LANGAGE DE LA DANSE par Roger Dufrane Une trentaine d= jeunes gens et jeunes filles, ‘‘Les Dan- seurs du Saint-Laurent’’ détachés du Groupe folklo- rique ‘‘Les Loups-Garous’’, ont donné un spectacle le 18 mai au soir dans la salle canadienne-frangaise, Hea- ther Street 4 Vancouver. Quand ils’agit de problémes économiques et de modes de vie, Frangais et Canadiens- francais, les uns Européens, les autres Nord-Américains, engagent des dialogues de sourds. Mais lorsque rejail- lissent devant eux les sour- ces de leur commun patri- moine, chants et danses du folklore, légendes et contes de veillée, la fraternité res- surgit; et au moment de se séparer, leur mains se lient dans un enthousiaste ‘Ce n’ est qu’un au-revoir...’. Ce soir du 18 mai, mélés aux Canadiens-francais de la pa- roisse, plusieurs des mem- bres du groupe ‘Les Franco- phones’, Lyonnais, Bour- guignons, Normands, Pari- siens, Périgourdins, se re- trouvaient en famille. Salu- ons les quelques dirigeants de ce groupe de loisirs qui se sont dépensés 4 bien re- -cevoir les jeunes visiteurs, de méme que le comité des Dames de la paroisse. J’ai toujours aimé le spec- ‘tacle de la danse, qu’il s’ agisse. de bourrée, de gavotte, de pavane, de menuet, ou bien de valse, de quadrille et de tango. S’il y a loin des ballets de Roland Petit aux gesticulations ri- tuelles des Peaux-Rouges, moins loin, mais encore as- sez, des menuets de Versail- les aux rondes villageoises de Peribonka, je prise toutes les sortes de danse; et, dans leur’ rustique domaine, jonché de paille et de fleurs séchées, particuliérement les danses des campagnes. Les danses folkloriques ré- lévent, A qui les aime, la diversité de caractére des peuples et la permanence de la nature humaine. Les Hon- grois ne dansent pas comme -les Mexicains,. ni les Mexi- cains comme les Francais. Des trois suites présentées par les Loups-Garous, la hongroise me paraissait plus sauvage, la Mexicaine plus voluptueuse, la. frangaise plus gentille. Les Hongrois, peuple ar- dent, longtemps menacés par les Turcs, martélent les planches de leurs bottes noires et clappent des mains a la fagon cosaque. Leurs évolutions choréographiques - racontent leur destin: ils marchent et trépignent, le visage martial, au départ pour la guerre. En leur ab- sence, les femmes, téte baissée, se lamentent. Ils reviennent, et. commencent les jeux qui ménent au ma- riage. Quant aux vaqueros du Mex- ique, ils aguichent les fil- les et modulent des cris de piqueurs de bocufs. Leur voix passe d’un registre fort male 4 un registre strident, presque féminin. Une danse des haciendas de 1’Etat de Vera-Cruz campe face 4 face de jeunes couples qui doivent, tricotant de leurs- pieds vifs, nouer une corde qui serpente 4 méme le sol. Heureux le couple qui y par- vient le premier! leur mariage réussira. On raconte que Chateau- briand, au nouveau monde, vit un maftre 4danser, Mon- sieur Violet, qui faisait sau- ter les Iroquois sur l’air de Madelon Friquet. Aprés son départ, les sauvages durent s’entretenir entre eux de I’habit brodé, de laperruque et du pas mesuré du singu- lier visiteur. Et j’aime A croire qu’ils retinrent quel- que chose, dans leurs feux de camp, des lecgons enseignées, de méme que les Frangais du Canada re- tinrent dans leurs entrechats les souvenirs des Indiens, des Irlandais et des Ecos- sais. La danse projette quel- ques reflets de l’histoire. Les danses frangaises de ce soir, plus sobres mais aussi naives que les hongroises et les mexicaines, me parais- sent, illusion of se com- plaft mon esprit ami des 1é- gendes, révéler un peuple de don Juans. Le cavalier quitte la main de l’une pour celle de l’autre et semble toujours penser A unetroisiéme. Jeux éternels de la coquetterie! On feint l’indifférence pour mieux s’attacher celle qu’en secret on s’est choisie. En somme, ces danses, dif- férentes par le costume et le mouvement, malgré l’ex-_ pression de temperaments inégaux, temoignent toutes d’ un sentiment primordial et universel: un frélement, un sourire, une pirouette, et l’amour entre dans la danse. Les jeunes garcons et filles du groupe sont peut-étre un peu jeunes pour en prendre conscience.’ Mais les lu- cioles mémes le savent, qui dansent en arabesques de feu un ballet de ‘‘je vous aime’’ dans les soirs d’éteé. LA MER Grisée par le grand espace My ain aH v4 Par l’air de mer si vivifiant, Sur la plage 4 marée basse Je me proméne en méditant. Les bords de la gréve m’attirent Aprés avoir un peu marché, Sur le sable chaud je m’étire Il fait bon y étre couché. Tout au loin, on voit les montagnes Que la distance a estompé Des tons bleuatres les éloignent, L’horizon en est découpé. Les sommets sont coiffés de neige Qui en rehausse la beauté Et je jouis du privilége D’étre dans ces lieux enchantés. La mer, la mer toujours si belle Calme, reflétant le ciel bleu Ou grise, ou méchante, ou cruelle Elle a toujours ses amoureux. Qu’on l’adore, ou qu’on la maudisse, Rien ne peut changer ses humeurs, C’est une maftresse 4 caprices Qui a fait verser bien des pleurs. SUM he VOYAGE A CHICOUTIMI, PAR AVION - Ce tableau du peintre Arthur Villeneuve illustre bien une partie de son oeuvre touchant les petits faits de la vie courante. Villeneuve, comme on sait, est natif de Chicoutimi, et dés le début de sa carriére, il suscita de nombreuses controverses. Certains voient en lui un véritable artiste tandis que d’autres remettent en question cette forme d’art. Il reste un fait indeniabie, l’oeuvre de ce peintre compte parmi les plus originales. Aussi le Musée du Québec a-t-il tenu cette année A exposer une grande partie des oeuvres d’Arthur Villeneuve. Devant elle, ma plume impuissanie, Se refuse 4 trouver les mots. Sa grandeur, sa beauté m’enchantent Et je ne suis qu’un faible écho. Berthe de Tremaudan. Parksville, 29 avril 1972. _ XII, LE SOLEIL, 16 JUIN 1972