VOYAGES Le Soleil de Colombie, vendredi 26 janvier 1990 - 11 Rouen, ville-musée Par Jean-Claude Boyer Rouen, capitale de la Haute Normandie, 25 septembre 1984. Le train, en provenance du Havre, s’arréte brusquement. Je descends reposé, sacs au dos et en bandouliére. | Beaucoup d’animation dans la gare et sur la place. Le soleil de midi se cache derriére un entassement de nuages grisatres. Je me dirige vers la fléche élancée de la cathédrale. Les magasins paraissent tous fermés. La faim me mene dans un restaurant Free Time (on prononce «fri-time», comme dans «rime»!), au deuxiéme étage - au premier pour un Frangais - d’un édifice modernisé. Je mvattable prés_ d'une fenétre. Belle vue sur des facades a colombages, proba- blement de |’époque de Jeanne d’Arc (XVes.). Une dame assise alatable voisine, accompagnée de sa petite fille, me fait songer a Madame Bovary, liillustre héroine de Flaubert. A la fin du repas, au poulet doré et frites, je demande un renseignement 2... Emma. Elle m’invite a sa table pour bavarder. Avec plaisir! D’autres questions me montent aux lévres. La jeune dame finit par dessiner la carte de la France sur une serviette, indiquant villes, montagnes et riviéres. J’apprends, par exem- ple, qu’a l’heure de pointe, un train entre en gare a Paris- St-Lazare a toutes les 30 secondes, sans jamais d’acci- dent! Rouen célébre le tricente- naire de la mort de Pierre Corneille dont la maison restaurée rouvrira dans trois jours. Une heure de joyeux bavardage, sous le regard angélique de la fillette - sage comme une image. Je me rends ensuite au Syndicat d’Initiative, dans une vieille maison pittoresque, pour me procurer des dépliants et une carte de la ville. Service empressé. J’y fais la connais- sance de Mike Baiani et de Louise Bérubé, un couple québécois en voyage de noces. lls ont participé en fin de semaine, a Etretat, a un grand rassemblement des Bérubé québécois et normands. (Le premier ancétre de Louise est arrive en Nouvelle-France en 1671.) Nous nous rendons a |’AJ, sur la rive gauche de la Seine, puis retournons bientét dans le coeur du Rouen médiéval. On apercoit, la-bas, la fameuse tour-prison de Jeanne d’Arc. Mike m’apprend que les Anglais étaient jadis surnom- més «Goddons», sobriquet provenant de leur juron «God dam» («maudit bon yeu» en québécois). Lente promenade surla place du Vieux-Marché ou la pucelle d'Orléans fut brilée vive - le 30 mai 1431. Ensemble architectural moderne composé d’une Cour du Souvenir consa- crée alasainte et al’histoire du Vieux-Marché, et d’une église «en forme de bateau», selon mon guide. Des touristes a l'accent américain se demande si l’architecte a voulu symboli- ser des flammes, un bateau de Vikings ou des tentes d’Hébreux dans le désert! Franchement! Sur un mur, en gros caractéres, citation @mouvante d’André Malraux: «O Jeanne, sans sépulture et sans portrait, toi qui savais que le tombeau des héros est /e coeur des vivants...» Une «Croix de la Réhabilitation» (20 m) se dresse a l’emplacement méme du supplice. Nous observons les ruines de |’église ou un moine est allé chercher la croix qu’avait demandée Jeanne d’Arc. C’est 1a que fut baptisé Corneille qui a donné son nom au lycée voisin. Je reléve la téte pour admirer de belles facades séculaires en pans de bois. Pénétrons dans la_ petite église. Vottes en caréne. Somptueux vitraux de la Renaissance aux coloris cha- toyants. Ils ont été abandonnés dans des caisses, parait-il, pendant des siécles. Scénes de la Passion et du triomphe de la Vierge. Magnifique! Revenus sous le ciel couvert, nous nous recueillons devant une statue de Jeanne d’Arc au pilori, mains liées; des flam- mes courent dans les plis de sa longue mante. A ses pieds, de petites fleurs rouge feu. J’entends encore mon _ peére prononcer les mots «hérétique, schismatique, relapse», que je trouvais terribles sans mémeles comprendre. Mon petit coeur d’enfant se sentait consumé d'amour pour une si grande sainte. Tous les Anglais brdlaient a leur tour dans mon imagination, et pour |’éternité. «C’est ben bon pour eux autres!» me disais-je dans un élan de candeur féroce. Je me rends maintenant, seul, au musée de Jeanne d’Arc, dont la fagade a colombages donne sur la place du Vieux-Marché. Affiches, fac-similés de manus- crits, maquettes, tableaux, imagerie populaire. L’héroine a travers le théatre et le cinéma, y compris le cinéma russe. Des personnages en cire recréent les grands moments de sa vie. Il suffit de presser un bouton, en passant d’une scéne a |’autre, pour obtenir des commentaires dans lalangue de son choix. Je me surprends a redire a moi-méme: «Sainte Jeanne d ‘Arc, priez pour nous», une des invocations quotidiennes réci- tées en famille lorsque j’étais enfant. A la_ sortie, je repére I’'Hétel-Dieu. sur ma_ carte. Allons d’un pas rapide visiter le Musée Flaubert et de la Médecine, aménagé dans le pavillon qui fut la maison natale de |’écrivain. Le musée est fermé. Il faut sonner. Attente. Un jeune homme vétu de blanc m’ouvre. A ma surprise, il ne se fait pas prier pour me servir de guide. Bref historique des lieux et dela famille Flaubert, dont le pére était chirurgien et médecin- chef. J'observe, dans différen- tes piéces, vieux meubles, décorations simples, souvenirs bien rangés. «Ca? Crest un chauffe-pied.» Je n’en avais jamais vu. Montrant un lit pour six enfants, le .Rouennais raconte que durant la peste, on devait d’abord coucher par terre jusqu’a ce que meure un compagnon alité. Dans |’esca- lier, j’imagine les courses échevelées du petit Gustave. Nous circulons lentement. Instruments chirurgicaux en usage au siécle dernier, trousse a amputations (pour ne pas dire «a boucherie»), pots de pharma- cie du XVIlle siécle. Comment ne pas songer au pharmacien Homais et a l’empoisonnement de Madame Bovary? Sur I’un de ces pots, je lis: «PISSA»! Dans une galerie de saints guéris- seurs, on remarque Luc, patron des médecins, Antoine, invo- qué contre le mal des ardents, Mathurin, l’exorciseur, et, bien sr, saint Roch, qui préserve de la peste. Les commentaires encyclopédiques de mon guide- infirmier mériteraient d’étre enregistrés. Sa derniére ré- flexion: «Vous comprenez pourquoi Flaubert a jeté sur la vie un coup doeil médical». Fatigué, je vais m’allonger sur un banc du jardin qui servait autrefois de terrain de jeux aux petits Flaubert. En medirigeant ensuite vers la rue du Gros-Horloge, principale attraction de Rouen, j’apercois une «AMBULANCE — FLAU- BERT» qui s’arréte. Clic!, une photo. Pluie soudaine. J’endos- se mon imperméable, m’enca- puchonne et accélére le pas. La pluie devient vite torrentielle. Je renonce au Gros-Horloge pour me précipiter vers la cathédrale Notre-Dame ou je pourrai rester al’abri sans perdre mon temps. Mais c’est le déluge! Ouf! Enfin abrité. J’en ai la langue autour du cou! Rude épreuve pour mon imperméa- ble. Je m’ébroue comme un plongeur, puis m’asseois pour reprendre mon souffle. Impres- sionnante cathédrale gothique (Xllle-XVles.): élégance, lumié- re, harmonie. Sa nef comprend onze travées a triple étage d’arcades. Saisissante tour- lanterne, oeuvre remarquable de hardiesse. Les énormes piles forment chacune une forét de colonnes jaillissant jusqu’au sommet. DONNEZ Rythme cardiaque apaisé, je circule émerveillé, une fois de plus. (Il me faut passer sous silence cent détails dignes d'intérét, de la chapelle de la Vierge alacrypte.) Choeurd’une grande beauté: lignes simples, construction légére. Verriére de saint Julien |'Hospitalier, qui a inspiré le célébre conte de Flaubert. Splendide tombeau des Cardinaux d’Amboise: représentation des vertus et de deux prélats agenouillés |’un derriére|’autre; dans un coin, la téte du sculpteur lui-méme, parait-il. Ailleurs, tombeau de Louis de Brézé, mari de Diane de Poitiers: gisant solennel, la Vierge debout, Diane pleurant, cariatides, cavalier et sa monture. Je miarréte enfin devant le fameux escalier de la Librairie, ol fut prononcée la condamnation amort de Jeanne d’Arc. Fort émouvant, cet intérieur. La pluie a cessé. J’admire maintenant l’immense facade tres ajourée, hérissée de clochetons. Portails Saint-Jean et Saint-Etienne (Xlle_ s.), délicatement sculptés. Portail central : statues de prophétes et d'apétres, arbredeJessé. Gable (pignon décoratif aigu) trés élégant, coupé par une superbe galerie a claire-voie. Tour Saint-Romain et tour dite «de Beurre», qui fut en partie édifiée grace aux dispenses percues sur les fidéles autorisés a consommer du lait et du beurre en caréme! La fléche de la tour centrale serait la plus haute de France (151 m). Portail de la Calende, chef-d’oeuvre du XIVe siécle, et portail des Librairies: hauts gables ajourés, grande rosace, claire-voie a _ fine balustrade; décoration sculptée aux formes extravagantes. Le tympan me frappe par sa grande puissance de mouvement: resurrection des morts, sépara- tions des bons et des méchants. Que de détails terrifiants! La description minutieuse de ce grandiose monument pourrait sdrement faire, a elle seule, objet d’un livre. La cathédrale Notre-Dame de Rouen (fidéle- ment restaurée apres les bombardements de 1944): «une des plus belles réalisations de l'art gothique francais». Voila majournée bien remplie. Retour a l’AJ. J’y_ retrouve Louise et Mike, «ben peppés», «ben |I’‘fun». Echange d’adres- ses. Mike me donne méme celle de sa soeur, a Lima, au cas ou jirais au Pérou. Soirée de bavardage plaisant. J’aide un étudiant d’Oxford a pratiquer son francais. Deux Irlandaises semblent confondre bonheur et maitrise du francais, amoureu- ses qu’elles sont, sans doute, des beaux Normands. Il est temps que j’aille recupérer mes énergies afin de bien profiter de ma journée de demain. C’EST RISQUE! ALCOOL... TROP, TROP SOUVENT, 5€ étage V5G 4M7 Via une excellente occasion a saisir par une personne souhaitant louer un POSTE D'ESSENCE situé a Penticton. POSTE he Sys CE A LOUER Une expérience du service dans l'industrie automobile serait préférable, mais les prin- cipales qualités nécessaires sont l'esprit initiative, l'enthousiasme et la volonté de s'intégrer a une équipe gagnante. Vous aurez également a faire un investissement. En contrepartie, nous vous assurerons un soutien commercial exceptionnel, notam- ment en matiére de publicité, de promotion et de techniques marchandes. Veuillez faire parvenir votre curriculum vitae avant le 25 janvier a: M. R.J. Steenstra 4370, rue Dominion Burnaby (Colombie-Britannique)