«A toutes celles, a tous ceux qui vivent le deuil de leur compagnon ou com- pagne de vie. J'ai écrit ce texte, il y a deux ans, en pensant a celui ou a celle qui avait perdu une personne aimée lors de l'explosion de la navette, Colum- bia. » Lysette Brochu. Mon chant du désert Depuis ton départ, j'apprends I’humilité. Je hais la vie solitaire ou je suis devenue, malgré moi, femme du désert, poéte nomade. Sublime errance! Privée de repéres, tout est mirage. Je te cherche, la ou le hasard me méne, comme si tu étais ma terre promise. Je ne trouve point de sortie, aucune issue de cette route d’enfer, sans dessein, et lasse, je m’en- dors, recroquevillée, destinée a compter les squelettes aux os blanchis qui peuplent mes réves. Parfois! , dans la fraicheur caressante de la nuit, je me grise de lumiére et d’espace et, en songe, me vois encore jeune, danser pieds nus sur la créte des dunes. Plus souvent, cependant, je me perds dans la grandeur de mon triste désert, ce lieu de deuil, de tribulations, de tentations et de désespoirs. Hideux cauchemars! Angoisse! J’écris ton nom sur le sable rouge qui flambe, mais en vain... Au matin, je ne retrouve que cendres et si- lence. Ma gorge, cartonnée. Je crie... Qui a tué l’air ? J’étouffe. Apres tant d’années a me lamenter, a tirer l'eau de mon céeur, mon visage ressemble maintenant au sable ridé. Le vent a asséché mes larmes en y dessinant des vagues. J’ai les levres éclatées, le teint, par taches, bruni, les talons percés d’a- voir trop marché sur place. Autrefois tu aimais cette poussiére d’or qui teintait mes cheveux. O beauté désolée | Statue de sel depuis que je me retourne sur notre passé, ma téte, méchée de gris et d’argent, mon regard, figé. J’ai vieilli trop vite dans cette étendue immense de mon intolérable soli- tude. Comment pourras-tu me reconnaitre au jour du jugement ? Nous ne serons pas de vieux époux usés ensemble par la vie. Tu conserve- ras ton regard de jeunesse et moi, je marcherai en tremblant. Rien ne peut effacer ces images de toi en moi. Parfois, tu sais, je prie Dieu : « Ecarte de moi ce désert... » Mais je reprends ma priére. C’est tout ce qui me reste de toi !