passeport et mon billet. Ils examinent ma photo de prés. Quelques minutes plus tard, je les revois encadrant un jeune homme, moustachu comme moi, qui proteste avec la derniére énergie. Au départ du train, joccupe un compartiment de premiére classe avec une Torontoise agent immobilier, une Suissesse et une Francaise de la Savoie. En compagnie de ces dames, fort cultivées, la traversée des Alpes me paraitra plus rapide encore qu’en TGV. Ce soir-la, lorsque je consigne- ~ rai dans mon journal les souvenirs de nos. conversations, jen obtiendrai une mosaique aux couleurs disparates: de Reagan et Jean-Paul II au mouvement féministe, en passant par les difficultés de la langue frangaise. Voici, au hasard, d’autres sujets qui me reviendront a l’esprit: Gortez, le conquistador espagnol, ‘qui améne le premier cheval au Mexique; le massacre d’Ora- dour-sur-Glane, épisode horrible de la Deuxiéme Guerre Mon- diale; le doublage d’un film, art de plus en plus sophistiqué; les _ événements de mai 68, a Paris; Mig les phrases les plus longues chez Proust et Faulkner; la «trudeau- manie», qui a fait dire 4 Réal Caouette: «Nous avons le gouffre devant nous et nous allons faire un grand pas en avant»; la pédérastiel Une des dames ‘affirme ne rien avoir contre les pédérastes except€ contre ceux qui se marient pour avoir des enfants. Et la liste continue: |’avant- dernier livre de Shirley Mclean sur son voyage au nord du Tibet; Emily Carr, la grande artiste de l’Ouest canadien; le joual... J’en viens 4 raconter a4 ces «femmes savantes» l’anecdote suivante. Un jour, 4 Montréal, je m/arréte dans un snack-bar (au Québec, on dit aussi casse-crotite) pour dévorer un hot-dog. Je jette un C'EST EN FRANCE ET C'EST A VENDRE! Dans le vignoble de Madiran, a 1 heure de la mer et de la montagne, a 35Kms de Pau, Tarbes et Aire sur Adour (Sud-ouest de la France), maison de village, restaurée, sur deux niveaux. 110 métres carrés habitables composés au rez de chaussée: -d'une salle a manger (30 métres carrés) avec poutres apparentes. - d'un salon avec cheminée. : - 1 cabinet de toilette. | -une cuisine. tion «vire-langue» involontaire allait créer une véritable commotion. Serveuses et clients se mettent a essayer de répéter d’un trait, et rapidement, cette tournure pseudo-racinienne, la conjugaison de leurs efforts ratés provoquant, bien sir, une bonne rigolade. Mes trois compagnes de voyage s’exécutent elles-mémes avec une facilité étonnante. L’une d’elles ose ensuite nous servir ce mot bilingue catholico- québécois de mauvais goat: «If drink cup you - Ciborre, tasse-toz!» Le train se faufile 4 travers les Alpes, s’engouffrent parfois dans de longs tunnels. Les paysages prennent souvent des airs de paradis. Les Dolomites, le lac Majeur, les iles Borromées..., pour séjours enchanteurs, man- dolines et lunes de miel. La conversation me raméne 4a la réalité, glissant sans crier gare du terme «congére» a l’Expo 67. La Savoyarde nous raconte que son mari a écrit et enregistré sur disque une chanson-théme dont M. Drapeau (ex-maire de Montréal et pére d’Expo 67) raffolait, parait-il. Cette chanson aurait pu supplanter celle de Stéphane Venne, le gagnant du concours,si on ne l’avait pas lancée sur le marché prématuré- ment. J’apprendrai que le mari de la Suissesse, pour sa part, est doubleur dans des grandes séries américaines comme Star Trek - M. Spock. «Je paterazs cher, me dit-elle.a brile-pourpoint, pour savourer, maintenant, un bon smoke-meat de la rue De Mazsonneuve!» Les paysages alpestres se succédent, majestueux. En pas- ‘sant non loin du barrage de la Grande Dixence, une des passagéres affirme que s'il se brisait, toute la vallée serait inondée jusqu’au tiers. Les chalets suisses se multiplient. Nous parlons chateaux, réserves - 1 grand cellier. A l’étage: 3 chambres dont 2 avec placard, 1 salle de bains. Attenants au cellier, 1 garage et une buchere couverts. Terrain 3000 métres carrés. Hangar 50 métres carrés. Prix 300000 franes francais (environ 70000 dollars. cara- diens). Tél.: 011.33.51 39 36 79 mes trois compagnes se mettent a chocolat et gateries a me gaver de m’achétent des Les Dents du Midi emporter afin de se délester de . leurs lires. Je ne m’en plains pas. Nous traversons Montreux. Et nous voila a Lausanne. En entrant dans la gare, j’essaie de communiquer avec Arthur et Marguerite Casanova, un couple ami rencontré ]’été dernier a Vancouver, lors du mariage de leur fils Patrick avec la fille de mes propriétaires. Ils sont absents. Je décide d’aller poser un message sur la porte, pour les informer que je les attendrai au Café Mont d’Or jusqu’a 22 heures. Ils viennent m’y rejoin- dre, en effet, me donnant tout de suite l'impression que je suis Patrick. Souper de fins gourmets, vin de qualité et digestif. Cet accueil empressé m’enléve d’un — coup toute fatigue. Le lendemain matin, diman- che, le temps est radieux. Arthur m’améne d’abord visiter son petit potager dans un grand jardin collectif. Ce minuscule coin de planéte comprend tout de méme une «coquette maisonnette toute proprette». Nous entrons y déguster une liqueur de cassis. Je me plais 4 écouter le débit pondéré de mon héte et nombre de mots et expressions qui ne me sont pas familiers: «parc éternel» (cimetiére) , dame de «onante ans», corniche (route dominant un a-pic), passion (arbuste a fleurs), cortinaire (champi- gnon), céte de bette... Dans le jardinet, je remarque une variété de légumes qui n’ont jamais fait ummm’ partie des grands jardins de ma prénom de ma mére. Aprés le succulent repas du midi, nous nous _baladons, Arthur et moi, dans le parc panoramique Sauvablin, que je n’ai pas pris le temps de visiter lors de mon premier séjour, en 1979. Nous nous rendons ensuite a la cathédrale avant d’aller déposer un mot dans la boite aux lettres d’un pédiatre (absent), ami d’une Québécoise qui m’a fait promettre de le saluer en passant. Puis nous roulons sur une corniche qui traverse de grands vignobles en terrasses pour nous aventurer ensuite sur les flancs d'une montagne jusqu’au célébre Caux-Palace. Ce prestigieux édifice est devenu, peu aprés la Deuxiéme Guerre Mondiale, le «Centre de confé- rences du Réarmement moral». De 1a, nous escaladons le sommet. Mon compagnon sexa- génaire se montre en excellente condition physique; il atteint la cime avant moi et me parle normalement alors que je suis tout haletant, «la langue autour du cou». Nous nous reposons dans un petit café ov il ne me sera pas permis de payer l’addition. La vue qui surplombe le lac Léman et les montagnes, maintenant enveloppées par la magie grandiose du couchant, me donne envie d’improviser une tyrolienne, de lancer a tue-téte quelques joyeuses «turluteries» de mon enfance. En rentrant a l’appartement, Marguerite m’invite a parler a ma propriétaire au téléphone (celle-ci est en visite dans sa famille dans le nord de a Ee eae near eee Le Soleil de Colombie, vendredt 22 janvier 1988 - 11 e ' Récit d'un tour du monde Au dela des Alpes Par Jean-Claude Boyer coup d’oeil sur le choix de militaires dans les montagnes, mére: poivrons, salsifis, choux- 1’Allemagne). Elle insiste pour Milan (nord de I'Italie), le 10 garnitures, incluant du chou abris anti-atomiques. L’appro- raves, poireaux, choux de que je prenne bien mon temps - novembre 1984. En montant rapé, pour ensuite commander che du lac de Genéve et du Bruxelles... En retournant 4 ce que jose faire. Lui ayant dans le train pour Lausanne «un chien-chaud sans chou, chateau de Chillon nous fait l’appartement de la rue Mont ensuite raconté qu'un plein sac de (Suisse), deux policiers-poids s‘l-vous-plait». Je ne me serais bifurquer sur Rousseau, d’Or, Arthur rapporte deux roses vétements, laissé chez des amis a lourds me demandent mon _ jamais douté que cette allitéra- Stendhal, Byron... Peu a peu, a Marguerite, précisément le Paris, a disparu, elle m’invite a choisir des effets parmi ceux qu'elle s'appréte 4 donner aux pauvres. Ce sera justement un pantalon brun d’Arthur que je porterai, avec redingote blanc- créme et cravate assortie, au cours de la semaine ou je participerai, comme figurant britannique!, au tournage d’un film 4 Bombay (Inde). << Souper de fins gourmets, vin de qualité et digestif. Cet accueil empressé m'enléve d'un coup toute fatigue. » Souper fin, relevé d’un vin rare que je ne connaissais pas. Puis nous causons gaiement 4a l'aide, entre autres, des photos de mariage de Patrick et Yvonne. Jaurai vu, ici et chez d’autres amis, 4 Rome et en Allemagne, des photos, films et diapos que les nouveaux mariés eux-mémes n'ont pas encore vus. Je me laisse captiver par les propos de Marguerite sur les langues qu’elle maitrise, l’italien, le frangais et l’allemand. Arthur, pour sa part, me parle, avec une _ lenteur délocution plaisante, de ses quarante ans d’horloger-bijou- tier-bricoleur. Je ne retiens pas /mes «wow!» en admirant une de ses oeuvres: une motocyclette- pendentif mobile d’a peine deux grammes et demi! Une mini- merveille d’ingéniosité et de précision a la suisse. [Suite Ia semaine prochaine] Si tu ne vas pas au Soleil, le Soleil viendra 4 toi. - Vieux dicton - 440e eee i] Reta yo 2