4 - Le Soleil de Colombie, vendredi 29 mars 1985 SPECIAL TEMPS DES SUCRES SPECIAL TEMPS DES SUCRES SPECIAL TEMPS Les débuts du sucre Les Indiens de 1’A- mérique du Nord con- naissaient la séve ou l' “‘eau’’ d’érable a- vant l’arrivée des Fran- cais. Les missionnaires s’en servirent aussi comme simple breuva- ge ou comme reméde. On lit dans la relation des premiers travaux évangéliques des Péres Récollets Viel, Sagard et Caron, au pays des Hurons: ‘‘Si, dans le temps que les arbres étaient en séve, quel- qu'un de nous se trouvait indisposé ou ressentait quelque dé- bilité de coeur, nous faisions une fente dans l'écorce d’un érable, qui distillait une eau sucrée qu’on amassait avec un plat d’écorce et qu'on buvait comme un reméde souverain, quoique a la vérité, les effets n’en fussent pas bien considéra- bles.’ L’industrie du sucre d’érable parait avoir commencé vers 1705 et il semble que la premiére a s‘y adonner ait été Madame de Repentigny, la méme qui s’occupa d’établir une manufacture de droguets et de couver- tures. Le 5 octobre 1706, MM. de Vau- dreuil et Raudot, par- lant des découvertes et des: établissements'-de : femme,.; -6Criz:.. cette vaient au _ ministre: “Elle n’a rien exagéré lorsqu’elle assure qu’il se faisait plus de 30,000 livres de sucre dans I|'ile de Montréal sans ce qui se faisait aux environs. Il n'est pas raffiné comme aux lles de _ 1l’Amérique. Ce sucre se fait par une incision qu’on fait aux arbres, tant qu'il y a de la séve. Il s’en fait aussi de trés blanc de cotonnier qui est mer- veilleux pour la poitri- ne. Elle en a mis quel- ques tablettes dans une boite qu’elle en- voie...”’ En 1712, au témoi- gnage de _ |'ingénieur Gédéon de Catalogne, on fabriquait a la mission du _ Sault-au- Récollet quantité de sucre que les habitants allaient vendre & Mont- réal. On en fabriquait aussi sur le domaine de Bellechasse et les terres environnantes. En 1716, |’intendant Bégon dut méme lan- cer une ordonnance défendant aux habi- tants d’entailler les “arbres d’érable’’ et d’en tirer de l'eau pour faire du sucre, parce que cela ruinait entiérement le bois. Mais la production du sucre d’érable ne fut jamais importante. Charlevoix dit & ce pro- pos: ‘‘On objectera que s'il était de bonne nature, on |’aurait fait entrer dans le commer- ce: mais on n’en fait Pas assez pour que cela devienne un objet et peut-étre a-t-on tort; il y a bien d’autres choses qu'on néglige dans ce pays-ci..."’ Le docteur Michel Sarrazin, membre du Conseil Supérieur de Québec et médecin du roi en cette ville, se livra &€ des expériences sur le bois d’érable et ses propriétés. II en fit mMéme des mémoires qu'il adressa en 1730 a l’Académie Royale des Sciences en France, en méme temps qu’il en- voyait des spécimens des quatre espéces d’é- _ rables qu’il avait trou- vées dans la colonie. Il indiquait notamment quel concours de cir- constances est néces- saire pour que |’érable donne sa séve. Un mémoire sur |’érable Pierre Kalm se trou- vait a Québec, au printemps de_ 1749, lorsque les habitants commencérent a entail- ler les érables et a faire du sucre. Cette fabrication _intéressa vivement !’explorateur suédois et, une fois retourné en son pays, il en fit l'objet d’un long mémoire adressé a |‘Académie Royale de Suéde. Nous en déta- chons la partie qui se rapporte directement au mode de fabrication du sucre d’érable: — “... On décrit ici ~ la maniére de fabriquer ‘le sucre d’érable.. Au printemps, lorsque la neige commence a fondre, les arbres se remplissent de séve, tout comme |’épinette de nos foréts de Suéde. Si l’on pratique une en- taille dans ces arbres, la séve coulera pendant une période de trois semaines environ, va- riable selon la tempé- rature, aprés quoi elle devient beaucoup moins abondante. Aus- si, dés que la neige se met a fondre, on perce un trou dans \‘érable, comme on fait pour |’épinette sué- doise, et on y fixe un auget par lequel la sé- ve s’écoule dans une chaudiére placée au- dessous. “‘Lorsqu’on ae re- cueilli une pleine chau- diére de séve — ou la quantité voulue — la cuisson commence. On y procéde de la facgon suivante. Un chaudron en fer ou en Cuivre est rempli de séve qu’on laisse bouillir jusqu’a ce qu'elle soit assez épaisse pour ne pas étre remuée aisément avec la cuiller. Ceci fait, on retire le chau- dron de dessus le feu et l’on brasse énergi- quement son contenu tant qu’il n’est pas tout a fait refroidi. Le sirop se transforme alors en sucre. Si l’on veut donner au sucre certaines formes parti- culiéres, on verse le sirop 6paissi dans des moules ou il prend les ‘formes désirées. "Ce ‘‘réduit’’, s’il gst permis de |’appeler ainsi; n‘a pas besoin d’étre mélangé a aucu- ne autre substance pour épaissir. Il pro- vient uniquement de la séve de |’érable et est entiérement pur. “On peut encore fabriquer le sucre d‘u- ne autre maniére. A- prés avoir recueilli une quantité suffisante de séve, on la fait bouillir ainsi: On met sur le feu. plusieurs chau- drons, dont un, plus grand que les autres, est destiné a recevoir le sirop qu’on fait cuire dans les autres plus petits. Aprés que la sé- ve a perdu la moitié ou plus de son volume par |’évaporation, on la jette toute chaude dans le grand chaudron ou se trouve le ‘‘réduit’’. Ce grand chaudron res- te sur le feu jusqu’a ce que son contenu épaississe. Pendant tout ce temps, il est trés important de ne pas verser de _ séve froide dans ce chau- dron. Du sirop au sucre “Il existe deux moyens de savoir si le sirop a assez _ bouilli pour tourner en sucre. D’abord par l’écume qui se forme a la surfa- ce, Tant qu'il y a beaucoup d’écume, on doit continuer la cuis- son, mais lorsque celle- ci achéve, |’écume di- minue. L’autre moyen” consiste 4 prendre un peu de ‘‘réduit’’ avec une cuiller et a le lais- ser refroidir pour voir _ s'il 6paissira et tourne- ra en sucre; si cela ne se produit pas, il est évident que la cuisson n'est pas finie. On doit ajouter qu'une personne habituée dis- tingue aisément le mo- ment ou le ‘‘réduit’’ amériendienne qu’au début du 186 siécle. A cette 6poque, ils prati- quaient une. entaille sur le tronc de |’érable avec une hache. Au bas de cette entaille, ils enfongaient une ‘‘gou- terelle’’ (goudrille) en bois de cédre qui dé- versait la save dans une auge de bois, dé- posée sur la neige au pied de |’arbre. Au début de la colo- est de la consistance voulue et quand il faut arréter la cuisson, bien que l'on ne puisse expliquer par des mots cette fagon de procé- der. “Quand le ‘‘réduit’’ est devenu assez épais, on tire le chaudron du ‘feu et on le met dans un endroit froid, puis l'on brasse sans cesse le contenu pour l’em- pécher de brdler ou de coller aux parois de la bouilloire. Cette opéra- tion doit se poursuivre jusqu’a ce que le “réduit’’ soit devenu une matiére épaisse, semblable 4 un sucre brun farineux ou mous- couade (i.e. sucre brut). Si cependant on préfére avoir le sucre en pains ou en mor- ceaux solides, on ob- tiendra ce résultat en cessant de brasser a- vant que le ‘’réduit’’ ne se soit séché en fleur, autrement dit, il faut, pendant qu’il est encore liquide, verser le ‘‘réduit’’ dans des bols ou autres plats selon la forme dé- sirée, puis laisser re- froidir et sécher...’’. Enfin, Nicolas-Gas- pard Boisseau, dans ses Mémoires Inédits, décrit minutieusement la maniére dont les habitants procédaient pour fabriquer du su- ' cre d’érable vers la fin du régime frangais. C’était presque exac- tement le procédé en usage jusque dans les derniéres années du dix-neuvidme _ siacle, alors qu’on eut recours .& des méthodes plus modernes, rendant les opérations plus faciles peut-é6tre, mais non le produit de meilleure qualité. d’érable Nos ancétres et le sucre d’érable Les pionniers québé- cois ne tirérent parti de cette découverte nie, les habitants ne : produisaient que pour / les besoins de la famil- le, toute leur produc tion était transformée en sucre trés dur qui pouvait se conserver a Vair libre pendant un an. Une cinquantaine d’années plus tard, le commerce du_ sucre d’érable devint un re- venu_ intéressant et ils commencérent a produire @ plus grande échelle tout en perfec- tionnant leur équipe- ment. L’exploitation d’une érabiliére “LES CHEMINS DE CABANE”’ Vers la mi-mars, |’é- jaisseur de neige au sol peut atteindre 1.5 métres. L’acériculteur doit donc faire des che- mins dans la_ neige pour exploiter son éra- bliére. L‘ENTAILLAGE L’entaillage consiste a percer un trou de cing cm de profondeur dans le tronc d’un éra- ble avec une méche d’‘un cm de diamétre et d’y insérer un cha- lumeau & coups de marteau. On y accro- che un seau pouvant contenir une dizaine de litres de séve. _ Dans le cas ou I’éra- bliére est munie d'un systéme de canalisa- tion de plastique, le chalumeau s’adapte a un tube reliant |’érable a un bassin central. Le nombre d’entail- les pratiquées sur un érable est fonction de sa grosseur. || peut atteindre le maximum de quatre dans le cas ou |’érable mesure 84 cm de diamétre. Lors- que la température est propice, la séve com- mence a couler immé- diatement aprés l|’en- taillage. LA CUEILLETTE DE LA SEVE L’acériculteur, muni de raquettes, cueille la séve fraichement cou- lée a l'aide d’un seau. ll la transporte ensuite sur un traineau tiré par un cheval jusqu’au réservoir central. Dans le cas d’une érabli¢gre moderne, le systeme de canalisa-. tion de plastique sert a véhiculer la séve, de l’érable au bassin cen- tral de réserve. La production de peut étre doublée lors- que la séve est aspirée par une pompe a vide, sans pour cela nuire a la santé des érables. L‘EVAPORATION DE LA SEVE La séve subit sa premiére transforma- tion dans une construc- tion communément ap- pelée ‘‘cabane a su- cre’’. On y retrouve comme équipement principal un évapora- teur servant a faire bouillir la séve pour évaporer l’eau et con- centrer le sucre. A. la sortie de |’éva- porateur, le sirop bouillant est filtré dans un feutre. Il est ensuite classé a l'aide d’un colorime- tre puis mis en conser- ve dans des contenants de métal hermétique- ment fermés. sirop. > ' Centenaire des parcs nationaux ghee Chaque fois que je prends un avion d’Air Canada ou un train de Via Rail, C'est en francais que j‘achéte mon billet, réserve ma place, ou demande un café. Moi, je voyage en francais Au besoin, communiquer avec le Bureau du Commissaire aux langues Officielles en télephonant __ a frais virés au (403) 420-3111. I peut nous aider a obtenir des services en frangais.