Le Moustique Volume 5 - 4° édition ISSN 1496-8304 Avril 2002 Bravade, bravoure et bavardage... Jean-Jacques Lefebvre Ce soir, je n’attendrai certainement pas la lueur verte : tous deux, nous avons faim et n’avons plus que Monique en téte. Surtout que cela fait déja un quart d’heure de passé ; le soleil a disparu et l’on ne pergoit déja plus trés bien le bout de la plage au loin. Pourvu que ce ne soit pas non plus une plaisanterie ! Chaque fois dont on croit apercevoir au loin quelque chose, un amas de troncs d’arbre, une masse rocheuse, une concentration d’épicéas de Sitka avec, aux pieds, une dense population d’arbrisseau a airelles ou gaultheria, on presse le pas. ll y a décidément trop de nature et pas assez de restaurants sur ce sentier. Honnétement, j'aime la nature. Elle a incontestablement ses charmes, mais aussi ses inconvénients. Dans la brousse ou la forét, les gens qui y vivent ne la portent pas dans leur coeur, bien a l’inverse de ce que I’on pense généralement. Il est vrai que certains concepts ont la vie dure et que I’on aime a croire a l’idéal du bon « sauvage », merveilleusement incorporé 4 son environnement ; le respectant, comme il subvient a ses besoins. La réalité est, le plus souvent, tout autre : la nature est en fait sa principale ennemie. Celle de laquelle il lui faut, 4 chaque instant, se protéger s’il veut survivre. Dans les villages d’Afrique centrale, a l’aide d’une sorte de balai court, les femmes occupent le plus clair de leur temps a brosser la terre autour des cases. Il n’y a jamais rien qui pousse dans ces villages et, autour de ceux-ci, la forét est défrichée sur une trés grande surface. Le moindre serpent, le moindre insecte, et l’on n’attend pas de l’avoir reconnu dangereux ou pas, est rejeté, éliminé, exterminé. On enfume les cases, on déserte les régions malsaines, on chasse la moindre chose grouillante, rampante, voletante. Enfin, et je l’ai vu faire souvent, un individu peut souvent couper cing a six grands arbres dans la journée, juste pour mieux s’assurer qu’il ne contient pas de ruches d’abeilles sauvages. Si, par contre, la chance lui sourit, il aura en plus l'avantage de cueillir le miel au ras du sol. Méme dans les villes, alors que l'on y a habité une villa pendant quelques années et que votre femme a consacré la part la plus importante de son énergie a faire pousser dans le jardin les plus belles fleurs de la région, les arbres les plus majestueux, a peine a-t-on déménagé, !’agent africain qui vous remplace coupe tout au ras de la terre et son épouse brosse la terre battue jusqu’a la faire reluire. Plus j’'y songe et plus je crois que l'amour de Ia nature est un luxe qu’on ne peut s offrir que si lon a découvert les méthodes pour se la concilier et, surtout, si on en a les moyens. II n’est vraiment pas nécessaire de retomber dans le ridicule des pastorales du XVile siécle. 5