' i { - } f | ‘i { Le Soleil de Colombie, vendredi 26 février 1988 - All VOYAGES Par Jean-Claude Boyer Saida («l’heureuse», ville du nord-ouest de l’Algérie - 400 km d’Alger) , le 30 novembre 1984. Je voyage depuis trois jours avec Linda, une Anglophone unilin- gue de Lindsay, Ontario. Oufl Nous respirons d’aise aprés un long trajet en auto-stop avec un camionneur louche, redoutable. La splendeur du ciel étoilé et la fraicheur du soir ajoutent au plaisir de la détente. Notre «bon» Samaritain a daigné nous permettre de descendre devant un grand hdétel moderne, en retrait de la ville. C’est 14 que nous déposons nos sacs a dos avant de partir a la recherche d’une chambre bon marché. Les rues de Saida_ sont pratiquement désertes. Nous nous trouvons un gite pour quelques dollars. Le préposé exige que nous lui laissions nos passeports jusqu’a notre départ. Linda y consent moyennant re¢cu. Retour au grand hétel pour reprendre nos effets, puis 4 notre modeste chambre. Il y a bien un lavabo mais nous tournons les robinets en vain... Déclenche- ment d’un premier fou rire, sur le compte de la fatigue, bien sir. Un vieil Algérien, couché tout habillé dans le corridor, accepte d’aller nous chercher un seau Récit d'un tour du monde En route pour Alger m’informe auprés du _ jeune préposé a la réception de Yhoraire des bus pour Alger. Confus de n’en rien savoir, il demande a un ami de le remplacer, m’améne lui-méme au terminus et me paie, en revenant, un café au lait et deux croissants. Je lui résume notre aventure d’hier (article intitulé «Auto-stop en Algérie») qu'il a du mal 4 croire. «Je t’assure, tnsiste-t-zl, iln’y a aucun danger a voyager de cette facon dans mon pays. C'est méme la un bon moyen de nous connaitre davantage.» En terminant mon petit déjeuner, je lui demande pourquoi il n’y a pas d’ampoules électriques dans les toilettes et les corridors de TJhétel. «C'est simple, me dit-il, les gens les volent' Il emporte, en quittant les lieux, deux croissants «pour la filler. «Il faut étre juste» précise-t-il. Revenu dans la chambre, je retrouve Linda en train d’écrire a des amis australiens. Elle dévore les patisseries! Nous nous entendons vite pour faire a nouveau de l’auto-stop: c’est gratuit, plus rapide et strement plus confortable que le bus, et nous reprendrons confiance en ce moyen de transport parfois si commode. Nous nous mettons a bientét, chargés, une fois de plus, comme des chameaux. En cheminant vers la route nationa- le, quelqu’un derriére nous lance un franc «Bonjour!» C’est mon «informateur accompagné d’un jeune qui lui ressemble, tout sourire. Ils s'*empressent de nous inviter a leur logement, 4a Alger, vue générale. d’eau dans ce qu’il appelle «une petite piscine d’eau chaude>. Ceci pique ma curiosité: je le suis. I] se retrouve dans une échelle a l’'intérieur d’une sorte de cabane. Sa téte disparait dans lobscurité vaporeuse pour re- monter presqu’aussitét. Un large sourire laisse entrevoir une dentition peu éclatante. Je le remercie et retourne a la chambre. Linda en sort. Je ferme la porte a clé. Lorsque ma compagne revient, je ne parviens pas a déverrouiller... Autre fou rire, entremélé de blagues. Le vieux gardien doit se glisser jusque sur le balcon pour venir chercher la clé a travers les lamelles du store vénitien. Le tout se termine dans des cascades de rire. Notre bon Arabe retourne a sa couchette et nous plongeons bientét dans un sommeil mille fois mérité. écrire, chacun ‘de son _ cdété (journal, correspondance). En me rendant ensuite a la poste, je m’arréte dans une librairie ot s'achéte... le papier hygiénique. Détail déconcertant: a la poste, le commis me vend des timbres pour six cartes postales (Québec) et une lettre (Australie) dont le cout est le méme pour toutes sauf pour une seule carte postale - légérement plus chére! Je demande pourquoi. «Ca ne fait rien répond le commis. Ne cherchons pas A en = savoir davantage. Promenade au hasard des rues. Les palmes gracieuses bougent a peine dans la chaleur excessive. J admire un savant cadran solaire sur la place centrale. Devant une mosquée, je demande un renseignement a4 un passant qui se montre d’une grande courtoi- sie. Et je retourne a l'hotel. Ma compagne et moi _ repartons proximité, pour le repas de midi. Pourquoi pas? Ils affirment, et répétent, que c’est pour eux un grand honneur. Nous entrons dans une piéce fort simple. Des coussins aux couleurs vives sont disposés autour d'une petite table rustique. A la radio, une chanson de Julio Iglesias en francais suivie de ritournelles arabes mélées a des bruits de casseroles provenant de la cuisine. On nous pose des questions sur le Canada et sur nos aventures de voyage, bien entendu. (Je sers toujours d'interpréte 4 Linda. Celle-ci s'intéresse particuliérement a la condition de la femme en Afrique du Nord) . On nous parle de l'eau minérale «Saida» (comparable a leau.d’Evian) commercialisée dans toute l’Algérie, et de l'importance militaire considéra- ble de la ville. Une conversation me, christianisme, loi naturelle, charité... J’ai l’impression trés nette, tout 4 coup, que recevoir des étrangers a table peut étre, pour les Musulmans, un acte hautement religieux, un rituel sacré. Linda écoute patiemment sans rien comprendre; je ne lui traduis que les propos que je juge remercier la cuisiniére. I] nous faut nous rendre dans la cuisine ot une jeune femme voilée, sans doute rougissante, nous donne l'impression d’apprécier grande- ment notre politesse. Nos hétes viennent ensuite nous reconduire au meilleur endroit pour «faire du pouce», mais ils Le port d’Alger: image du quotidien. les plus intéressants. Un de nos hétes nous verse maintenant de l'eau sur les doigts a l’aide d’une carafe; l’autre apporte les plats: croquettes de sardines, oeufs frits, l&gumes bouillis et salade de légumes verts. Délicieux, vrai- ‘ment délicieux! Aprés le repas, mon nouvel ami, Sadek, me donne une carte postale de la mosquée devant laquelle nous nous sommes rencontrés. Je l’invite a écrire un mot dans mon journal, mot que je reprends ici tel quel: «Saida, le ler décembre. Souvenir d’Algé- rie. J'ai le plaisir de vous ecrire ces quelques lignes en signe de souvenir et d'amicalement. Pour Monsieur Jean Claud. Sadek Djillalt.» C’est suivi du prénom de son frére, tout a fait illisible. Echange diadresses, évidem- ment. Avant de partir, nous demandons a saluer et 4a doivent aussit6t nous dire adieu. (Sadek et moi avons échangé quelques lettres jusqu’au jour ou, prévenu par un ami québécois -victime d’un Algérien parasite- du danger de me faire échauder, jai répondu franchement 4a ses questions au sujet d’un éventuel voyage a Montréal, Toronto et Vancouver: «Le Canada est un pays extraordinatrement beau maisimmense. La vie y coite trés cher. Je serats heureux de t’héberger pendant deux ou trots jours mats pas davantage...» Ce fut le coup de mort de notre correspondance. Je retiens ici une expression pittoresque tirée de l'une de ses lettres: «les doigts ne sont pas de la méme taille». Voulait-il dire différents mais solidaires, ou fatalement iné- gaux?). Suite la semaine prochaine traditions et leurs croyances. “RACINES” LANGAGE DE NOS ANCETRES Vocabulaire riche de nos aieux od les mots évoquent des images anciennes et des coutumes d’autrefois. La criée, Le temps des sucres, La canadianismes qui illustrent l’@ge d'or du Québec. poudrerie, autant de LES «FILLES DU ROY» Entre 1663 et 1673, elles seront 800 a venir s’établir en «Nouvelle France». La majorité d’entre-elles sont orphelines et ont moins de 25 ans. «Filles 4 marier,» bon gré mal gré, elles seront face a l’adversité dans ce nouveau pays les pionniéres d'une génération de femmes fortes qui contribueront a la fondation du peuple québécois. Courageuses, patientes, elles affrontent les péripéties d'un long voyage, les rigueurs d'un dur hiver et la rudesse d'une vie rustique pleine d’embiches. Ces «Envoyées de Sa Majesté» implanteront fortement leurs