Le Moustique ISSN 1496-8304 4 Volume - 5° édition Mai 2001 jE itterature Le roman de Rabelais Michel Ragon Le roman de Rabelais, de Michel Ragon, a obtenu le Prix des Maisons de la Presse en 1994. Auteur de nombreux romans, Michel Ragon est aussi connu comme critique et historien de l'art, de l'architecture et de l'urbanisme. I] a composé un monumental ouvrage d'érudition: "Histoire mondiale de l'architecture et de l'art modemes". Le roman de Rabelais commence vers la fin de la vie de Rabelais, (1494-1553), a une époque ou l'on avait perdu sa trace. L’auteur le fait habiter dans une misérable masure ou il passe la plus grande partie de son temps a soigner gratuitement les malades pauvres de Saint-Maur-des-Fossés, petit village au sud-est de Paris, niché dans un méandre de la Mame. Le village est dominé par une importante abbaye bénédictine et par un chateau appartenant au cardinal Du Bellay, et construit par l'architecte Philibert de l'Orme, deux hommes que Rabelais a toujours admirés. Il profite aussi de la protection du cardinal. Rabelais est aidé par un jeune moine, Gilles, dont les questions relancent le récit. Dans sa jeunesse, Rabelais a d'abord été préoccupé par la purification de son ame. Dans ce but, il accéde a la prétrise et adhére par idéalisme a l'ordre des franciscains. Bien vite, il s'apergoit que "les moines gras, rouges, obéses, dont I'haleine puait le vin aigre et la viande faisandée"(p.17) n'ont rien en commun avec ce que préchait Saint Frangois d'Assise, et qu'ils font de I'ignorance une vertu. Dégoiité, Rabelais apprend le grec pour devenir médecin. Scandale! Le latin seul était langue dEglise, le grec est vu comme une langue paienne, et Rabelais risque le bicher. II trouve refuge auprés de l'abbé Geoffroy d'Estissac, et c'est a l'Abbaye de Maillezais qu'il devient moine bénédictin. Pendant sept ans, il préche, participe aux travaux des champs, et surtout étudie. Linquisition est toute puissante. A Meaux, elle fait couper la langue a quatorze pauvres gens accusés d'avoir écouté la lecture des Evangiles en frangais, langue vulgaire indigne de traduire les paroles sacrées. On leur brise les membres et leurs corps martyrisés sont jetés dans les flammes. Ce n'est pas une époque ou il est permis de manifester une grande liberté d'esprit. Quand Rabelais publie Gargantua (1534), il est accusé des mémes déréglements qu'il préte a son personnage, et plus d'un aimerait bien rotir cet ancien moine. A la publication du Tiers Livre, en 1546, les théologiens condamnent cet ouvrage comme farci dhérésies, et Rabelais s'enfuit 4 Metz, qui était alors ville d'Empire, pour échapper au biicher. Page 3