Volume 6 - 6¢ Edition ISSN 1704 - 9970 Juin 2003 Un été en France. Pernelle Sévy Depuis quelques années, pour des raisons familiales, je passe les étés en France. J'en oublie le Canada?? Certainement pas! Car je vais dans une région et dans une ville - La Rochelle - oti je ne risque pas de l'oublier. Je le rencontre en effet souvent dans mes promenades. D'abord, tout prés, se cache le village de Brouage derriére ses fortifications du temps de Vauban. Brouage ou naquit Samuel Champlain. C'était alors un port sur I'Atlantique. Mais, infidéle, la mer s'est retirée a plus d'un kilométre de ses murailles, laissant derriére elle une plaine ou pousse une herbe salée qui se souvient peut-étre encore des vagues et de leur écume. Si vous grimpez sur les remparts, vous l'apercevez au loin, l'océan, ligne brillante marquant I'horizon. Le charme du village, aujourd'hui, réside dans son calme, dans sa lumiére dorée d'aprés-midi sur les échauguettes, dans ses rues ou poussent les passeroses entre les vieux pavés. Sur la place se dresse la statue de l'enfant célébre du pays et, en hommage a Québec, le socle de la statue de Champlain est fait de pierres venues tout droit des rives du fleuve Saint-Laurent. Aprés la fondation de Québec et durant de longues années, des échanges commerciaux existérent entre le Canada et le port de La Rochelle. Le Canada exportait ses fourrures et achetait le vin et le sel dont la céte charen- taise était pourvue. Mais si ces denrées, par leur poids, assurait l'€quilibre du navire, il n'en était pas de méme des fourrures, trop légéres, d'ou la nécessité de lester les cales.... avec des pierres du Saint-Laurent qui ne cotitaient rien. En arrivant a La Rochelle les marins déchargeaient les galets sur le quai et repartaient avec un poids convenable de tonneaux de vin et de sacs de sel. Que faire de tous ces galets? Car il fallait, bien sGr, en débarrasser les quais. Les Rochelais eurent la bonne idée d'en paver leurs rues. De nos jours les rues de La Rochelle sont recouvertes d'un asphalte uni et régulier. Les voitures, les piétons s'accommode-raient mal des aspérités des pierres du Saint-Laurent. Cependant, si vous visitez la vieille ville et ses rues bordées d'arcades, vous trouverez, protégés, des segments de rues, des passages sous les porches, qui rappellent l'amitié entre les deux pays: Les pierres sont la. Devant vos yeux. Sous VOs pas. A l'€poque des “dragonnades", sorte d'Inquisition a la mode frangaise, nombreux furent les protestants de cette région a s'embarquer pour Amérique du Nord. Certains s'établirent prés de New-York ou ils fondérent la ville de New- Rochelle. D'autres donnérent leur préférence au Québec et aux provinces maritimes. A la fin du XIXéme siécle, ce mouvement d'émigration vers le Canada se renouvela lorsque des vignerons charentais ruinés par le phylloxera décidérent eux aussi de partir. Les familles francophones dont le . nom se termine par eau ont certainement leurs racines dans cette région des Charentes. Tous ces émigrés emportérent avec eux leur langage et, pour les paysans, leur patois local. Je me souviens de la langue charentaise que j'entendais parler autour de moi quand j'étais enfant. On s'émoyait, on était achalé en été, on était benaise parfois, on rigolait a s'en faire peter le cagouet. Bonjour la Sagouine! Tu te reconnais? En fin de compte, quand je suis a La Rochelle, je ne suis pas trés loin du Canada... Pemelle Sévy Pemelle Sévy est originaire des environs de la Rochelle, elle vit en Colombie-Britannique depuis 1975 ou elle partage son temps entre I'écriture et la peinture. Elle a écrit également pour les enfants et elle est aussi une merveilleuse artiste peintre.