Le Moustigque / .,. Pacifigue Soe décor digne de lui. Dés son arrivée, il veut s’installer a la Louve ou a la Maison des Brasseurs. Comme il ne trouve rien a louer, il se résigne a se loger au n° 27 chez un marchant de tabac, ce qui conduit son fils Charles a écrire non sans une nuance de dépit : « Un débit de tabac ! Pourquoi pas ? Quand on ne peut avoir la maison de Rubens, il faut bien se contenter du logis de Callot. » Le poéte y occupait au premier « une chambre de moyenne gran- deur, trés haute de plafond et d’une simplicité spartiate, meublée d'un divan de crin noir qui se transformait en lit, d'une table ronde suffisante a la fois pour le travail et pour les repas et d’un vieux miroir surmontant une cheminée ot s‘enfoncait le tuyau d’un petit poéle. C’était tout juste le nécessaire, mais I’ceil allait droit a la haute fenétre ouverte sur I’Hétel de Ville, et alors ce logis s’éclai- rait de poésie, d’art et d’histoire ». « C’était comme une fascination inexprimable. Peu a peu, en effet, la contemplation devenait profonde, émouvante, presque poi- gnante. Les merveilleuses maisons groupées autour du grand édi- fice, prenait leur place dans le tableau et le spectateur sentait vi- vre dans son esprit toute une vision. Des souvenirs tragiques sur- gissaient : l'6chafaud drapé de noir des comtes d’Egmont et de Horne écartait les pavés et se dressait lentement ; la figure pale de Philippe II s’‘Accoudait devant un autodafé a la fenétre étroite qui surmonte le portail ; ou bien la place et les rues qui l’environ- nent se faisaient tout 4 coup désertes ; on entendait des fusillades et l'on voyait passer, sur les longues lances des lansquenets du duc d’Albe, l’éclair des guerres civiles ; puis les années fuyaient avec l’emportement des nuages et tout a coup les bombes des armées de Louis XVI éclataient sur la ville, et les lueurs d’incendie rougissaient le petit saint Michel de cuivre doré qui sert de gi- rouette a l'Hétel de Ville et qui, depuis cing cents ans, tourne dans le ciel au vent des siécles. « Le logis du poéte proscrit était bien pauvre ; mais quel luxe que cette fenétre ? Sa chambre avait une exposition superbe sur l’art, la civilisation et l'histoire. » A suivre 14