¢ - Le Soleil de Colombie, vendred 30 janvier 1987 Lendemain de cauchemar Souvenirs d’un tour du monde AS ge ee de me dérober mes effets Par Jean-Claude Boyer personnels. Ils vont jusqu’a Le 16 avril 1985, une dizaine d'heures aprés avoir bu un “café drogué” dans un train au nord de l'Inde, je reprends peu a peu conscience en arrivant dans un hétel de Varanasi avec un couple suisse qui me porte secours depuis le matin. Je suis sans argent ni Passeport. Mes 2 protecteurs ne tardent pas a se confondre en excuses, a s'accuser d’avoir fait preuve d’autant de stupidité (“for being so stupid”); c'edt été si simple pour Regina de surveiller mon bagage alors que Jiirg, un travailleur de la construction solide comme un pin Douglas, aurait pu suivre les malins. Ils ne tardent pas non plus a condamner “my lack of caution” (mon imprudence). Je monte ensuite avec eux 4 leur chambre ou je m’acharne bien malgré moi a changer la conversation, a passer du coq a l’ane. Je n’ai d’abord qu’une idée en téte: aller a l’hépital. Jiirg et Regina ont beau me chanter sur tous les tons que j’en reviens, je m’obstine a vouloir consulter un médecin ou, s'ils disent vrai, a vouloir en consulter un autre. Puis, c’est l’obsession de la police; il me faut parler au chef de police 4 tout prix. Le couple ne réussit tout de méme pas 4 me faire avouer mon véritable motif: les accuser, eux, d’étre les _complices des voleurs et de tenter d’archanges et mille gentillesses, Pour en savoir plus long. Si vous aviez besoin de renseigne- ments supplémentaires, postez ce coupon a |’adresse suivante: RPC - INFO ; CASE POSTALE 5400 SUCCURSALE “ SCARBOROUGH, ONTARIO MIR 5SE8 Sil vous plait, faites-moi parvenir tous tes renseignements 0 enfrangais (1) en anglais a propos de: (7) La pension de retraite ( Les prestations d’invalidité (C Les prestations de décés et de survivants CZ La division des «droits 4 pension» (CD Les différentes possibilités quant a lage de la retraite (2 Le financement du Régime de pensions du Canada Nom Adresse Ville Province Code postal 03 moffrir de payer toutes mes dépenses jusqu’a ce que je récupére de l’argent, et méme, pour comble d’infamiel, ils m'invitent a partager leur chambre sous prétexte de m’aider a me sentir plus en sécurité, alors que si je tombe endormi... ils s‘enfuiront avec leur butin. Et voici qu’ils essaient de me faire croire que nous sommes a Varanasi. Mais ils sont fous ces Helvétes! Allons donc, nous sommes a Agra puisqu’hier j'étais a Delhi! Ma notion du temps est complétement perturbée. Toutes les chambres étant louées et ne voulant surtout pas devenir la victime de_ ces Européens louches, je me résigne a passer la nuit dans un grand dortoir. Aprés avoir déposé mes bagages dans une §rande case que je cadenasse soigneusement, je descends rencontrer le gérant dont l’amabilité me donne la certitude qu'il est, lui aussi, de connivence avec les voleurs du train. “Tu es mon inuité; ton séjour ict ne te cotitera rien.” Il m'invite au restaurant du rez-de-chaussée mais je n’ai pas faim, alors que normalement il serait grand temps que je dévore au moins la moitié d'un cheval! Je me sens encore quelque peu ankylosé mais, chose curieuse, je n’ai et n’aurai pas du tout mal ala téte - c’était ts la ee de b Magee _gérant, sensible a mes moneredes me rassure de son du Québec Au moment de leur création, en 1966, le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du- Québec étaient identiques de sorte que sans égard a votre lieu de résidence ou de travail au Canada, vos contributions et vos prestations étaient alors les mémes. Avec le temps, des différences sont apparues entre les deux régimes au ni- veau des prestations. Mais grace a une étroite collaboration entre le gouver- nement fédéral et les gouvernements des provinces, des changements au Régime de pensions du Canada ont été apportés de fagon a ce que les deux régimes soient plus prés l'un de l’autre en termes de bénéfices. Ces changements sont en vigueur depuis le 1° janvier 1987. Ces modifi- cations n’affectent AUCUNEMENT la Pension de la sécurité et de la vieil- lesse. e en leur offrant un plus grand choix quant au moment de leur retraite; @ en augmentant les prestations d'invalidité; e en continuant de verser une prestation de survivant aux personnes qui se remarient: du Québec demeure inchangé. Sante et Bien-étre social Canada Canada | | Le Regime de pensions du Canada se rapproche du Regime de rentes Ces changements garantissent a tous les Canadiens et Canadiennes que leur Régime de pensions continue de les protéger: e en divisant les «droits a pension»; @ en étant plus généreux en ce qui Au Québec, ces changements ne concernent que les résidents du Québec qui n’ont contribué qu’au Régime de pensions du Canada comme le per- sonnel des forces armées, les employés de la GRC, les juges fédéraux et les résidents québécois qui travaillent hors Québec. Le Régime de rentes Le Regime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec, ils nous rapprochent les uns des autres. Health and Welfare mieux: “Pour l'tnstant, pense ate reposer. Demain, je te dirai quot fatre et tout tra bien.” Et il prend le temps de venir s’asseoir avec moi au milieu du parterre. Cette détente dans la brise chaude et humide me procure un certain bien-étre. Tout a coup, je réalise que mon sac de couchage est resté dans: la. —case.. “Le gérant m’accompagne au dortoir ot je ne parviens pas, bien sit, a lire les chiffres de mon cadenas. I] me propose tout bonnement de lui dire le code. Je refuse catégori- quement. Voila la preuve la plus flagrante qu'il est, lui aussi, un voleur professionnel! Le couple de Suisses allemands vient m’apporter un xiéme “cold drink” et s'enquérir de mon état “to make sure that everything is fine” avant d’aller se laisser tomber dans les bras de Morphée. Je leur déclare mes soupcons ridicules et les remercie pour tout, non sans bafouiller. Ils “apologize” une fois de plus pour leur conduite qu'ils qualifient d’absurde et me souhaitent de passer une bonne nuit meP ata: trice. Je me retrouve seul avec un Néo-Zélandais et un Indien qui me font me vider le coeur et 2 grosses bouteilles d’eau bouillie. Ils. m/’écoutent, malgré ma difficulté d’élocution, comme si je pouvais volontiers ne dire que 3 mots par minute. Cette heure se passe dans des jeux d’ombres oe sorcellerie, n’étant éclairés par un bout. de. chan ‘ dégoulinant sur le pied d’un lit a trait aux prestations pour enfants a charge. Canadii : ae ee > _ drogués. (les pannes d’électricité sont monnaie courante ici). Jai du mal a4 m’endormir. La tempéte se poursuit dans mon cerveau: les moutons que je n’arrive pas a compter ont l'air Méme le lendemain matin (17 avril), j’aurai encore de la difficulté 4 trouver la combinaison de mon cadenas. En nous rendant au poste de police pour le rapport indispen- sable au remboursement de mes chéques de voyage, les Suisses me rappellent la “sénélité exemplai- re” du chef. Il n’y est pas. Quelques policiers attablés nous posent des questions en vrac, au point de tout nous faire raconter en détail. Le chef de police, en arrivant, nous fait débobiner de nouveau tout l’€pisode d’hier, méme s’il est déja au courant de l’essentiel (il y était lorsque je suis arrivé, inconscient) . Son interro- gatoire nous force a répéter les mémes détails ou a en ajouter que je juge sans importance (“Les 2 malfaiteurs portatent-ils des pantalons?”). J'ai limpression qu'il va finir par beugler: “Mais que diable allait-il faire dans cette maudite galére?” Lihonorable chef me fait ensuite rédiger un résumé de mon aventure qu'il lit en .diagonale avant de le réécrire 4 sa manieére. Au mot “thé”, que j'ai écrit en frangais par erreur dans un texte anglais qui, par ailleurs, ne contient probablement aucune faute d’orthographe, il me déclare: “Vous avez un gros probléme, vous ne savez pas comment écrire en anglais.” Puis il me demande de réécrire sa version a lui. Pendant ce temps, on améne devant le grand manitou un adolescent effaré; on lui tire les cheveux, en gueulant et sans ménager les gifles. Le chef a tét fait de sle* mettre “entre parenthéses sous un_ escalier lugubre, derriére des barreaux. Un autre jeune Indien est bousculé dans le poste, menotté, lair hagard. Une quinzaine de policiers-chasseurs-de-mouches observent ou participent> a l’action, en s’épongeant le front, comme s’ils avaient devant eux l'éternité. Un spectacle étrange. Mon texte initial est transcrit une 3e fois par un policier- scripteur assis en yogi sur une sorte de tribune devant laquelle Jiarg, Regina et moi languissons d’ennui. Le transcripteur bute sur certains mots qu'il demande d’abord a Regina de déchiffrer, pour ensuite, a chaque fois, me le. demander 4 moi. Le chef- d’oeuvre qui en résulte, 2 heures et quelques miettes aprés notre arrivée: un simple formulaire rempli en hindi au recto et un seul paragraphe en anglais, difficile a lire, au verso. Nous trépignons d’impatience _ lors- qu’apparait un plateau de thé fumant. Celui qui ose nous en offrir une tasse, comme on sonne de la trompette, déclenche des rires semblables 4 ceux d’écoliers dont la maitresse, au milieu d'une lecon aride, aurait perdu son dentier. De retour a hotel, le gérant tente de téléphoner au_vice- président du tourisme mais la ligne est coupée. I] lui écrit un mot, m/indique comment me rendre a son bureau et me donne des roupies pour prendre un ‘rickshaw-taxi. En arrivant, un employé me dit que je devrai attendre une bonne heure. J’accepte un thé qui m’aide 4 me détendre autant que lair climatisé. A l’arrivée du vice-président, nous nous présen- tons en nous donnant la main et je refuse poliment le thé qu'il m'offre avec bienveillance. Je lui résume mon aventure. I] donne quelques coups de téléphone, me passe un peu di’argent et demande a un employé de m'accompagner a la gare pour m’acheter un aller simple pour Delhi. Le président lui-méme vient ensuite présenter ses excuses “on behalf of Indian people”. Tl me donne ensuite 2 adresses d’amis torontois, un chic foulard de soie turquoise et un album dillustrations de sculptures indiennes. Je vous fais grace des “indienneries” qui accompa- gnent l’achat du billet de chemin de fer. Départ 4 19h00, voie numéro 3. En sortant de la gare, un inconnu me lance: “Feeling better?” Ne prévoyant de partir que pour 4 ou 5 jours (l’achat d’un Passeport temporaire ne peut pas faire probléme et |l’efficacité d’American Express est légendai- re), je n’emporte que le strict nécessaire. Avant de partir, le gérant m/affirme que les cas semblables au mien, de touristes désemparés qui échouent a son hétel, se produisent une oe de fois par an. Prise de hotest échange d’adresses avec Suisses qui refusent cere que je leur rembourse, plus tard, les frais de taxi, de la visite a Vhépital, etc. Adieux et remer- ciements répétés. Sur les quais, il me semble que les vaches sacrées sont venues en plus grand nombre assister 4 mon départ. Je détourne la vue, avec horreur, d’une autre victime de léléphantiasis. J’ expérimente une fois de plus ce gigantesque branle-bas qui ne peut laisser indifférent aucun touriste étran- ger. Aprés un bon moment d’attente sur la voie 3, on me persuade de me rendre sur la voie 4. Puis sur la voie 5 ow le train se met en branle avec 1 heure et quart de retard. Avant méme que le train ne se remette a grincer, un des Indiens assis 4 mes cétés m’offre une tasse de thé, la 4e qui m’est offerte aujourd’hui! Je fais . bientét connaissance avec un Anglais qui retourne a Delhi parce qu'il s’est fait voler un sac contenant, en plus de son passeport et de son appareil 35 millimétres, la seule copie du manuscrit nouvellement achevé de son ler roman. (Il avait osé faire confiance 4 un couple d’Indiens a l’apparence et a l’age respectables, le temps de se brosser les dents dans un cabinet du train.) En m’éloignant de la ville sainte (Varanasi) , ow je n’ai jamais eu autant envie de sacrer, je parle avec |’Anglais de cette attitude qu’ont certains Indiens face aux “foreigners”: “Ils sont tous riches, leur argent et leurs bagages sont assurés: profitons- en!” Et je regarde défiler, a travers les barreaux de ma fenétre, des paysages de cette Inde ow des dizaines de millions d’étres humains sont prisonniers, enchain@@™"& des conditions inhumaines. Je sens mon désarroi devenir risible. saiaiacia lias = ie