Juin 1967 L’APPEL page 13 Un architecte et ses saintes atrocites Article paru dans le Maclean’s Magazine de septembre 1965, écrit par Raymond Arthur, . traduit par Mme A. Chabot, avec permission de l’auteur. Il fait rager certains prétres mais d’autres voient en lui un chef de file en architecture Wéglise. Intrigué par les rumeurs qui circulaient au sujet d’une nouvelle église 4 St-Boniface, Man., un vieux prétre de Ste-Agathe, Man., décida d’aller la voir de ses yeux. En sortant de la voiture il jeta un coup d’oeil et résuma ses impressions en deux mots ... “Quelle atrocité!” Presqu’au méme moment, un citoyen de St-Claude, village situé 4 60 milles au sud- ouest de Winnipeg montrait du doigt l’église catholique en construction dans sa ville. “Les communistes ne viendront jamais nous bom- barder” dit-il en ricanant, en voyant cela ils vont en déduire que la ville a déja été dé- truite.” L’auteur de ces atrocités tenait alors de son bureau provisoire 4 St-Boniface une con- versation téléphonique avee un jeune prétre; il lui offrait les services de sa compagnie pour tracer les plans de sa future église. Le prétre lui répondit d’un ton sec “jamais dans cent ans”. Loin d’étre frustré par ces remarques, le jeune architecte de 35 ans, M. Etienne Gabou- ry, retourne 4 son pupitre et travaille jusqu’a minuit 4 un autre plan d’église qui, inévita- blement mettra en furie ses critiques actuels (B) lui en créera des centaines d’autres. (C) mais qui, par contre, réaffirmera la foi d’un . groupe d’admirateurs de M. Gaboury dont loeuvre s’est incorporée aux idées de loin les plus nouvelles en architecture religieuse cana- dienne aujourd’hui. “Tl est un des rares architectes canadiens qui ait de fortes convictions personnelles, et contrairement a4 la plupart des architectes, il n’emprunte pas ses idées aux Etats-Unis” dit le professeur Théodore Motoff de l’école d’ar- chitecture du Manitoba. Le “Canadian Architect”, un magazine prestigieux de cette profession, appuiera sem- blables approbations en publiant a la fin de l'année, plusieurs pages dédiées 4 M. Gaboury et 4 son art. Cependant, certains membres du clergé n’ont pas besoin de M. Matoff ni du “Cana- dian Architect” pour leur parler des convic- tions et des idées de M. Gaboury. L’un deux est le Pére Lionel Bouvier de la paroisse St- Emile de St-Vital. Quand il demande a M. Gaboury de lui fournir un plan préliminaire de sa future église, il fut trés outré quand le jeune architectet déploya sous ses yeux un plan d’église 4 deux étages. “Ce quil y a d’embarassant quand vous traitez avec M. Gaboury” dit le Pére Bouvier “est qu’il impose sa volonté en nous donnant ce qu’il veut, plutét que ce que nous voulons”. Cette résistance de la part de certains membres du clergé ne semble pas intimider M. Gaboury. “Quand vous brisez les liens de la tradition” dit-il “il faut le faire sans re- tour”. Et cela il n’a pas hésité a le faire, méme ses admirateurs ont di concéder que sa pre- miére église ressemble, peut-on dire, 4 un grand poulailler, une autre a vite été surnommée la “orainerie”’ et les gens de St-Claude appellent leur église “la forteresse St-Claude’’. C’était probablement inévitable quand on considére l’effet massif que Gaboury fait res- sortir du béton, des murs de briques striées 4 Vextérieur, et 4 l’intérieur des murs de blocs de béton gris avec plafond de platre, de petites fenétres étroites, qui ressemblent remarquable- ment aux meurtriéres qu’utilisaient les archers du Moyen Age. Mais le pire, Gérard Toupin est convaincu que les conceptions de Gaboury sont plus pro- ches de la vraie église que les églises tradition- nelles, qu’elles sont plus liturgiques et s’inspi- rent davantage de la Bible. Pour les traditionalistes, E. Gaboury sem- ble défier non seulement les conventions de Varchitecture mais celles de Véglise catholi- que elle-méme. Quand il fit sa “Forteresse St-Claude” il innova radicalement en plagant les stations de Chemin de la Croix dans le vestibule, il base sa décision sur des raisons esthétiques aussi bien que théologiques, le Chemin de Croix d’a- pres lui n’est qu’une para-liturgie, tout comme le chapelet d’ailleurs. A Régina, il est actuelle- ment en train de finir les plans d’une église ot les confessionnaux seront prés du sanctuaire et sur-élevés, le pénitent montera vers le tréne du jugement pour redescendre ensuite vers le tréne de la miséricorde. M. Gaboury connait teus se plans de “Vintérieur a l’extérieur’. I] considére d’abord les exigences fonctionnelles de Véglise. L’extérieur vient en dernier lieu pour manifester ce qui se passe a l’intérieur. Certains fidéles auraient jadis été révoltés eu voyant pour la premiére fois une des oeu- vres de Gaboury, mais maintenant qu’ils ont prié dans une de ses églises, ils doivent avouer qu’elle est exceptionnellement conforme 4 ga destination. Dans les mémes paroisses d’autres ont peine a accepter ses conceptions, ils disent simplement que Gaboury est un “excentrique” qui s’est fait une idée bizarre et fantasque de ce que doit étre une église moderne. Mais ce sont eux, peut-étre, et non Gaboury qui n’ont pas saisi le sens du nouveau message de |’E- glise. M. Gaboury eut une agréable surprise, il n’a a pas trés longtemps quand il recut un appel téléphonique du R.P. J. C. Gibbons de Véglise “Ultra-High Anglican St. Michaels et All Angels Church” de Winnipeg, l’invitant a (suite p. 14)