Boi Satay AE eG 6, Le Soleil de Colombie, 23 Juillet 1976 Alimentation mondiale Dependance croissante a |’egard de |'Amerique du Nord «so par Lester R. Brown En s'engageant dans le dernier quart du XXé siécle, |'économie alimentaire mondiale semble se transformer de fagon radicale. Deux changements sont: parti- culierement remarquables. . D’abord, la reserve confortable de surplus et la capacité de pro- duction excédentaire que la géneération précédente a con- nues sont maintenant peut-étre choses du passe. En second lieu, le monde dépend de plus en plus de !’'Amérique du Nord pour son approvisionnement alimentaire. Ces deux facteurs conjugués assignent un nou- veau role et une nouvelle res- ponsabilité a |’Amérique du Nord. : ll n'y a pas si longtemps, non seulement pouvait-on se fier a des surplus et a une capacité de production exceédentaire, il semblait méme que cette situa- tion dit se prolonger. En I'es- pace de quelques années seu- lement, tout cela a change. Aujourd’ hui, le monde entier vit au jour le jour, d’une réecolte a l'autre. L'insécurité mondiale en matiére d'alimentation est plus importante aujourd'hui qu’a tout autre moment depuis ia Seconde Guerre mondiale, ce qui fait que les conditions atmosphériques dans les princi- paux pays producteurs d’ali- ments sont devenues une préoccupation économique et politique importante et univer- selle. L’ampleur de la pénurie alimen- taire sans cesse croissante a travers le monde peut se mesu- rer par les exportations de céréales de |’Amérique du Nord qui ont.doublé au cours des années 70, passant de 48 mil- lions de tonnes pendant l'année financiére 1970 a prés de 100 millions de tonnes pour Il’année financiere en cours. La plupart des 115 pays pour lesquels des statistiques sont disponibles importent maintenant des céréales. Les pays qui demeu- rent des exportateurs impor- tants ne sont plus qu'une poi- gnée. Deux d’entre eux se déta- chent encore. les Etats-Unis et le Canada qui, au cours de |'an- née financiére 1975, exporte- ront ensemble suffisamment de céréales pour nourrir 600 mil- lions de gens en Inde. Déticits croissants Les raisons de cette dépen- dance croissante a |’égard de ‘Amérique du Nord sont multi- ples. Elles comprennent la dété- rioration ecologique des systé- mes alimentaires en raison de pressions démographiques de plus en plus fortes, la mauvaise gestion.de |’agriculture, des besoins accrus par l’explosion démographique et méme une augmentation substantielle de la demande due a un afflux sou- dain de richesses comme dans le cas des pays de l'OPEP. Les déficits croissants sont attribua- bles a diverses causes et une teurs en est souvent responsa- ble. Mais les résultats’ sont les mémes: la production alimen- taire de |'Amérique du Nord est de plus en plus convoitée. A cause de ces tendances, |'Amérique du Nord deétient presque le monopole des expor- tations de céreales, une situa- tion sans précédent. Dans un monde ou la nourriture se fait de plus en plus rare, ot bientdt il n'y en aura peut-étre plus assez pour tous, |’Amérique du Nord doit décider du mode et des conditions de répartition de la nourriture. Les gouverne- ments des Etats-Unis et du Canada ne se sont pas investis déliberément de cette respon- sabilité, pas plus que ies pays du Moyen-Orient n'ont planifié leur situation geéographique sur les gisements de pétrole les plus riches du monde, mais la réalité est la et nous devons |’accepter. Ces derniéres années, la pénu-’ rie de vivres a contribue a haus- ser le taux d'inflation globale a plus de 10 p. 100 et a créer, au chapitre de l'alimentation, des problemes sérieux aux gens a faible revenu de tous les pays. Dans certains pays pauvres, les pénuries ont fait grimper le taux de mortalité, inversant les ten- dances de l’aprés-guerre. Les dirigeants des pays, riches ou pauvres, souffrant d’un déficit alimentaire s'inquiétent de leurs approvisionnements futurs. Les changements profonds appor- tés a l'économie de |'alimenta- tion mondiale ont remis en question les hypothéses fonda- mentales qui sous-tendent nos politiques en ce domaine, nous obligeant a repenser notre fagon de considérer nos res- sources alimentaires face au reste du monde. Terres arables non cultivées Pendant presque toute la période qui a Suivi la Seconde Guerre mondiale, le monde a compté sur deux réserves ali- mentaires principales: les stocks de céréales des princi- Paux pays exportateurs et les terres arables laissées en jachére par les programmes agricoles des Etats-Unis. Au cours des années 60 et au début des années 70, sur un total de 350 millions d’acres de terres arables aux Etats-Unis, quelque 50 millions d’acres étaient retirés de la culture afin de soutenir les prix. Les stocks de céréales des pays exporta- teurs étaient rapidement dispo- nibles au besoin. Les terres ara- bles non cultivées en vertu de programmes agricoles aux Etats-Unis pouvaient produire de nouveau dans un délai d'un an. Les stocks céréaliers et les reserves de terres arables garantissaient la sécurité ali- mentaire de Il’humanité et la mettaient a l’abri des pires desastres imaginables. _...Méme au début de 1972, il sem-. ¥ blait encore probable que les stocks d’excédents et les terres laissées en jacheére par les pro- grammes agricoles détermine- raient l'avenir prévisible. Puis, soudainement, les choses se . sont mises a changer. La demande globale de vivres, gonflée par |’accrcissement constant de la population et par l'augmentation de l|''‘af- fluence’, acommencé a devan- cer la capacité productive des cultivateurs et des pécheurs du monde. Les prises mondiales de poissons, qui avaient triple entre 1950 et 1970, atteignant un nouveau sommet presque tous les ans, ont diminué pen- dant trois années consécutives. La plupart, puis l'ensemble, des terres arables en jachere aux Etats-Unis ont été réaffectées a la culture a compter de 1973, mais cela n'a pas suffi a recons- -tituer les réserves alimentaires. En 1961, les stocks de céréales des pays exportateurs et le potentiel des terres arables non ~cultivees aux Etats-Unis repré-- sentaient 105 jours de consom- mation de céréales a |’échelle mondiale. En 1972, les réserves représentaient encore 69 jours de consommation mondiale. Puis, elles se sont brusquement mises a diminuer, ne suffisant plus qu’a 55 jours de consom- mation en 1973 et a 33 jours en 1974. Les stocks d’excé- dents de 1975 demeurent tres bas et tout espoir de les rame- ner a un niveau de sécurite a disparu par suite de la médiocre récolte de 1975 en Russie. Les prévisions actuelles du Dépar- tement de |'Agriculture des Etats-Unis quant aux stocks d'excédents de 1976, qui sont déja détermines dans une large mesure par la récolte de 1975, indiquent un niveau encore plus bas que celui de 1975 (Voir tableau 1) Dépendance a l’égard de l’Amérique du Nord Un troisiéme facteur contribue a l’insécurité et a |'instabilité mondiales au chapitre de |’ali- mentation au milieu des années soixante-dix. Il s’agit de la dépendance quasi totale de l'ensemble de I’humanité a l'égard d'une seule région, |’Amérique du Nord, en ce qui concerne les exportations de vivres. Les deux pays de la région, les Etats-Unis et le Canada, connaissent les mémes cycles climatiques et une piétre récolte chez l'un n’est que trop souvent accom- pagnée d'une récolte semblable chez |’autre. Un quatrieme facteur d’instabi- lité est la décision des dirigeants russes de compenser les mau- vaises récoltes par des importa- tions. Cette décision désequili- bre d'autant plus |’économie ali- Tableau 1 Coefficient de sécurité des réserves alimentaires mondiales, 1961-1976 Equivalent- céréales du Réserves potentiel des de céréales terres arables exprimées Réserves de noncultivées Réserves en jours de Année _ céréales! aux E.-U. totales | consommation (Millions de tonnes métriques) 68 1961 163 231 105 1962 176 81 257 105 1963 149 70 219 95 1964 - 153 70 223 87 1965 147 71 218 91 1966 151 78 229 84 1967 115 51 166 59 1968 144 61 205 71 1969 159 73 232° 85 1970 188 71 259 89 1971 168 41 209 71 1972 130 78 208 69 1973, 148 24 172° 55 1974 108 0 108 33 1975 111 0 114 35 19762 100 0 100 31 Source: statistiques du Département de |’Agriculture des Etats-Unis et estimations de |’auteur. 1 D’aprés les stocks d’excédents de céréales enregistrés dans chaque Bays au début de la campagne agricole pour l'année indi- quée. Le récemment de tenir compte partement de |’Agriculture des Etats-Unis a décidé la fois des pays importateurs et des pays exportateurs pour évaluer les stocks d’excédents; c'est pourquoi les niveaux des réserves sont légérement plus élevés que ceux déja publiés. 2 Estimations préliminaires du Département de |’Agriculture des Etats-Unis. Sten aner mentaire internationale que les déficits des récoltes de céréales qu'a connus la Russie au cours des derniéres années ont sur- passé |’excédent annuel normal des récoltes mondiales. Bien que réversible, cette politique, qui aurait été adoptée au début de l'année 1972, ne sera certes pas abandonnée facilement. Grace a elle, les troupeaux de’ petit et de gros bétail se sont élargis réguligrement au cours des années 70 en Russie. Les attentes et les appétits des con- sommateurs russes en ont fait autant. Ainsi, quatre principaux fac- teurs contribuent a |'instabilite de l'économie alimentaire mon- diale aujourd'hui: la baisse des reserves de céréales; la dispari- tion des terres arables non culti- vées aux Etats-Unis; la dépen- dance dangereuse de |’huma- nité entiére a |’égard des sur- plus de vivres d'une seule région géographique et climati- que; et la décision des autorites soviétiques de compenser les déficits par des importations pluto6t que par des mesures d’austérité. Tous ces facteurs sauf un, la dépendance tres forte a l'égard de |’Amérique du Nord, sont d'origine récente. Les conséquences néfastes de cette instabilité se répercutent dans plusieurs secteurs, notam- ment les secteurs économique, politique et social. Le consom- mateur, particulierement le plus pauvre, est de toute évidence ~ durement touche. La plupart des familles trouvent difficile d’adapter leur budget aux fluc- aliments. Celles-ci, compliquent la tache du pro- ducteur quant a la quantité a semer et aux investissements dans les facteurs de production. Les producteurs laitiers et les éleveurs de bovins a traverse monde se sont trouvés coincés entre le prix de vente du lait ou du boeuf et le prix de revient des céréales. Le résultat était facile a prédire. Des milliers ont dda abandonner leur entreprise, ce qui a amené un approvision- nement irrégulier du marché du tuations importantes du prix des _ par nee — 58m phe aa yn co a atesaileaititaaeka we a3 opt SERIES, Ray BF ee Raabe i. w.. lait et de la viande etle mécon- tentement des consommateurs. Les gouvernements n'ont pas moins de difficultés a s'adapter aux fluctuations considérables du prix des denrées. Les mar- chés instables font des ravages dans les réserves de devises, surtout dans les pays en déve- loppement qui sont largement tributaires des denrées impor- tées, et entravent les efforts des gouvernements dans la lutte a inflation. En effet, la montée en fléche du prix des aliments est une cause directe du taux d'inflation a deux chiffres sans précédent qu’a connu le monde au début des années 70. Grenier de /’univers Ce n'est que depuis la Seconde Guerre mondiale que |'’Ameéri- que du Nort est devenue le gre- nier de |’univers. On compren- dra plus facilement son acces- sion a ce titre en examinant les transferts nets de céréales entre ~ les diverses régions géographi- ques. Le volume global des céréales consommeées est un indicateur utile des tendances alimentaires, les céréales four- nissant a I'homme plus de la moitié des calories dont il a besoin en consommation directe, et une bonne portion du reste en consommation indi- recte. Du point de vue de la pro- duction, leur culture occupe t e. __Moir p. 16: COOPERATION 3 oo Beet nm eo ony (ee mth: ry PMOL IE HH iM