Le Moustique ! ... Pacifique Volume 7 - 5e édition ISSN 1704 - 9970 Mai 2004 Nouvelle ineciite En étes-vous sir ? Suite (Histoire vraie) — J'ai jeté mon cigarillo avant d’entrer. — Fiche-moi le camp, tu n’as pas le droit de monter a bord ! — Pardon, jen ai le droit ! Je suis sidéré. C’est sordide! Mon univers est menacé. Je m/apprétais a répondre a mon tour quand le coup est parti. Un geste sacrilége, un poing béotien s’écrasant sur un nez vénérable. J’ai le temps de rattraper homme étourdi alors qu’il s'affaissait devant moi. Je suis navré... et aussi un peu géné de |’étre un peu plus pour le sang sur son beau costume gris que pour son nez écrasé. Les gens s’étant figés sur le trottoir, le chauffeur, un peu affolé par son propre geste ferme brutalement la porte et, abandonnant ses passagers potentiels sur place, démarre avec toute la puissance de son _ pesant véhicule. Pas un bruit, pas un commentaire, quelques personnes génées se dispersent, joignant un autre arrét, se consolant a leur cellulaire ou tournant en rond a la recherche d’un téléphone vengeur. Plusieurs quidams, décidés a attendre le bus suivant, ont des regards qui expriment la colére. Le charme rompu, indignation devant l’incident se mue progressivement en exaspération a l’encontre du blessé quiils tiennent, a présent, responsable du facheux contretemps. « Quel avantage avait-il a se faire remarquer ? Il l'a cherché ce coup de poing!» entent-on grommeler a la ronde. La sympathie de tout a l'heure fait place a la rancceur ; il est temps de s’esquiver. Le tenant par le bras, j’entraine le blessé, en partie aveuglé par le horion, vers la plus proche pharmacie ot on lui annonce,” avec un large sourire, qu’il n’a pas le nez cassé, mais ou je peux voir s’agrandir un pif de plus en plus rouge et des cernes de plus en plus sombres. Je m’en sens aussi chagrin que si javais mordu dans un cygne a la créme surie. On lui arrange un pansement qui n’améliore en rien l'esthétique générale. En aparté, la pharmacienne, pourtant bien charmante et trés jolie, me demande s'il était saoul quand il est allé se battre. Je ne prends pas la peine de lui répondre. C’est le désarroi total ! Est-ce pour l’aider ou pour me remonter le moral que je l’entraine dans un bar, lui offrir un cognac ? Je supplie le gargon qui, les yeux rivés sur le visage du défiguré, semble hésiter a nous servir de l’alcool : « Du meilleur possible, je vous en prie ! ». ll faut sauver ce qu’il reste a sauver. Devant le nectar, mon héros semble revenir a la vie. Avant qu’il ne se remette a parler, je linonde de mots d’excuse, de sentiments de _ regrets, d’expressions de sympathie et d’incitations au courage. Sous son bandage, il esquisse un sourire et m’assure que cet incident est sans importance, que, sans doute aucun, il existe un risque a vouloir se démarquer du monde. — Mais pourquoi cette folie ? — Ce nest pas une folie. En fait, c’est la plus naturelle des choses. — Comment une chose naturelle ? — Oh! Ce sont la des considérations d’ordre philosophique. Je ne veux pas penser que cela puisse vous intéresser. Serait-ce donc cela prendre ses malheurs avec philosophie ? — Si, si, vous éveillez ma curiosité. - Ah! C’est qu’en fait, sans cesse, nous continuons d’oublier que nous ne sommes que des animaux. Savez-vous en quoi, nous