10 Le Soleil de Colombie, Vendredi 10 novembre 1978 Le fait francais en Colombie-Britannique par Glen Cowley Un projet conjoint: Société Historique Franco-Colombienne: Fédération des Franco-Colombiens Le Soleil de Colombie traduit par Robert Lebel adapté et monté par Christiane Coté Introduction: Il y a plusieurs mois paraissait dans un quo- tiuien de Vancouver une série d’articles sur l'histoire des francophones en Colom- bie-Britannique écrits par Monsieur Glen Cowley du département de géographie de l'Université Simon ‘Fra- ser. Monsieur Cowley qui a longuement étudié le fait francais dans cette province a gracieusement permis la traduction francaise de ses articles pour le bénéfice des lecteurs du journal “Le So- leil”. La Sociéte Historique Fra- co-Colombienne, la Fédéra- tion des Franco-Colombiens ainsi que le journal ‘Le Soleil’ ont collaboré a4 la réalisation de ce projet qui suscitera sans aucun doute une fierté justifiée chez les Franco-Colombiens. Cette série de neuf (9) articles sera cléturée parfh une entrevue de Christiane Cété avec l’auteur Glen Cow- ley, ot ce dernier explique ce qui l’a amené 4a entre- prendre cette vaste étude. Au début fut le voyageur Un préjugé, veut que le fait francais n’ait virtuelle- ment aucune signification en Colombie-Britannique: or, cette affirmation ne repose sur rien, sinon une ignorance crasse, si l’on prend la peine de scruter l’Histoire de no- tre province. La relation entre le fait frangais et la Colombie-Britannique _re- monte a aussi loin que l’arri- vée du premier homme blanc sur les cétes du Pacifique et est plus profonde que les eaux du Saint-Laurent et de la Riviére de la Paix qui sont a lorigine de la connection Québec - Colombie-Britanni- que. Tout examen du fait fran- cais en Colombie-Britanni- que doit prendre en considé- ration, non seulement les Canadiens-Francais blancs dont les ancétres s’étaient établis sur les territoires a VEst de Winnipeg, mais aussi des Métis, ces fils de Canadiens-Francais et. d’Au- tochtones, ainsi que les im- migrants d’expression fran- caise, venus principalement de Ia France, de Belgique et de la Suisse. Ces groupes ont joué un rdle prépondérant dans le développement de la Colombie-Britannique. Dans les Métis coule le sang des premiers Cana- diens-Frangais. C'est ce sang aqui a ouvert la route de l'Ouest et qui a été répandu a Batoche, lorsque les Métis ont tenté, dans un effort de derniére extrémité, de pré- server leurs droits. Il y a trés longtemps, lorsque la Nouvelle-France revendiquait encore la plus grande partie du Canada, un commerce de pelleterie avait été élaboré, basé sur les centres de Montréal et de Québec. A l’inverse de leurs concurrents de la Compa- gnie de la Baie d’Hudson, ces hommes ne se contentaient™ pas de rester dans leurs forts et d’attendre que les Indiens leur apportent les. richesses des foréts. Au lieu de cela, ils ont établi des postes d’échange a travers le pays, les reliant entre eux grace aux cours d’eau. Ce réseau de foorts reposait sur une race d’hommes réputés pour leur habilité 4 manier un canot, leur grande force physique et leur endurance, leurs relations avec les Au- tochtones et leur dextérité de bficherons. Ces hommes s'appelaient les Voyageurs et ont contribué 4 étendre l'empire francais du négoce de fourrures jusqu’aux con- treforts des Montagnes Ro- cheuses ou, en 1749, ils établirent I’éphémére Fort La Jonquiére, a proximité de l’actuelle ville de Calgary. Avec la chute de la Nou- velle-France en 1763, l’en- semble de ce systéme, les Voyageurs inclus, tomba aux mains de commergants indé- pendants, essentiellement Ecossais, qui dirigeaient leurs opérations depuis Montréal. Ces “colporteurs du Québec” devaient, par la suite, se constituer en asso- ciation avec la fondation, en 1783, de la Compagnie du Nord-Ouest ou Nor’Westers. Ils allaient sérieusement contester l’hégémonie de la Compagnie de la Baie d’Hud- son et de la “American Fur Trade Company”, ouvrir de . nouvelles terres a l'Ouest et * constituer le véhicule grace auquel les Canadiens-Fran- cais pénétreraient et enta- meraient la colonisation de la Colombie-Britannique. Ces premiers colons ap- partenaient a une race dif- férente d’hommes, merveil- leusement adaptés aux ri- gueurs de la colonisation. Les Voyageurs étaient des » Canadiens-Francais qui se recrutaient essentiellement dans la vallée du Saint- Laurent. Rudes travailleurs, ils étaient des hommes fidé- les, fortement attachés a l'Eglise Catholique Romaine et, bien qu’analphabétes. pour la plupart, ils avaient la réputation d’étre des chan- teurs-nés. Bien que se trou- vant encore a plusieurs mil- les-de leur destination, ils pouvaient étre entendus par les habitants des forts lors- qu’ils élevaient leur voix, rythmée par le bruit de leurs pagaies. Ces hommes vétus de facon colorée étaient ap- préciés pour leurs nombreux talents, talents qui les ren- daient inégalés dans le com- merce des fourrures. Combien de fois n’a-t-on vu ces hommes pagayer 12 4 15 heures par jour, a raison de 40 coups 4 la minute, ou- transporter, aux portages, des ballots d’une centaine de livres, parfois méme en cou- rant. Ces hommes, parfaite- ment reconnaissables, é- taient tenus assujettis par leurs suzerains Ecossais qui ont su exploiter leurs qua- lités et leurs talents. Faut- il alors se surprendre que ces suzerains aient voulu réduire la contribution des Voyageurs a l'Histoire de la Colombie-Britannique a quelques tombes sans nom, parsemées le long des routes ou s'est effectué autrefois le florissant commerce des peaux. - Ces hommes, partis com- me tellement d’autres 4 la découverte de l’Ouest, se distinguaient également par les relations qu’ils avaient développées avec les Au- tochtones et qui permet- taient l’arrivée, relative- ment harmonieuse, de l’hom- me blanc dans |’Ouest cana- dien. Certains croient que c'est parce qu’ils avaient délibérément adopté le mo- de de vie des Indiens, par- fois jusqu’a leur religion, d'autres affirment qu’ils se sont entiérement identifiés a ces terres qu’ils venaient de découvrir. Quoiqu’il en soit, de leur union avec des femmes indiennes est né ce “Westerner” unique, le Bois- Brilé ou Métis. Comme leurs péres avant eux, les Métis se sont consa- erés au commerce de la fourrure pour devenir, a leur tour, des Voyageurs. A mesure que des postes _ de traite s’ouvraient tou- jours plus a l'Ouest, les , Ecossais, catholiques, ont affermi leur contréle sur les Canadiens-Francais qui tra- vaillaient pour eux. Déja, certains Voyageurs s’étaient sédentarisés et avaient éta- bli, avec leurs femmes et Société | Historique Franco-Colombienne leurs enfants, des campe- ments autour de ces postes, vivant de la culture et de la chasse. Partout ot ces camps de pionniers se déve- loppaient grace au support économique que constituait la traite des peaux, les Cana- diens-Francais se sont fon- dus dans l’harmonie des terres et des populations qui y habitaient. Quoique né a 1’Est, le Voyageur fut le pionnier de l'Ouest et, lorsqu’on exami- ne l’expansion du commerce de la fourrure en Colombie- Britannique, il faut y asso- cier les Canadiens-Frangais qui y demeurent étroite- ment liés. : La semaine prochaine: La construction des premiers forts. Conservez cet article. plusieurs autres numéros suivront. Les hétels du CN: Temi