cee aa ar VOYAGES Le Soleil de Colombie, vendredi 9 mars 1990 - 17 Lille, ville d’art Par Jean-Claude Boyer’ Lille, capitale du Nord de la France(suria Dedle), 11 octobre 1984. Le soleil rappelle les beaux jours d’été. J’arrive de Bruxelles, l’estomac dans les talons. Grande gare fort animée. J’en sors pour dénicher un petit café, ol je commandele menu le moins cher. Puis je m’allonge sur la tiéde pelouse d'un parc. Lavietrépidante dela ville m’aide, dirait-on, a m’assoupir. Je m’étire ensuite comme un chat repu de bien-étre. Jetons un rapide coup d’oeil sur l'histoire tumultueuse de Lille. Néedans un site insulaire, dou son nom, elle fut successivement flamande, fran- caise, autrichienne, espagno- le... Elle connut 11 siéges et fut détruite a plusieurs reprises. Lille doit sa fortune a ses activités commerciales de ville- frontiére et, en particulier, aux ducs de Bourgogne... Louis XIV s’en empara_ lui-méme_ en 1668... Elle ne fut définitive- ment restituée ala France qu’en 1713. (Son architecture témoi- gne de ces divers épisodes.) Lille fut occupée par les Allemands de 1914 a 1918, puis endommagée au cours de la Deuxiéme Guerre. Ajoutons aces grandes lignes des détails saisissants ou insolites. Aprés les guerres de Religion, les «Hurlus» (hurleurs) entreprirent de piller et dévaster Lille et sa campagne. C’est une cabaretiére, Jeanne Maillotte, qui mena contre eux la lutte avec la derniére rappelant Jeanne D'Arc et Jeanne Hachette (Beauvais). La construction de la citadelle (toujours Vauban), la plus importante et la mieux conser-. vée de France, a exigé la manipulation de 60 millions de briques! Au cours d’une guerre, un barbier qui rasait dans la rue se servait d’un éclat d’obus comme plat a barbe! Au milieu du XIXe siécle, la mortalité infantile atteignait 75% dans le vieux quartier St-Sauveur... Dans la rue Basse se trouve un débit de boissons qui tenait autrefois plus de 300 sortes de biéres! En mai 1940, les 40,000 soldats frangais qui défendaient aux énergie, . | we Ministére des Finances Department of Finance Canada Canada Lille résistérent trois jours a sept divisions allemandes et blindés de Rommel. Fascinante histoire de cette ville. Je résiste a la tentation de descendre tout de suite dans le métro, réputé le plus moderne au monde, pour me rendre a la basilique-cathédrale Notre- Dame de la Treille, mentionnée hier parle guide de la cathédrale de Tournai (Belgique). J’entre par le portail Saint-Eubert, abondamment sculpté. Tou- jours impressionnants, ces vastes espaces gothiques. Un prétre en soutane sort d’un confessionnal. Je céde a l’envie de lui adresser la parole. Et nous voilaen train de bavarder a voix basse. Ce bon abbé semble heureux de faire autre chose que d’écouter la kyrielle de fautes insignifiantes de ses vieux pénitents. Il a tét fait de m’apprendre, visiblement fier, qu’il aura aprés-demain 79 ans. Son nom, Bolet, est également celui d'un champignon. «C'est un champignon charnu... co- mestible», précise-t-il, les yeux rieurs. En passant d’un pas lent devant une litanie d’autels latéraux (du Sacré-Coeur, de sainte Anne, saint Joseph, saint Jean, sainte Jeanne D’Arc...), \’abbé Bolet me parle delapartie inachevée de |’édifice, de l'impossibilité de le chauffer en hiver (les offices devant se dérouler dans la crypte a partir de la Toussaint), des pélerina- ges qu’ony fait, des apparitions de Lourdes... Devant le vitrail de «L’Enfant prodigue», au rouge transpercé de lumiére vive, le vénérable ecclésiastique avoue qu'il aurait aimé lui aussi découvrir le monde de ses propres yeux. En.le quittant, j’ai l'impression d’étre devenu |’ami du saint curé d’Ars. De retour dans le bruit et la trépidation de la vie lilloise, jiapercois trois camions de l'armée virant. dans une rue transversale. Je me _ méle bient6t aux foules de gens pressés ou calmes des rues piétonnes, puis descends dans le Val, métro entiérement automatisé. Wow! C’que c’est ‘ches, dauphins, beau! Stations Rihour, Caulier, Fives, Marbrerie, Hellemmes, Triolo..., litanie nouvelle pour moi. Trés artistique ce métro. J’admire sculptures («Trois muses», «Boa», «Spartacus»), fresques («Le cri», «Graffitis»), oeuvres diverses. Vancouver aurait beaucoup a apprendre de cette belle réalisation. Revenu a la surface, je me sens soudain comme emporté par un tourbillon de vie citadine et de petites merveilles, ne sachant plus ot donner... des yeux. Place du Général-de- ‘Gaulle, la place du marché au Moyen Age. Vieille et Nouvelle Bourses. Hétel de ville dont le beffroi s’éléve a 105 m. Sculptés alabase de cette tour, les deux géants Lydéric et Phinaert, héros d’une vieille légende compliquée, que les Lillois proménent a la Pentecdte. Colonnedela Déesse. J’observe la Porte de Paris; ce serait la le seul exemple d’une porte de ville (elle faisait partie des remparts) faisant office d’arc de triomphe. Secteur piéton de la. place Rihour (palais de Philippe le Bon, XVes.), rue Neuve, rue de Béthume... Que de passants! Belles fagades restaurées des XVII et XVille siécles. J’aime y flaner, découvrir ici. et la d’heureux mélanges de brique et de pierre sculptée (angelots, amours, cornes d’abondance, gerbes de blé). Pure baroque flamand, avec corniches et frontons en saillie; |’abondance de l'ornementation touche parfois au délire. Et que dire de la place du Lion-d’Or, des rues Esquer- moise, des Chats-Bossus, dela Monnaie, du Sec Arembaut...? J'admire balcons en fer forgé, dessus de fenétres ouvragés et moultes sculptures: cariatides, guirlandes, médaillons, cartou- mascarons, palmes, fruits, fleurs, et j’en passe. Des amours d’embras- sent ou se tournent le dos, selon qu’ils appartiennent ou non alaméme maison. Hospice Comtesse. Le «Furet du Nord», la plus grande librairie de France. Musée des Beaux-Arts, ot plusieurs écoles_ sont, ‘parait-il, remarquablement re- présentées. Mentionnons, en plus de tout cela, l’orchestre philharmonique, |’Opéra (atelier lytique, ballets, plusieurs trou- pes de théatre) et les nombreux festivals annuels. Lille mérite amplement d’étre qualifiée de ville d’Art. Je retiens encore deux événements typiquement _ |il- lois: la ducasse (féte patro- nale), que chaque quartier célébre ason tour, et la fameuse Braderie, foire ot l’on vend a bas prix des vétements ou objets usagés. Ce jour-la, férié ‘pour les Lillois, des kilométres de trottoirs sont occupés par forains et particuliers. Restau- rants et cafés servent les traditionnelles «moules et vin blanc», faisant, parait-il, des concours de tas de coquilles ‘devant les portes! Je dévore ensuite pomme, pain et fromage en lisant «La Voix du Nord» (aussi le nom d'un hebdo de ma région natale, au Québec), laissé sur un banc. Nouvelle promenade. Je décou- vre dans un étalage de cartes postales la célébre berceuse du «P'tit Quinquin» («Dors, mon ptit quinquin, mon _ pttit pouchin, mon gros rojin. Tu m'f'ras du chagrin, si te n‘dors point qu’a dmain...»). Son auteur, Emile Desrousseaux, aurait été inspiré par le quartier St-Sauveur, a |’6poque ot la grande industrie textile lilloise créait un prolétariat urbain et son cortége de miséres. Une autre carte montre |’église St-Maurice, peu banale avec ses cing nefs, cing toits et cing pignons! Plus tard, je me retrouve devant le «9 rue Princesse», maison natale, bien ordinaire, du Général de Gaulle (1890-1970). On peut y voir, dit-on, la robe de baptéme du petit Charles. Coup d’oeil a ma montre: déja 18h00. En retournant ala gare, je me procure des cartes postales «Couleurs et lumiéres de France» pour perpétuer les heures trop bréves passées ici. Tiens, une carte de Boulogne- sur-Mer, précisément la ville dont la description a donné tant de fil a retordre, |’année derniére, dans mon cours de traduction. Une autre carte présente «la route du patois», série d’enseignes en jargon du Nord, dont ceux-ci: «du Bo tordu cha fé du dro Fu» (avec du bois tordu on fait du feu droit) et «i vo miu un ptit avoére quin grin espoére» (un tiens vaut mieux que deux tu |’auras). L’on reconnaitra dans ces nasalisa- tions et diphtongaisons de type ancien l’une des sources de la prononciation québécoise. Une derniére carte permet d’envoyer ses impressions de Lille en ne faisant que «souligner le mot désiré», du temps (beau, chaud, pluvieux, froid, triste) a la formule finale (baisers affec- tueux, tendres, passionnés). Un choix d’animaux dessinés sert a désigner la personne a qui s'adresse l’envoi: «Mon gros loup, cher vilain singe, mon petit chat, cher vieux cochon, ma jolie biche, chére vieille poule». Amusant rappel de l’'arche de Noé que porte en lui cet animal soi-disant raisonna- ble qu’est |’homme. De retour a Paris, encore affamé, je me trouve facilement un temple donaldien du prét-a-manger, plus favorable aux budgets restreints qu’a la santé. Je monte enfin dans un train denuit pour Francfort, ville allemande dont le nom évoque ~ dans mon esprit franchise et courage. INFO-BUDGET 1-800-267-6640 Pour toute question concernant le budget fédéral 1990, pour plus de renseignements ou pour obtenir la brochure «Ou va argent de vos impdts», appelez sans frais, du lundi au vendredi, entre 9h et 17h. Les malentendants pourront composer le 1-800-267-6650. LES MEDICAMENTS, FAUT PAS | EN ABUSER!