12 - Le Soleil’ de Colombie, vendredi 10 novembre 1989 LA VIE QUOTIDIENNE A cen sant ante rcnrtemnmnetrereenntnttnentine ttn e TL La grande aventure du miel Par Claudine Lavallée Vieux comme le monde et symbole de toutes les félicités, le miel est considéré par nos ancétres comme un don des Dieux. Au cours des siécles, il fait partie de la terre promise, du salut éternel et de toutes les douceurs. Moise promet aux Hébreux une terre fertile ou abondent le miel et le lait. Mahomet prédit aux fidéles d’Allah, une place au grand jardin d’Eden ot coulent des. riviéres de miel. Pourles Egyptiens, le miel est sacré puisqu'il émane des larmes de Ra, le soleil. Il est donc nourriture des Dieux et des Rois et naturellement interdit au commun des mortels. Chez les Grecs, il ruisselle sur les autels et on en met dans la. bouche des nouveaux-nés pour leur faciliter l’entrée dans la vie. Iln’est plus comme en Egypte le privilége des rois mais il est un’ produit de luxe réservé aux nobles praticiens. Avec le temps cependant, il devient plus accessible et fait alors partie du mélange sucré-salé qui est la base de la cuisine grecque de |’époque. Les marinades dans __ lesquelles macérent, viandes, poissons et volailles ne sont point, comme on le croit, |l’invention des cuisiniers modernes mais bien la trouvaille de ceux de la Gréce antique. A |’époque, les Grecs man- geaient pour le dessert des «Libas», sortes de galettes a base de miel et farine (peut étre les ancétres lointains des «baclavas») qu’ils arrosaient de oe un vin miellé trés prisé ors. Cet engouement pour le miel va durer jusqu’au Xille siécle; en fait jusqu’a l’introduction de ja canne a sucre par les envahisseurs arabes. Mais le «Roseau sucré» de ces conqué- rants ne supplante point le miel car le sucre de canne quill fournit est codteux. Finalement en 1747, comme il est impossible de se procurer du sucre de canne a cause du blocus des Anglais, le sucre de betterave nouvellement décou- vert remplace le sucre de canne et supplante. le miel. Aujour- d’hui, aprés une absence notoire, le miel retrouve sa place dans les préparations culinaires. On ne lui reconnait peut é6tre plus les pouvoirs curatifs que nos grands-méres lui accordaient, mais nous savons que, comme tout autre aliment, il posséde des valeurs nutritives et que sa consomma- tion modérée est aussi bienfai- sante qu’agréable. De grandes voyageuses ‘D’abord il y a le nectar, ce liquide sucré enfoui au .plus profond des fleurs. Puisil y ales abeilles. Elles sont légions, qui besognent dans les jardins, les campagnes fleuries, les foréts, les montagnes et méme les bords de mer. Hautement spécialisées, ces légions buti- nent qui parmi les eucalyptus, les tilleuls et les orangers, qui sur l’aubépine, la bruyére et le romarin et qui, ici au Canada sur le sapin, le tréfle et le colza. Pour remplir leur jabot, sorte de petit sac minuscule, ces butineuses infatigables doivent visiter des centaines de fleurs. Véritable travail de titan lorsqu’on sait qu’il leur faut faire une fois et demi le tour de la terre afin de récolter le nectar nécessaire a la fabrication de 500 g de miel. Attention, ces travailleuses méthodiques ne «mélangent pas les pinceaux». Il n’est pas question de brouiller les parfums en butinant au hasard mais bien de récolter le nectar d’une variété de fleur qui ne voisine pas avec celui d’une fleur d’une autre espéce. Un petit monde trés organisé Larucheest une véritable cité. Elle & son gouvernement, ses travailleuses et sa production. Bien sar, il y ala reine, mére dominatrice trés entourée, de 50 000 sujets-enfants, totale- ment dévoués a la bonne ‘marche de la collectivité. Pour les abeilles, laliberté d’entrepri- se n'existe pas. Divisées en groupes, les taches leurs sont simplement assignées. Dans le monde industrieux de la ruche, chaque sujet de sa majesté sait ce qu’il doit faire; travail et effort sont a l’ordre du jour. Ainsi, il y a les gardiennes vigilantes et héroiques qui n’hésitent pas a mourir pour chasser|’intrus, les batisseuses ou ciriéres, celles qui préparent les chambres ou les alvéoles pour la ponte royale, les nourrices empressées comme de vieilles «nounous», les ventilleuses aux ailes infatiga- bles, grandes régulatrices de la température. Ce -petit monde laborieux ne connaitra rien dela splendeur des jardins. Seules les butineuses plongeant inlas- sablement dans l’azur a la recherche des nectars les plus parfumés connaitront |’ame des fleurs. Trente fois par jour. elles raméneront a la ruche le précieux liquide, fruit de leur labeur qui s’écoulera dans les alvéoles de cire ot il subira la transformation qui le fera marir et devenir miel. Ce merveilleux miei! Les abeilles butineuses com-. mencent pendant leur périple, le travail de digestion nécessaire a |’élaboration du miel. Le nectar, une fois digéré est régurgité dans les alvéoles ot il va marir et se transformer en un produit, dont la composition est riche et complexe. En moyenne le miel comprend de 18 a 20% d’eau, 78% de sucres directement assimila- bles dans le sang: glucose, fructose, lévulose et maltose, alors que par opposition, le sucre blanc ordinaire n’en contient qu’un, le saccharose a combustion rapide. Le miel contient des acides organiques, sels minéraux (potassium, soufre, calcium et sodium), quelques vitamines et enzymes en petites quantités, (5% environ). Cette composante varie d’un miel a l’autre en fonction des fleurs butinées dont les composants donnent aux miels saveurs et parfums différents. Ce qu’il faut savoir sur le miel ~ llexisteautant de miels que de plantes melliféres: Toutes ces plantes différencient les miels dans le godt, le parfum, la couleur et l’aspect. - Au départ, tous les miels sont liquides. Le miel se cristallise lorsqu’il est exposé a une température ambiante plus basse que celle de la ruche. Certains contenant plus de glucose sont sujets a une cristallisation rapide, comme le miel de Colza. Par contre, le miel d’acacia, riche en lévulose, reste liquide. Liquide ou solide, cela n’a donc rien a voir avec la qualité ou |l’age du produit comme on se Vimagine trop souvent. On peut donc, al’exception-du miel d’acacia, cristalliser un miel en le mettant au réfrigérateur ou le liquéfier en le plagant dans de l’eau a peine tiéde sans en altérer la qualité. . Les grands «Crus» et les miels «toutes fleurs» Le miel se divise en deux catégories bien distinctes: les unifloraux qu'on appelle miels de «Cru» tels le miel d’acacia, lavande, tréfle, etc. et les miels polyfloraux ou «toutes fleurs». Il s'agit alors d’un mélange de nectars produisants de vérita- ‘bles cocktails de miels. Faire une liste des «grands crus» est une tache pratique- ment impossible. Mais voici quelques-uns des plus connus: Acacia: Toujours liquide et translucide, il est d’une jolie (ou : monifloraux) ~ couleur jaune dorée. Idéal pour les tisanes, il est difficile a manger en tartines parce que dégoulinant. Bruyére: Encore appelé «cal- lune», il posséde une saveur forte, un peu 4pre, de consistance granuleuse et d'une belle couleur. ambre foncée. Il exige un emploi bien dosé. Sapin: Originaire des monta- gnes, il posséde une saveur trés prononcée qui force a une consommation modérée. De couleur brun_ noir, il reste liquide longtemps. Tréfle: De couleur blanc ivoire, doux au godt et de consistance crémeuse, il est apprécié des enfants. Il se mélange trés bien au beurre pour les tartines. Colza: Blanc cireux, il est souvent mélangé au miel de tréfle car, A cause du nom de la plante, il hérite d'une mauvaise réputation. Ce qui est dommage car il est assez doux. Oranger: D’origine étrangére, souvent couteux, le miel d’oranger posséde une saveur trés fine et une pate onctueuse sans granulation. Il est d’une trés jolie couleur ambre clair. Romarin: || est introuvable sur nos marchés. Il a une saveur trés fruitée et aromatique et une belle couleur jaune pale. C’est le miel qui entre, a perfection, dans la préparation des plats sucrés-salés. goer = a Tilleul: Doux, son parfum évoque le parfum de la fleur. II est jaune pale a_ reflets verdatres, parfait pour les infusions. Viennent les miels d’aubépi-' nes, d’eucalyptus, de thym, de sainfoin, tous délicieusement parfumés. Mais il ne faut pas négliger pour autant les miels. «toutes leurs», les plus abondants, les moins couteux et chaque fois que l’apiculteur dose bien ses mélanges, délicieux. Une question d’achat et de conservation Attention aux étiquettes va-: gues qui ne veulent rien dire telles: miel de France, miel d'Espagne ou encore «miel, d’abeilles». Cependant, il n’est pas nécessaire d’acheter son miel au rayon des produits de luxe, il y en a d’excellents dans tous les supermarchés. L’idéal, c'est de pouvoir |’acheter directement chez |’apuculteur. Le contenant: plastique, carton, grés ou verre? C’est d’abord la qualité qui compte. Alors allez pour le verre quand vous le pouvez, qui vous donne l’avantage de voir le contenu du pot. Attention aux contenants Opaques qui peuvent cachés de mauvaises surprises; miel trop avancé ou divisé en couches ° liquide et solide. Le prix: Vérifiez la contenance et calculez en fonction du kg. Attention aux pots décoratifs qui codtent parfois aussi cher que le miel. Laconservation du miel est de durée limitée. Cependant, bien fermé, il peut é6tre conservé plusieurs mois mais jamais plus de deux ans. Le miel n’aime pas les températures dépassant 200, il faut donc le garder au frais (pas au froid) pas plus qu’il’ n’aime la clarté. L’idéal, un placard dans un coin frais de la cave ou de la maison. Une fois ouvert, un pot de miel doit étre consommé dans les semaines qui suivent sinon, il risque de: fermenter. (Prévoir des petits pots plut6t que des grands). Aliment miracle? Pas tout a fait. Source d’énergie? A coup str. Effets bienfaisants? Sdrement. _ Chéri par les athlétes pour sa valeur énergétique, le miel est repoussé par ceux qui veulent garder leur ligne car en terme de calories, il est «champion»: 300 calories par 100g, le double du sucre ordinaire. Mais le miel ases bienfaits, il est capable de transmettre. la vertu. des éléments puisés au coeur des plantes. Ne dit-on pas qu'il adoucit les maux de gorge, qu’il est légérement laxatif et que ‘suivant sa provenance, il a des ‘effets sédatifs (miel de tilleul), calmants (miel d’oranger) et diurétiques (miel de Bruyére). De méme, on reconnait au miel ‘de lavande, de thym et de sapin des propriétés antiseptiques qui soulagent les bronches. Enfin les miels de tréfle et de sainfoin sont des toniques pour le coeur. Naturellement, la Suite 13