4 __ Le Soleil de Colombie, vendredi 23 novembre 1979 _ Economie axée sur l'homme: la coopération par Roméo PAQUETTE, Conseil de la Coopération de la Colombie britannique. ARTICLE N°. 18 Le chat etlasouris Le systéme coopératif est constamment en butte avec la faiblesse humaine devant les attraits de la société de © consommation. C'est le jeu du chat et dela souris. D’une part, la souris, ou l'individu, veut se proté- ger contre |’exploitation, contre les forces du marché, contre la falsification des marchandises, contre la pu- blicité abusive, contre les effets nocifs de tous les pro- duits chimiques qui saturent aliments, environnement, etc., en un mot, contre le chat qui guette; ou l’oppor- tunisme d’un systéme en quéte de profits et de pou- voirs toujours grandissants. © D’autre part, le fromage sent bon, est attrayant pour la souris, et celle-ci, lais- sant de cété toute prudence, s’élance sur la route méme du chat quii ne perd pas de temps a la bouffer. Et il en est ainsi de l’indi- vidu face a la société de consommation. Le Coopératisme s’est ré- vélé étre LE moyen de civi- liser le SYSTEME en place — qu'il soit capitaliste ou socialiste, communiste ou marxiste. Le propre des grands systémes c’est de réduire l’individu a ]’impuis- sance en l’isolant dans la masse, La formule coopéra- tive, elle, permet a l’individu de se donner un pouvoir collectif sans perdre le contréle de ses sources et de ses objectifs. Toutefois, le jeu du chat et de la souris est toujours en évidence. Nous le voyons clairement dans la trame qui afflige présentement 1’éco- nomie: c’est-a-dire la guerre que se livrent les puissances monétaires par le truche- ment des taux d’intérét ma- nipulés. Lorsque les banques amé- ricaines ajoutent un autre pourcentage d’intérét sur leurs taux, la Banque du Canada répond, le lende- main, par un geste sembla- ble. Les grandes banques a charte suivent immédiate- ment par l’annonce d’une nouvelle hausse. La Caisse Populaire, elle, est forcée de s’ajuster de nouveau. Pourquoi doit-elle s’ajus- ter? C’est simple, c’est que ses propres membres sont d’abord les souris du sys- téme, attirés par la pers- pective d’intéréts plus éle- vés pour leurs épargnes, ils peuvent retirer leurs dépdts pour les placer la ot le revenu apparait le plus éle- vé. Donc la lutte qui se livre continuellement est celle de la souris qui oublie tempo- rairement sa dignité de sou- ris, la perspective d’un ave- nir heureux dans les cloi- sons inaccessibles au chat, pour l’attrait d’un fromage succulent. Le coopératisme, c’est une vertu. C’est un état d’esprit qui doit étre constamment a lentrainement. C’est come la forme phy- sique de l’athléte. Le talent et le potentiel n’étaient pas si évidents au départ, mais la détermination de réussir et la persévérance dans la poursuite fidéle d’un pro- gramme d’exercices, l’esprit de sacrifice nécessaire dans le boire et le manger, dans les habitudes de vie; une bonne direction et une cons- cience active du but poursui- vi ont fait qu’un individu bien ordinaire d’apparence atteint les plus grands som- mets de la performance. La société de consomma- tion n’en demande pas au- tant. Tout ce qu’elle vous dit, c’est de suivre vos instincts. Si cela vous plait de vous gaver de tous les amuse- gueule qui sont annoncés, tant mieux; le commerce s’en portera mieux. Votre santé en sera peut- _6tre affectée... tant mieux encore, vous aurez recours aux produits pharmaceuti- ques qui sont anhloncés pour soulager les maux d’esto- mac, les maux de téte, l’obé- sité, etc., et un autre com- merce s’en portera mieux. La nouvelle entente Québec-Canada LE LIVRE BLANC [SUITE] Les francophones mincritai- res L’avénement du régime fédéral canadien consacre donc, en méme temps qu'il la favorise, I’hégémonie d’un Canada devenu anglais. Il est assez normal que, dans: un tel régime, les intéréts et les aspirations des Québé- cois et des francophones des autres provinces soient relé- gués au second plan. En 1885, par exemple, le Québec tout entier prend fait et cause pour Louis Riel, qui lutte pour la survie des communautés francophones de l'Ouest; le gouvernement fédéral le combat, au contraire, et Louis Riel meurt sur |’échafaud. Au moment de sa fonda- tion, la province du Manitoba est, par une faible majorité, francophone, et la constitution de 1870 y garan- tit les droits du francais. Or, dans les années 1890, le gou- vernement manitobain. abo- lit les écoles francaises et - bannit l’usage du frangais tant ala Chambre que dans les documents de la législa- ture. Au tournant du siécle, le gouvernement fédéral ne fait rien pour améliorer la situation économique lamen- table de centaines de mil- liers de Québécois, a l’étroit sur leurs terres ou incapa- bles de trouver du travail dans les villes, non plus que pour arréter leur migration définitive vers les Etats de la Nouvelle-Angleterre, ot ils sont destinés a l’assimi- lation. Il se consacre plutét a la mise en oeuvre de sa “na- _ tional policy”, (1) qui dote - {Ontario d’une solide infra- structure industrielle dont elle profitera beaucoup par la suite. Pendant les années 1900 a_ 1920, toutes les minorités francophones — hors-Québec doivent lutter contre leurs gouvernements provinciaux, qui restreignent — l'Ontario allant jusqu’a l’abolir — Yusage du frangais a I’école et rendent trés difficille, sinon impossible, |’établisse- ment d’écoles frangaises. En 1914, malgré l'opposi- tion ferme et quasi una- nime du Québec, le Canada entre en guerre. Quand, de surcroit, Ottawa décréte la conscription, il provoque une levée de boucliers au Qué- _bee: la foule descend dans la rue et les conscrits se ca- chent; les manifestations sont durement réprimées, et les conscrits pourchassés. Par le statut de West- minster, adopté en 1931, le Canada achéve de s’affran- chir de la tutelle britanni- que; mais le Québec reste dans le méme état de subor- dination par rapport a Otta- wa, et le Conseil privé de Londres est remplacé, com- me arbitre de la fédéra- tion, par la Cour supréme, dont les membres sont tous nommés par le gouverne- ment fédéral. -Lors de la Deuxiéme™ Guerre mondiale, de nou- veau le Québec s’oppose a la conscription; Ottawa soumet la question a un référendum général: les anglophones donnent un oui massif, les francophones un non catégo- rigue; la conscription est décrétée. Bien que, par certaines lois fédérales, on ait tenté sur le tard de susciter le bilinguisme dans les institu- tions centrales, ces exem- ples montrent que les fran- cophones ne furent jamais considérés, au Canada, com- me formant une société, avec une histoire, une cultu- re, et des aspirations pro- pres. Ils constituaient tout au: plus une importante minori- té linguistique, sans droits collectifs ni pouvoirs parti- culiers, et nécessairement appelée, comme on 1’a cru longtemps au Canada an- glais, 4 se fondre dans l'ensemble canadien. Pourtant, 4 l'occasion de la Seconde Guerre mondiale,— et a cause d’elle,— le Québec est entré de plain-pied dans l’ére industrielle, laquelle provoqua, au sein de la popu- lation en général, un bras- sage idéologique sans pré- cédent: les vieilles concep. tions, sociologiques, intellec- tuelles, morales, politiques, furent remises en question; découvrant peu a peu ses besoins et ses ressources, et aspirant a se moderniser, le Québec prit un nouvei élan,— que le régime fédéral centralisateur de 1867 cher- che systématiquement a contenir. Chapitre deux ae L’expérience du fédéralisme Aucun régime politique n’a une valeur absolue, et le fédéralisme, par exemple, n’est en soi ni bon, ni mauvais. Aussi n’est-ce point par des arguments théoriques qu’on peut justi- fier ou condamner un régime politique, mais bien en exa- minant la facon dont ik est appliqué et ses effets 4 long terme, au regard’ d’une po- pulation donnée. Par rapport aux anglo- phones, le fédéralisme cana- ‘dien peut étre jugé favora-. blement, et-4 bon droit, s'il répond aux aspirations et sert les intéréts de ce grou- pe; mais un autre groupe, - les francophones, en l’occu- rence, - peut avec non moins de raison juger défavorable- ment ce méme régime politi- que, s'il ne correspond pas a ses aspirations et-ne sert pas ses intéréts. <<) Car le fédéralisme n’en- gendre pas nécessairement la pauvreté et la domination politique; .il ne garantit pas forcément, non plus, les libertés individuelles et des niveaux de vie élevés. En ce sens, il ne serait pas moins ~abusif d’y voir la formule idéale de l'avenir que de voir dans |’Etat unitaire une for- mule désuéte. Le fédéralis- me, en effet, se retrouve aussi bien dans des pays riches que dans des pays pauvres, dans des régimes démocratiques que dans des régimes dictatoriaux. En un domaine ot tout est relatif, la prudence et le discernement s’imposent donc. : Au Canada, en ces dernié- _ res années, le fédéralisme a _ été, en. maints milieux, l’ob- jet- de vives. critiques. L’on - ne saurait, ici, reprendre ces critiques une a une, analyser a travers elles la perception qu’ont les citoyens de la réalité canadienne, ni éva- luer les critéres sur lesquels ils fondent leur jugement. Il importe, plitot, pour facili- ter la réflexion en profon- deur 4 laquelle la population est conviée d'ici le référen- dum, de faire le partage entre l’essentiel et 1’acces- soire, et, pour cela, d’étudier Yexpérience du fédérulisme Ce n’est done pas une invitation a la vertu, a la santé physique ou morale, que lance la société capita- liste. Au contraire, cette socié- té est d’autant plus dyna- mique et forte que les sujets sont faibles, ambitieux, en- vieux, 4pres a posséder au- tant sinon plus que le voisin. Il en découle que les coopé- coopératives sont dynami- ques et conformes 4 leur philosophie de base lorsque le “systéme” est mal en point et que les signes de danger sont évidents. Ainsi, le domaine du loge- ment coopératif qui avait souffert depuis quelques an- nées de l’ambition de chacun .de posséder sa propre mai- son, de pouvoir spéculer sur la possibilité de vendre a. profit, se reléve maintenant et s’avére la seule solution pour ceux qui ont a faire face aux taux exorbitants d’inté- réts hypothécaires. : Réalise-t-on que le pro- gramme d’assistance au lo- gement sans but lucratif, de la Société Centrale d’Hy- pothéques et de Logements, permet des économies équi- valentes, 4 la longue, a tout profit que pourrait espérer telle que l’a vécue le Québec, et du point de vue des Québécois. L’autonomie provinciale et le fédéralisme Pour dégager !’essentiel, il~ faut revenir au point de départ de la Confédération, dans les années 1860, et aux motifs pour lesquels on a finalement opté, au Canada, pour un régime fédéral plu- t6t que pour le régime unitaire que d’aucuns propo- saient. Car, si des causes a la fois économiques, financié- res et militaires expliquent le regroupement des colo- nies britanniques en 1867, elles n’expliquent pas le caractére fédéral de ce re- groupement. C’est la volonté bien arré- tée des Québécois de ne pas revivre un nouveau régime un acheteur de maison? Mais, dans l’optique véhi- culée par les promoteurs du marché, ces économies ne sont pas apparentes puis- qu’elles sont tout simple- ment utilisées pour d’autres dépenses. Trés peu de personnes réalisent, par exemple, que la proportion du revenu familial affectée aux ali- ments, au Canada, est l'une des plus faibles du monde entier? Pourtant, l’on n’en- tend jamais dire a un consommateur que les ali- ments sont 4 bon marché. C’est tout simplement que la proportion du revenu affectée a l’automobile, aux sorties, aux appareils ména- gers et au logement est tellement élevée qu’il reste peu pour la nourriture qui doit étre payée comptant. Le jeu du chat et de la souris symbolise cette contradiction _ perpétuelle qui existe entre une concep- tion rationnelle des libertés personnelles et une notion confuse de l’individualité qui se traduit en une situation de dépendance totale face aux caprices du systéme dans lequel ont vit. (a suivre) d’Union et d’obtenir la mai- _trise de leurs propres insti- tutions, par le moyen d’un gouvernement bien a eux, . qui explique surtout le ca- _ractére fédéral de la consti- tution de 1867. John A. Macdonald, qui avait bien percu ce désir d’autonomie des Québécois, a plusieurs fois déclaré que jamais ces derniers n’auraient accepté un régime unitaire. (A suivre) (1) “National policy”: célébre politique économique, mise en oeuvre en 1879 par it fédéral, portant le gouver essentiellement une politique douaniére ‘ protectionniste et créant un réseau de transport Est-Ouest. Cette politique eut pour effet de déplacer progressi- vement l'industrie vers le centre du Canada et de favoriser !’Ontario. i 4 ; : i Membre et Directeur de Chorale ne manquez pas votre chance! Concours radiophonique national 1980 des chorales d’amateurs Téléphonez dés maintenant a Radio-Canada pour obtenir un exemplaire des réglements 665-8039 Radio- Canada