Le virage @cologique des agriculteurs quebécois par Alain Péricard L esagriculteurs duQuébec sont- ils en train de se convertir a agriculture biologique ? Bernard St- Onge de Saint-Boniface-de-Shawinigan nen doute pas: «C’est comme une vague de fond». «ll y a deux ans a peine ¢a faisait rire, mais aujourd'hui tout a changé», ajoute Rollande qui partage avec son mari la charge d'un troupeau de 30 vaches laitiéres. Ces fermiers nouvelle vague, en transition vers l'agriculture biologique, ne sont pas des marginaux. Installés depuis une vingtaine d’années sur leur terre de la Mauricie, ils avouent que les changements sur la ferme ont parfois été difficiles mais c'est chose du passé. «Maintenant, nous n’avons plus peur, les résultats de nos innovations ont dépassé nos espoirs». L’agriculture biologique - certains parlent d'agriculture écologique ou organique - est une méthode qui pros- crit l'utilisation des produits chimiques. Le sol est considéré, non pas comme un milieu auquel on fournitles éléments chimiques nécessaires aux plantes, mais comme un organisme vivant. II s'agitd’enrichir son activité microbienne par l'apport de fumier composté, ce qui supprime du méme coup une impor- tante source de pollution agricole. Les pesticides etmédicaments de synthése sont exclus. Plus qu’une technique, c'est «une nouvelle vision de l'agriculture». Cons- cients de la nécessité de protéger leur environnement sans sacrifier la renta- bilité de leur exploitation, les St-Onge et quatre agriculteurs voisins ont assis- té a des conférences; ils ont suivi des cours et sont allés visiter d'autres fer- mes. Depuis un an, le choix est fait: «Nous ne reviendrons jamais en ar- riére.» Non loin, la ferme Y. Lampron & fils Inc. exploite un troupeau de 80 vaches laitiéres. La reléve est assurée par Pierre, zootechnicien de retour d'un stage en Australie, et par Claude, frai- chement diplémé de I'université Laval enagro-économie. «Along terme, c’est plus rentable de faire de l'agriculture biologique», affirment-ils. En supprimant les intrants chimi- ques tels qu’engrais et pesticides, on réduit en effet les colts de production. Cette économie compense largement certaines dépenses occasionnées par le compostage du fumier. De plus, avec une approche «douce» et une produc- tion intensive, la longétivité des vaches augmente et les frais de vétérinaire diminuent. Dans la production laitiére, ce bilan positif de l’agriculture biologi- que est constaté par de nombreux producteurs québécois et démontré par plusieurs études. L’argument économique n'est pas le seul. L’objectif est la qualité de vie: ne plus travailler avec des produits chimi- ques dangereux, assurer une meilleure santé du troupeau, améliorer la fertilité de la terre et la qualité du lait. Pour Claude Lampron, «ca n'est pas plus de travail, c'est peut-étre difficile, mais aussi plus valorisant; nous sommes plus autonomes et efficaces, moins stres- Sés». Les institutions suivent lentement C'est ce que confirme Sylvie Huard, agronome au ministére de I'Agriculture du Québec: «Les producteurs veulent reprendre le contrdle et mieux com- prendre les processus naturels, ce sont €uX qui poussent.» Les institutions, cependant, suivent difficilement et les ressources manquent. Plusieurs cé- geps, l'Université Laval et le Macdo- nald College préparent des options en agriculture biologique pour la prochaine rentrée. Actuellement, le Centre de développement de l'agrobiologie du Québec, dirigé par une Equipe de pion- niers, assure encore l'essentiel de la formation. Fondée le 24 février dernier, la Fédération d’agriculture biologique du Québec compte déja prés de 300 membres. D’aprés Pierre Gaudet, vice- président de I'Union des producteurs agricoles et lui-méme producteur biolo- gique, l'agriculture québécoise a par- couru le tiers du chemin pour devenir écologique. Quelque 7 000 agriculteurs se sont inscrits a des sessions de for- mationen 1989 et ceux qui adhérent au programme de Certification - pour le- quel on prévoit une législation provin- ciale cette année - ne parviennent pas a répondre a la demande des consom- mateurs. Un nouveau mode de vie Alors qu’au niveau politique l'agri- culture biologique est désormais ins- crite au programme, sur les fermes, c'est un nouveau mode de vie qui s‘im- plante imperceptiblement. Chez les Lampron ou les vaches sont soignées avec des remédes homéopatiques, les médecines douces passent de I'étable alamaison. Pierre achéte des légumes biologiques au supermarché, il produit ses oeufs et bient6t ses legumes, pour la santé et «pour le plaisir». Le jardin potager de Rollande St- Onge n'est plus un a-cété sans impor- tance: «L'agriculture biologique, c'est global.» Dans la maison, par exemple, on supprime les produits polluants. Ainsi, pour déboucher un évier on uti- lise une livre de soda dissoute dans trois gallons d'eau. Alain Péricard est journaliste ala pige a Montréal peers Photo: Alain Péricard Une ferme convertie a l'agriculture biologique pour une meilleur qualité de vie. A. Québec, opter pour environnement, c’est aussi choisir le progres. Agent de progrés, la protection de l'environnement et de ses ressources constitue la base indispensable a un développement économique durable. ll y va de la vitalité a long terme des secteurs d’activités majeurs tels la forét, la péche, agriculture et le tourisme. ll y va aussi de la compétitivité des entreprises québécoises. En investissant dans des mesures qui réduisent l'emploi de matiéres premiéres et la consommation d’eau ou d’énergie, les industries enregistrent des profits. En adoptant des procédés de fabrication qui minimisent les “sources de pollution, elles innovent et optimisent leurs outils de production. L‘ (4d) «sejqesuodse: ap suoijw Zz» YueweuuoAUg