Le Moustique Volume3 - 8”” édition Aoat 2000 Monologue suite... Soudain, juste devant nous, une grande tache circulaire dans l’eau. Réguliére et lisse comme une platine a tarte, elle formait un contraste inquiétant avec les remous du courant. Des tourbillons ! Il ne manquait que cela! Nous tentames de changer de direction, mais nous allions trop vite a présent. Et de toute maniére, nous découvrions de ces taches un peu partout. Ayant a peine pénétré le cercle, la pirogue, comme une trotteuse, se mit a déraper, 4 tourner sur elle-méme, la proue en amont et la poupe vers les rapides. Désemparée, elle ne répondait plus a la force de tout notre corps sur les pagayes. L’expédition tournait au désastre et, je me souviens qu’a cet instant, mon regard s’est posé sur la nuque trempée de Jean-Luc, celui qui en avait eu l’idée. Il a tourné la téte, alors, et dans ses yeux écarquillés, j’ai pu lire cette méme peur que je ressentais. La force centrifuge nous avait arraché du tourbillon et propulsé a reculons dans la direction de Brazzaville. Nous nous retrouvions, sans l’avoir voulu, dans une zone de haut fond sableuse ot le courant, moins puissant, nous déportait quelque peu vers la berge. On se remit a ramer frénétiquement a contre courant. Le courage et l’énergie que l’on croyait perdus réapparurent comme par enchantement : Brazzaville n’était plus qu’a deux ou trois cent métres et les eaux paraissaient moins tumultueuses. On avait passé, mais de justesse car on entendait déja le grondement menagant de |’eau du fleuve se fracassant sur les arkoses de Kinsuka. Epuisé par |’effort, hébété par la peur, on aborda sur une étroite plage au pied d’une corniche parsemée d’arbres et de broussaille. Nous avions tant dérivé que nous nous trouvions assez loin de la ville, probablement au sud du quartier africain de Bentsana-Bankoléa, plus tellement loin de l’endroit ot la D’joué se jette dans le fleuve Congo. Sans aucun doute, nous avions atteint la rive droite, car les quelques noirs que nous croisdames retournérent notre salut dans un lingala hésitant. Je pense que dans ce quartier, ils devaient plus volontiers pratiquer le kikongo. Le plus amusant, au moins pour nous, était de les entendre parler ce dialecte africain, commun a Léopoldville, avec un fort accent frangais. Nous trouvames, au sommet de la corniche, une petite habitation européenne avec une véranda minuscule. Dans le jardin propret ou ne poussaient que des plantes locales, c’est un domestique africain qui répondit a nos appels. Il nous fit entrer dans la maison, un peu mal a I’aise. La situation lui paraissait assez inhabituelle. L”hospitalité qui régnait en Afrique était réelle et ’habitude voulait que l’on ouvrit la porte a tous les voyageurs. Mais 1a, nous étions quatre gamins en sueur, étourdis par 1’émotion et la culotte noircie par le fond sale et détrempé de la pirogue ; nous n’avions pas lair