= Le francais universel Suite de l’article paru le 17 septembre sous le titre *‘La langue au Québec’’. Par René CHICOINE du Devoir. Communiquer sans ambiguité Je crois au francais univer- sel pour plusieurs raisons, la plus évidente étant la né- cessité de pouvoir communi- quer sans ambiguité a tous les niveaux. Méme a4 des niveaux tres ordinaires. J'ai souvent eu l'occasion de voir des ouvriers travailler. Un apprenti ne fait pas néces- sairement des erreurs en tant’ que tel, comme dirait M. Bou- Tassa, Mais parce que le mai- tre lui a donné des instructions trop imprécises. “Tu prends ca, la, puis tu le mets avec ga. Non, mon pas avec ca, avec ¢a ici que je te dis. Puis quand les deux sont poignés, non pas comme ga, oui comme ¢a, tu prends ¢a ici pi tu...” Qu’on ne croit pas a une invention de ma_ part, cest textuel, sauf pour le ““poignés” vue que ne me sou- viens pas du terme exact (exact!). A fortiori, le québécois nest pas assez évolué pour servir de véhicule 4 une pen- sée d'un certain niveau. L’adep- te de linguistique descriptive trouve tout simple que nous parlions joual ou québécois et que le francais soit pour nous une langue seconde. Théori- quement, cela est un point de vue défendable, que j'aimerais bien pouvoir défendre. Pou- voir parler une langue bien a soi, tissée solidement dans la pure laine du pays et pouvoir, en plus, parler et surtout écrire partaitement une langue seconde permettant un enri- chissant contact avec la francophonie, quel réve inté- ressant! Dans la pratique, la “langue seconde” que nous parlons et aussi, bien qua’ un degré moindre, que nous €crivions. se rapproche en gé- néral, et dangereusement, de la langue québécoise, et la langue québécoise elle, se rap- proche du -joual. Qu'on ne s’imagine pas qu’on parle un québecois convenable en n’employant que des mots fran- cais et en n’escamotant pas trop les syllabes. Tout dabord, un exemple de que- becois et de joual: “Je ne suis pas pour faire pareil comme lui parce que c'est pas si pire comme ca”. En- tre le joual pas si pire et le quebécois suis pas pour et pareil comme, mon coeur balance et verse un_pleur. Dautre part. entre le fran- cais et le québécois, les frontiéres ne sont pas toujours si éloignées que l'un n influen- ce l'autre. interaction se pro- duisant naturellement au dé- triment du premier. La question serait plus simple si nous n’avions que le - francais et le france joual comme les Francais ont le francais et l'argot. les Amé- ricains. l'anglais et le slang. La différence serait nette, alors que le québécois oscille entre les deux. Langue de 1'a peu pres qui n’a ni le pitto- resque expressif du joual (expressif. mais parfois béte. crispant et méme révoltant) ni la précision ou l'élégance du francais. Exemple de québévois plus pres du francais que du joual (en apparence): Comme j'avais quelques. connexions sur Vexécutif de l'association. ¢a fait que jai été capable d'a- cheter des parts dans le centre d'achats’’. Notons d'abord. la brisure de la phrase. caractéristique du fait que nous n'apprenons pas a penser avec méthode. Notons l'emploi fautif des pré- positions. Les connexions nont rien a voir avec les re- lations. les amis ou les clients; une association est dirigée par un bureau. le terme exécutif étant réservé a un _ conseil d‘Etat ou de municipalité; une part n'est pas une action, la part étant la valeur des ac- tions qu'on posseéde (Diction- naire Dagenais): capable est une expression trop forte dans le sens de pouvoir assovié non a l'idée de puissance mais a celle de chance, d’ occasion; lexpression centre d'achats est risible pour peu qu'on y pense. On y penserait si on avait, justement. l’esprit un peu plus francais, ce qui veut dire (en dehors de toute considération ethnique, et quon aime ou qu'on déteste les Francais) penser en établissant une asso- ciation logique et précise entre les mots. Faudrait-il éviter |'expres- sion centre commercial parce quelle est moins québécoise que centre .d‘achats? Qu’on m’'expliq ue alors comment des achats peuvent constituer un centre. Et en quoi le fait de dire: “Comme j'ai quelques relations au bureau (ou 4 la direction) de l'association, Jai pu acheter (ou me procu- rer) quelques actions du cen- tre commercial’. rendrait- il le locuteur moins québécois que sil sexprime comme dans l’exemple cité plus haut? Je crois au francais inter- national plutét qu’'a un francais du cru nommeé québé cois parce que nous ne possédons pas suf- fisamment ‘instinct de la lan- gue, comme il a été dit plus ‘haut, et le francais tout court (ce qui est un peu la méme chose) pour prendre des déci- sions indépendantes, quelques rares cas mis a part. Grapefruit ou pamplemousse Liexemple qui suit fera mieux comprendre ma pensee. . Comme tout le monde, jai longtemps cru a I'aftectation des Parisiens qui disaient grapefruit et non pamplemous- se. Jusqu'au jour ow je décou- vris. grace au bulletin de lAcadémie canadienne-fran- caise, que la différence 4 faire entre les deux termes était ri- goureusement scientifique. Le pamplemousse est un “fruit peu juteux, qui ne peut se man- ger que confit ou sous forme de confiture’’ (Robert). Quillet ne fait pas la différence entre le pomélo (qui produit le grape-fruit) et le pamplemous- sier, mais il nous apprend, autre suprise!. que Ronsard nignorait pas ce qu était le grape-fruit! Tout cela pour répéter que la langue est complexe et que nous en con- Naissons insuffisamment les rouages. J'étais déja_ cir- conspect. Le __ grape-fruit, qu'on me passe l’expression, m’en boucha un coin et je de- vins plus circonspect que ja- mais. Se méfier du mot snob et de nos prétentions. Enfin. je crois au francais international — ou au francais tout court si on n’aime pas cet adjectif — parce que entre Vhumiliation d’avoir a parta- ger une langue, que je n‘ai pas Inventée, avec quelque cent vingt millions de francophones, dont un bon nombre s’expri- ment mieux que moi, et celle de parler une langue mi-fran- caise mi-aborigene qui me lais- se sur ma faim et que parfois ae digere tres mal, je préfere a premiere, si humiliation il y a toutefois, a tout considérer. Est-ce précher dans le dé- sert, en 1971, que de parler d’échelle de valeurs, de ni- veaux de langage, de discipli- ne, de clarté harmonieuse, de beauté? Valéry disait que les civilisations peuvent mourir. Notre -civilisation mourra-t- elle avant que d étre véritable- ment née? Je ne me dissimule pas que le Québécois moven ne se sent pas suffisamment motivé — ie parle en général — pour cher- cher a se renseigner ‘et a _S’exprimer selon les normes du francais qui se parle a travers ‘le monde. On ne saurait l'en blamer. Tout ce qu'on peut Jui demander. c’est d'éviter un langage trop relaché. Aux en- seignants, aux journaux, a la télévision, a la radio incombe la tache de montrer la voie. Par exemple, a la télévision, se pose le dilemme: correction ou naturel? Fait-on toujours Veffort d'écriture qu’il faut pour soigner les répliques du point de vue d'une correction mini- Mum qui ne compromette pas le naturel? Prenons le seul domaine des communications téléphoniques. Faire ou recevoir un téléphone, Signaler un. numéro, ligne en- pases fermer ou garder la igne, bienvenue. renverser Ja charge, longue distance, mau- vais numéro, sont des expres- sions fautives qui ressortis- sent non au vulgaire joual mais au québécois tranquille. Choi- sissons n’importe laquelle. On signale 4 un correspondant par une sonnerie qu’aura dé- clenchée le numéro qu'on aura composé. Ou qu'on. aura fait. On ne peut sans doute pas faire dire a un brave épi- cier de téléroman qu'il com- pose un numéro. mais s’il dé- clare qu’il a fait c’numéro-la qu’on lui a donné, l’expression passera comme une lettre a la poste. In between Encore une fois, je ne pré- tends pas qu’il faille donner au francais international l’au- torité d’une religion tyranni- que. Ne serait-ce que nous ne pouvons traverser |’Atlantique tous les six mois pour savoir si on dit encore ceci ou cela, S1 on prononce les mots an- glais a la francaise ou a |'an- glaise ou in between. (Nous avons toujours prononcé les noms a l'anglaise pour la bon- ne raison que cela ne nous pose jas de probleme. Il semble que es Francais ont commence 3 nous imiter.) Et puis. certaines réalités nous sont propres. Enfin, nous tenons 4 certains mots comme un amoureux tient au nez trop retroussé de sa fiancée ou a ses hanches un peu fortes. Respectons l'essen- tiel, qui se place au-dessus de quelques détails. Et cultivons notre jardin a la francaise. Avec, ici et 1a, quelques sen- tiers moins sei quel- ques buissons moins bien tail- les, évoquant le naturel d'un jardin anglais ou le genre sans facon des Américains... Dans ce jardin irrigué parfois a la va- comme-je-te-pousse, que vois- je au loin. trés loin, dans la Tume? Serait-ce le _pavil- lon de l’Office de la langue francaise? Jeu bilingue de mots croisés par A.A. Hards Lop a eA a 078 O° ID IID Jaa as LIPILIO/TETIOIT E 2/HIAIVIE BBBAIVIA R 3 i|AIVIAIN BERIETEP E 4} SIAIRIATH RIEIDIVIC siEILII {Cll ]THBRIEISIT 6 TINJLISHBBVIAIS RIS 7TIAININIOITIAITIIIO EIAISTY SISIUIEJUIS BBBAICIT MB AICIR{ 1 |D 9/1 IDIEIS SITIELEILIWIOIRIKIS lOINIE IDE S{kiit BBDIETAIN 11 SICIOJO|THBTIRIOlEl i Ic 2/SIC}HIOIOILINII IBBBBEEIMIoITIE I3;A{LIO|FIT BBAILIOIT bIRIAIN 4 dd AIG Rie INE ed ads IsITIEJE|TIHMBYISIE|RMSISIYIS SOLUTION DU 24 SEPTEMBRE Tous droits réservés Tel.: 327-1260 Estimation gratuite _ Tous transports. Central Cleanse Prix raisonnables. Gérant : Carl Nettoie cours, sous-sols, - garages, etc. [La Caisse Populaire St.Sacrement Venez emprunter & la Caisse pour consolider vos dettes -Devenez mempre — et ouvres un compte Pour toutes informations communiquez avec LA OAISSE POPULAIRE ST-SACREMENT Téléphone 874-9622 100 - 1Giéme avenue ouest. Vancouver 9, 0.-B. IV, LE SOLEIL, ler CCTOBRE 1971