A4 - Le Soleil, septembre 1994 Le Soleil, septembre 1994 - AS : ica ee La cadette des Sklodowski En 1867, la petite Marie voit le jour a Varsovie. C’est la cadette d’une famille de quatre enfants : Joseph, Hela, Bronya et Marie, sumommée Manya. Grace a des séances de lecture avec Bronya, Marie sait lire € quatre ans, mais ses parents ont tét fait de l’encourager a jouer a des jeux de son &ge. Dans la famille Sklodowski, tous les enfants sont particuligrement doués. Marie n’en demeure pas moins une jeune fillle simple, joyeuse, honnéte et sensible, qui adore la campagne. A cette époque, la Pologne n’existe plus, elle est sous le contrdéle de la Russie. Marie fait donc ses études en russe et parle parfaitement cette langue, sans toutefois l’aimer. Elle termine ses études secondaires en juin 1883. Marie aime la Pologne, son pays opprimé. Elle est patriote et, tout au long de sa vie, elle aidera son pays et ses compatriotes. Aprés ses études secondaires, avec sa soeur Bronya, elle est admise & «l'Université volante». (Les occupants russes ne voulant pas qu'l y ait d’université reconnue a Varsovie, les professeurs donnent leurs cours de fagon clandestine, et changent d’endroit souvent pour éviter d’étre découverts). A «l'Université volante», Marie prend des cours d'anatomie, d'histoire naturelle et de | sociologie. Ces cours sont donnés pardes professeurs bénévoles qui risquent, tout comme leurs étudiants, de se retrouver en prison s’ils se font prendre. A 17 ans, Marie devient elle-méme enseignante bénévole | auprés des ouvriéres ; elle leur donne des cours et, . petit a petit, leur monte une bibliothéque de livres — polonais. avoiro 4 — St hi iets os SS or, De Varsovie a ... Paris © gay Afin d'aider sa soeur Bronya a payer ses études de médecine a Paris, Marie devient gouvemante dans une famille. Elle exerce ce métier pendant quelques . années. C’est une période difficile pour Marie, qui sacrifie ses études au profit de celles de sa soeur, car elle aussi réve d’étudier en France. Toutefois, il est convenu que lorsque Bronya aura complété ses études, elle aidera Marie a entreprendre les siennes. Or, lorsque Bronya invite Marie a venir étudier a Paris, cette demiére refuse, car elle se sent obligée d’aider son autre soeur et son frére. De plus, elle a promis a son pére de rester auprés de lui. Elle restera un an encore en Pologne, et pendant cette période, elle fréquentera a nouveau «l'université volante». La premieére fois qu'elle entrera dans un laboratoire, ce sera un véritable coup de foudre. Dés lors, elle y passera ses journées, retournant le soir 4 la maison avec regret. Marie a 24 ans, elle a enfin trouvé sa voie. Arrive alors une autre invitation de Bronya, elle décide donc de partir pour Paris. Elle entreprend des études universitaires a la Faculté des Sciences de la Sorbonne, en mathématiques, en physique et en chimie. Eventuellement, Marie décide d’aller habiter prés de I'université, car chez Bronya et Casimir, son époux, elle a de la difficulté & se concentrer uniquement sur ses études. Dans son nouveau petit logis, elle méne une vie solitaire et simple, étudiant sans cesse. Marie se prive de tout (chauffage, éclairage, nourriture), carelle esttrés pauvre. II lui arrive souvent de souffrird’anémie, une diminution des globules | rouges dans le sang qui cause une faiblesse générale. En 1893, elle termine une maitrise en physique et, en 1894, une autre en > a mathématiques. Premiére de sa classe, elle obtient la bourse Alexandrovitch qui va l'aider a poursuivre ses études en France. KAR KS SI SO oe Pierre Curie: lly a trois amours dans la vie de Marie : la science, sa famille et son pays. Alors qu'elle est gouvemante, Marie rencontre une jeune homme qu'elle aime, mais a cette époque, les jeunes gens riches n’épousent pas les jeunes filles sans fortune. Iln’'y ><: a donc personne dans la vie de Marie Sklodowska... jusqu’a sa rencontre avec Pierre Curie. Pierre est un brillant physicien de 35 ans, peu connu en France, mais fort apprécié de ses collégues a I’étranger. II est fasciné par Marie, par son dévouement au travail et par son génie. Aprés un an de fréquentations et aprés de nombreuses hésitations, Marie décide enfin d’épouser Pierre. IIs se marient le 26 juillet 1895. Ce sera le début d'une longue et fructueuse collaboration, puisque dés lors, ils feront toutes leurs recherches ensemble. Mais leur travail ne se limite pas a leurs. recherches en commun. Pierre et Marie Curie doivent enseigner (lui a I’école de Physique et Marie a I'école Normale Supérieure pour filles) pour subvenir aux besoins de leur famille. Ils n'ont pas beaucoup de moyens et ménent une vie trés modeste. De leur union naitront deux filles : geve, la plus jeune, deviendra journaliste et Iréne, l'ainée, une éminente femme de sciences qui recevra, tout comme sa meére, ; le prix Nobel de chimie. he Sa HL Mee M Le domaine des sciences en est un de travail acharné et de découvertes parfois bouleversantes. Une femme s’est tout particuliérement illustrée pour radioactivité. Il s’agit de Marie Curie. SR ae hy es Ce His Se SE PS WES eae eas oe a ee Cy GO er gg Oe Cy es eer : Soe pe De Be 9S 37 DE BS OT VET IC DPR IE PRI. SE pe! FE RPP BSL IOIRORS PES -_——we we ow vo woo ee pare a ee uvert la porte sur un phénoméne scientifique inconnu auparavant : la lot Fae te La découverte du radium Vers la fin 1897, Marie est a la recherche d’un sujet pour sa thése de doctorat. Son attention se porte sur une publication du savant francais, Henri Becquerel, quitraite des sels d’uranium (uranium est un métal rare) et de leur mission spontanée de rayons, alors qu'ils n'ont pas été préalablement exposés ala lumiére. Becquerel estle premiera avoir observé ce phénoméne, auquel madame Curie donnera le nom de radioactivité. Mais la nature et l’origine de ces radiations sont toujours inconnues et c'est ce qui pique la curiosité de Marie. Quelles sont ces radiations ? D’ot vient cette énergie ? Voila qui fera un excellent sujet de thése ! Marie entreprend doncses recherches dans un tout petit local, avec trés peu d’instruments. Elle ' remarque que l'intensité des radiations est proportionnelle a la quantité d’uranium contenue dans I’échantillon observé. Elle réalise également que ces radiations ne sont en rien affectées. ; par la température ou par la lumiére. Marie décide de vérifier si des éléments chimiques autres que l'uranium émettent de telles radiations. Elle constate rapidement que les composés du thorium émettent aussi des rayons. Continuant ses recherches sur les minéraux, Marie remarque que les spécimens ne contenant ni uranium ni thorium n’émettent aucune radioactivité. Par contre, elle se rend compte que le taux de radioactivité de certains minéraux est beaucoup plus élevé qu'il ne devrait 6tre, compte tenu de la quantité d’uranium ou de thorium qu’ils contiennent ! Croyant s’étre trompée, elle recommence ses tests plusieurs fois et finit par se rendre a l'évidence : les résultats restent les mémes. II doit donc y avoir une minuscule parcelle de substance radioactive plus puissante que l'uranium ou le thorium contenus dans ses minéraux. Comme Marie a déja examiné tous les éléments chimiques connus, il ne peut s’agir que d'un nouvel élément ! y . > ba ‘Récompense et tristesse Le 25 juin 1903, Marie obtient son idoctorat en physique avec la mention ‘«trés honorable». Le 10 décembre 1903, les Curie se partagent, avec Henri X Becquerel, le prix Nobel de physique mepour leurs découvertes sur la y avec le prix Nobel, Pierre cesse ‘d'enseigner a I'école de Physique pour iS consacrer entiérement a ses travaux. (Marie, quant a elle, continue d’enseigner al’école Normale Supérieure pour filles. ‘Grace a lareconnaissance mondiale que lui apporte le prix Nobel, Pierre se fait ‘offrirla Chaire de physique ala Sorbonne. ‘Malheureusement, peu de temps aprés, le 19 avril 1906, Pierre meurt dans un tfagique accident, sous les roues d'une voiture attelée. Marie en ale coeur brisé. Elle demeurera trés solitaire jusqu’a la fin de ses jours. Le conseil de la Faculté ides Sciences de la Sorbonne décide a = {'unanimité, d'offrir 4 Marie la Chaire de physique créée pour Pierre. En France, c'est la premiére fois qu'un poste d'éducation supérieure était offert a une femme. One vie de travail élever ses deux petites filles, faire de -fecherches et enseigner. La tache est lourde, mais elle s’en tire fort bien. En -éoliaboration avec André Debieme, elle finit par obtenir, aprés une expérience difficile, un morceau de radium pur a état de métal. Auparavant, Marie n’avait obtenu que des sels de radium. En 1911, Mme Curie regoit le prix Nobel de chimie pour tout le travail accompli depuis le décés de son époux. Cette popularité cfoissante de Marie lui attire cependant lasdésobligeance de certains. Des journalistes vont jusqu’a l'insulter;, elle recoit aussi des lettres de menaces. Epuisée, terrorisée et souffrant de dépression, Marie tombe gravement malade. Opérée pour des problémes rénaux, elle demeure al’abrides regards indiscrets fort longtemps. Les mots d'éncouragement qui lui parviennent de partout a travers le monde I’aident a surmonter cette période difficile. En 1911, Marie se voit offrir la direction d'un faboratoire de recherche sur la radioactivité, a Varsovie. Elle pourrait accepter et retourner en Pologne, mais elle décide de resfer en France. Elle mz Marie et Pierre concentrent donc leurs recherches sur un minerai d’uranium appelé pechblende. Ce demier est trés radioactif. En 1898, les Curie annongent la découverte de deux nouveaux éléments au lieu d'un seul. Ils‘agitdu polonium, baptisé ainsi en I'honneur de la Pologne bien-aimée de Marie, | et du radium. Les autres savants veulent «voir» ce nouvel So élément pour y croire. Pierre et Marie travaillent pendant accepte toutde mémededirigerle centre, quatre ans afin d’obtenirdes sels de radium. C'est en 1902 que a distance, en y déléguant deux de ses Marie présente un décigramme de radium purala communauté assistants. Elle ne tient pas a quitter la scientifique. Pierre et Marie offrent leurs découvertes a France au moment ot la Sorbonne et eae SME ‘lhumanité sans méme se réserver de privilége monétaire, l'Institut Pasteur sont en train de subventionnerla construction de I'Institut du Radium dont elle et Pierre révaient depuis si longtemps. Cet institut comportera deux parties : un laboratoire de radioactivité, sous la direction de Marie, et un laboratoire de recherche 'considérant avec justesse que le radium et le polonium appartiennent a tous. Aprés de longues recherches, les _ Curie, en collaboration: avec les professeurs Bouchard et Balthazard, en viennent a la conclusion suivante: le radium, en détruisant les cellules malades, peut guérir les tumeurs et & certaines formes de cancer. La Curiethérapie est née et va ,sauver beaucoup de gens. Ces découvertes extraordinaires _bidlogique et d’étude sur le traitement du eG ast _méritent enfin a Pierre et 4 Marie un laboratoire plus convenable cancer, sous la direction du professeur 2 Lax Marie se retrouve donc seule pour if © GR se pe Rees, BER La guerre éclate Les années passeront, l'Institut du Radium sera éventuellement prét, mais, en 1914, Marie ad’autres préoccupations. La Premiére Guerre mondiale éclate et Marie désire aider sa patrie d’adoption. Elle met sur pied un systéme de radiologie mobile, comprenant vingt «véhicules» équipés pour prendre des radiographies des blessés, soit sur le l'autre. Elle fait également préparer 200 salles de radiologie qu'elle installe elle- méme. Elle fait parvenir aux hépitaux un gaz, tiré du radium, qui aide 4 guérir les vilaines cicatrices des blessés. De plus, elle enseigne la radiologie a4 150 personnes pourqu’aleurtour, ellessoient capables d’utiliser l'6quipement dans les hépitaux. SRA RR E KF SK KR Ce RO ROSE Santé fragile Vers 1920, Marie commence a avoir des difficultés avec sa vue. Une cataracte double la menace de cécité. Comme elle ne veut pas que cela se sache au laboratoire ou a la Sorbonne, elle utilise des lentilles géantes et colore en tons vifs les cadrans de ses instruments. Elle doit écrire ses notes de cours en trés gros caractéres pour pouvoir les consulter. Aprés quatre interventions. oculaires, elle réussit a reprendre ses activités, mais elle doit porter des verres épais. Marie a toujours été trés imprudente, voire méme négligente, en ce qui a trait A sa propre santé. Voila donc qu'elle est de plus en plus fatiguée, souffrant de rhumatismes et de bourdonnements continus dans les oreilles. pour poursuivre leurs recherches. ~~)