoires se superposérent a souhait, la plus importante vague fut cals des Phéniciens, d’origi- ne sémitique, de Sem, fils de Noé, qui, sans doute, serait venue des bords du Golfe Persique pour s’établir sur ce littoral, un vrai carrefour de communications _possibles pour l'avenir. Au point de vue ethnique, ~ les Libanais sont, en premier lieu, d'origine phénicienne, mélée a des Grecs, Romains, aoe sapere arabe a été pergu u'ily a eu un afflux de tribus d’Ara- bie qui marquérent profon- dément les ethnies devan- ciéres. Ces humains appelés Phé- niciens ne se reconnaissaient pas par cette appellation, ils se considéraient comme étant de la terre de Canaan, ancien nom dela Palestine ou Terre Promise, donc des Cananéens, mais Phéniciens a prévalu chez les historiens. L’origine du mot Phénicie n’est pas certaine. Canaan aurait été connu comme une importante source de la cou- leur rouge-pourpre, or, les - Grecs employérent le. mot phoinix pour cette méme couleur. : LE MOLLUSQUE MUREX. ~ La teinture tyrienne, précieuse, pourpre, était fabriquée par prise par les Arabes au VIIle siécle, elle déclina. NAISSANCE DE L’ALPHABET On attribua aux Phéni- ciens, le premier alphabet de 22 consonnes; plus tard, les Grecs y firent des modifi- cations de base et ajouteé- rent les voyelles. On prétend que Cadmos, Phénicien lé- gendaire de Thébes, en Béo- tie, introduisit les éléments de cet alphabet en Gréce. Ses descendants _continuérent son oeuvre, tandis que le peuple carthaginois phéni- . cien lenseignait aux Ro- — d ene les Phéniciens a partir du murex, coquillage méditer- ranéen. la mer Méditerranée. Carre- four entre |'Asie, |’Afrique, l'Europe n’avait pas encore une identité trés précise. Ils furent, ces Phéniciens, les premiers constructeurs de navires allant a la voile et a la rame, grfce au bois des cédres du Liban. Ils encercleé- rent les bords de toute la Méditerranée, centre vital de l’Antiquité, par des pos- tes, des colonies, etc., et méme ses iles. Partout od ils naviguérent, ils repérérent des sites sus- ceptibles de devenir des centres de commerce, plus tard des colonies phénicien- nes. Ils parcoururent la Mer Egée, la Mer Noire, la Mer Rouge, avec une détermina- tion et un courage jamais égalés. L’étoile polaire était leur point de direction, c’était I’étoile de Phénicie. Ils établirent des postes fortifiés et des colonies aux iles de Malte, Sicile, Sardai- gne, Chypre, Créte (Candie). En Espagne, a Cadix, Mala- ga, etc. Ils atteignirent, deux siécles plus tard, le Détroit © de Gibraltar, alors dénommé les Colonnes d’Hercule, d’ot ils s'aventurérent, par |’At- lantique, jusqu’aux Cor- nouailles, du. sud-ouest de l'Angleterre et exploitérent des mines d’étain. *_ L'HISTOIRE _ DE CARTHAGE Ville de l'Afrique du Nord, l'actuelle Tunisie, fondée en 814 avant J.C. par Didon, fille du roi Phénicien de Tyr, soeur de Pygmalion. Celui-ci assassina son époux Sichéee. Craignant des représailles, elle ‘s’embarqua avec des esclaves en direction de l'Afrique du nord et s’arréta aun site qui devint Carthage, et qui entra d’emblée dans la grande Histoire, et soutint plus tard des luttes contre Rome, connues sous le nom de Guerres Puniques. Suivant I'Enéide de Virgi- le, Enée, également un fu- yard, se fit aimer de Didon, puis l'abandonna. Dése rée, elle monta sur un bf- er et s'y poignarda. ’ Du Ier au Vie siécle, Carthage demeura la vérita- ble capitale de l'Afrique du Nord . Puis elle fut Les chiffres dits arabes suivirent a partir de 1a, connus en France au Xe . siécle. Ces alphabet passa. aux Hébreux, Araméens, Arabes, avec pas mal de modifications fondamenta- les, mais le principe d’écrire s’était amorcé. Par Alexandre SPAGNOLO les anciens géographes. Donc, partis de 1a, les Phéni- ciens se dirigérent vers la Mer du Sud (I’Océan Indien) et contournérent le vaste continent africain et établi- rent des postes pour le commerce ou méme_ des colonies tout au long de leur parcours, jusqu’a établir la Phénicie Libyenne. Leurs moyens: Une prodigieuse armada de 50 navires, chacun avec 60 rameurs et 30,000 hommes et femmes pour le peuplement. Quel peuple au cours de l’histoire a mieux fait? Annibal ou Hannibal, ce général Carthaginois, donc Phénicien, qui s'illustra en allant combattre les Romains sur leur terrain, en traver- sant la Péninsule Ibérique, le sud de la Gaule, franchis- sant les Alpes, etc., par des victoires et des revers. Fina- lement, les Romains haineux envahirent Carthage. Il se suicida. - DANSLES PROFONDEURS DE L’ASIE En Asie, ces Phéniciens, ancétres des Libanais, créé- rent des voies d’accés, des routes pour commercer avec l'intérieur, jouissant, eux, de § la situation unique que leur patrie constituait un impor- tant carrefour vers les peu- ples d’Assyrie, du Caucase, d’Arménie et d’Arabie. Ainsi, le peuple libanais de Phénicie commenca son his- toire de civilisation et de contacts inter-peuples aux - environs de 3000 avant J.C. et durant une période s’éta- lant sur 25 siécles, mena de abritent au sein de leurs populations autochtones, les hommes armés de |’Organi- sation de Libération de la Palestine (O.L.P.), qui s’en servent comme _ boucliers pour les attaques contre les colonies d'Israél, ces villes suffisent 4 rappeler les hauts faits glorieux atteints par la Phénicie de jadis. Leurs habi- tants furent les rois de la mer, ils portaient des véte- ments de couleur pourpre- rouge (teinte désignée par les anciens Grecs par “phoi- nix), ils vécurent dans des palais de marbre et d’or, ou les sons de la musique provo- quaient de merveilleux échos continuels. C'est la, nous le répétons, le Liban de jadis, héritier direct de la Phénicie, ce qu’il a édifié, voila aussi ce qu’on a délibérément_ détruit. De quel cété sont donc les bar- bares? Curieux fait: entre ces villes, il y eut de sérieuses rivalités, aucune n’était as- sez puissante pour dominer a Sivennceht MEDITERRANEAN SEA / JUDAH og © Kadesh-barnea = Damascus © one wef} SYRIA sae Dane Kg ? ® a L} » : pate ts oA a a 0? Sea of Gaillee o? % 7 \ Ramoth-gilead e : H H a ; e Tirzah geeueme? .. .AMMON = . ® Rick, . Bethel « ? Pocanewy samme ane™aq, af : om & Jerusalem e Dead Sea e Beersheba / s —_ 4 DOM MOAB _ CIRCUM- NAVIGATION PHENICIENNE Au Ve siécle avant J.C., les Phéniciens conduits par Han- noun de Carthage s’embar- uérent a partir de la Mer ge, ce fossé d'effondre- ment envahi par les eaux, dont les poissons et le planc- ton lui donnent une légére teinte rougeftre; elle portait le nom de Golfe Arabique et méme Mer d’Erythrée par _ trés nombreuses expéditions fructueuses, avec un incom- parable dynamisme, don- nant au monde une précieuse illumination et une synthése matérielle ainsi qu’une spiri- tualité humaine, en somme un bel héritage. . TYR, SIDON, BYBLOS, BERYTE Ces quatre villes de l’Anti- quité de la Phénicie, actuel- lement détruites, martyres depuis 1975, parce qu’elles - les autres, aussi, il ne fut pas possible de créer un Etat. proprement dit, mais ce fait ne fut pas destructif, bien au contraire. SIDON (l’actuelle Saida, en arabe péche, ville de pé- cheurs) aurait été fondé par Sidon le Phénicien, fils ainé de Canaan, (lui-méme fils de Cham, maudit par Noé, le “gars de l'Arche). Au début Sidon porta le nom de Sidou- . na. Ses habitants furent les artisans de ]’empire colonial de la Phénicie. ome 7 Le Roi de France Louis IX (St. Louis) s’intéressa a Si- don, lors des Croisades, fit reconstruire ses remparts détruits par Saladin, Sultan d’Egypte et de Syrie, héros musulman, il vainquit les Croisés. Ii dut céder Sidon au puissant Ordre des Tem- pliers. Sidon devint un centre trés important avant Béryte (Beyrouth) a telle enseigne que la France avait un Consulat avec le Chevalier d’Arvieux puis Joseph Ma- thieu Bertrand, époux d’une cousine de notre famille, dont la petite-fille Paule Collot, ex-professeur de _collége, figée de 86 ans, vit a Paris. TYR aurait été fondé par les Phéniciens de Sidon au cours du 3e millénaire. Il eut une importance considéra- ble, lors de ses relations avec Egypte des Pharaons et des échanges fructueux d’idées, de vocations artistiques a plusieurs niveaux. A cette époque, !'esprit des popula- tions riveraines de la Médi- terranée (le lac Phénicien) bouillonnait d’idées. Au cours des longs millénaires, — toutes ces villes eurent de . longs moments de glorieu-— ses activités, d’expansion, al- ternés par des périodes éclip- tiques pour finir dans une relative médiocrité “Sic tran- © sit gloria mundi”... BYBLOS (Jbeil, en arabe) est l'ancien Gebal de la Bible. "La premiére ville de Phé- nicie figurant dans les Ecri- tures des Anciens. Suivant la tradition, la plus ancienne ville au monde, continuelle- ment habitée, fait rare. Des excavations ont révélé l’exis- tence du néolithique, allant de 6000 a 2500 ans avant J.C. bien avant Rome et la Gréce, quand Byblos était un Etat puissant. _ Jamais dépeuplee, les ha-, bitants de Byblos (Jbeil) sont des descendants en droite ligne, non seulement, des Phéniciens, mais aussi des Assyriens, des Egyptiens, Grecs, Romains, Arabes, Croisés, dont elle a fourni l’élite de ses archers, et enfin les Tures. Ils sont trés fiers de leurs ancétres, les ruines somptueuses qu’on y_ voit témoignent de leur civilisa- — tion plusieurs fois millénai- res. . BERYTE (Beyrouth),nous lui _réservons un chapitre spécial. [A SUIVRE] © Vu l’impudence et la stupide arrogance de la plupart des hom- mes, tout étre qui posséde des mérites quelconques fera tres bien de les mettre en vue lui-méme afin de ne pas les laisser tom- | ber dans un oubli complet. Schopenhauer.