Le Moustique Volume6 - 6eédition ISSN 1704-9970 Juin 2003 We Vlaathamlk Ici, on loge a pied a cheval et recevait une maigre pension qui n’était méme pas ; ; suffisante pour la faire vivre n’eut été les lapins en voiture. Robert Momer qu’elles élevaient, le lait de sa chévre qu’elle faisait brouter le long des haies, et surtout, ce On était a la fin des années 20. A cette qu’elle récupérait dans les champs du voisinage. époque, nous habitions un minuscule village qui Un réglement municipal stipulait, a cette époque, s'appelait Combault, situé a quelques trente que le glanage était autorisé dés que la récolte de kilometres a l’est de Paris. Pourquoi mes parents céréales était engrangée. II fallait attendre la avaient-ils choisi de s’y fixer? « Question de santé, Toussaint pour prospecter les champs de pommes m’avait expliqué mon pére qui avait été gazé pendant de terre, de haricots ou de betteraves pour la Grande Guerre. Mon médecin m’a recommandé la découvrir ce qui avait été oublié ou était tombé campagne. L’air pur aidera a ma guérison. » d’un tombereau, pendant le transport. Madame C’est a Combault, a I’age de six ans, que Maury s'arrangeait pour survivre... jentrai a l’école pour la premiére fois. Ecole est un bien grand mot, car les maigres ressources du ministére de I’Education n’avaient permis que d’acheter une vieille grange qui avait été convertie en salle de classe. J’étais en premiére division, celle des « petits mémes » que les plus grands tarabustaient, trop souvent, de cruelle fagon. Aussi, au sortir de école, pour échapper a mes bourreaux, je prenais toujours un chemin détourné pour retourner a la maison. C’est ainsi que je fis la connaissance de madame Maury. A la saison de la chasse, de novembre a la fin février, Combault s’animait, car toute la région, fortement agricole, était envahie par les lapins de garennes dont les fermiers étaient plus qu’heureux de se débarrasser. De Paris, arrivaient par train ou a bicyclette, des chasseurs qui descendaient a l’unique auberge du village. La saison de la chasse terminée, le client redevenait rare sauf les jours de paie, quand les ouvriers agricoles venaient vider une bouteille et jouer au cartes. « Heureusement qu'il y a la grande salle, avait confié 4 mon pére monsieur Maurice, le propriétaire. Je la loue pour les mariages, les baptémes et autres occasions“ Du temps de mon grand-pére, c’était tout autre chose! La maison ne Trés souvent, je l’avais croisée mais ne lui avais jamais adressé la parole. Peut-étre en avais-je un peu peur! Un jour qu’il pleuvait, intrigué, l'ayant apergue non loin de l’école, je me suis approché d’elle. Dans une main, elle tenait un bas noir et dans désemplissait pas, car la diligence Paris-Belfort l'autre, un baton avec lequel elle écartait les orties qui arrétait deux fois par semaine pour prendre des poussaient le long des murs des maisons du village. : | passagers. Les cuisines et les écuries « Que cherchez-vous, madame? lui ai-je demandé. bourdonnaient d’activités. » Bien qu’un siécle se Avez-vous perdu quelque chose? » La vieille dame, soit écoulé depuis, on pouvait encore lire sur qui ne m’avait pas entendu venir, se retourna et me fit immense enseigne de cuivre qui se balangait au un grand sourire : « Je cherche des escargots, vent : Auberge du Lion d’Or. Ici, on loge a pied, a m’expliqua-t-elle. Quand il pleut, ils sortent. Veux-tu cheval et en voiture. maider? » Nous avons quitté Combault avant que ne débute la Seconde Guerre et je n’y suis jamais retourné. Je n’ai jamais su ce qu'il était advenu de madame Maury ni de monsieur Maurice. Peut-étre que la vieille dame, fatiguée de la vie, a-t-elle décidé, un jour, d’aller jusqu’a l'auberge et a rencontré, chemin faisant, la diligence qui l’a emportée... dans le temps. Depuis ce jour, nous devinmes amis. Du plus loin que je l’apercevais, je courais a sa rencontre, car j étais curieux de voir sa trouvaille du jour. Madame Maury vivait seule, dans une chaumiére batie au milieu de nulle part, en bordure d’un chemin tout juste empierré. La guerre lui avait ravi son homme, Alfred, qui était parti au Tonkin en 1884, et n’était pas revenu. Comme elle me l’expliqua plus tard, quand je fus en age de comprendre les choses de la vie, elle Robert Momer