OP Pt rr ay fhe 81; par Marguerite BATUT Le trajet de Biarritz A Pa- ris par le train rapide Sud- Express est trés agréable et paisible. Les 800 kilo- métres séparant les deux villes sont ‘‘avalés’’ en7h. approximativement, avec un seul arrét 4 Bordeaux - (ce train part plus exacte- ment de Bayonne, 7kms de Biarritz, - sous-préfec- ture des Pyrénées Atlanti- que. - Il y a toujours du monde dans ce Sud-Express, sur- tout deshommes d’affaires qui trouvent le voyage bien plus reposant que par la route. Il existe aussi des **trains-autos’’ de nuit, lesquels vous transportent, vous et votre voiture, ce qui vous permet d’arriver frais et dispos 4 votre lieu de destination et prét 4A prendre le volant comme si vous’ sortiez de chez vous. J’étais vraiment satisfai- te de mon‘‘Eurailpass”’ qui m’a fait économiser un montant assez important d’argent et m’a donnée toute satisfaction quant aux con- ditions de voyage. J’avais déja eu un apercu de Paris en letraversant 4 mon retour de Bretagne, en m’en allant vers l’Espagne. Mais cette fois, pour ma derniére étape, /j’allais rester suffisamment de temps dans lacapitale pour sentir battre son pouls, la voir vivre le jour, le soir et constater les chan- gements qu’elle a subis. Son pouls m’a paru battre toujours 4laméme vitesse, gui est ‘fla grande. vi- tesse’’. Tout le monde se presse, s’énerve, descend ou monte les marches dumétro 4 toute allure; le parisien rouspéte quand ilarrive au portillon automatique se fermant lentement, mais inexorablement devant lui. Pourquoi cette précipita - tion. Que cela peut-il faire si l’on manque un métro, un autre n’arrive-t-il pas quelques minutes plus tard. Méme 4 l’intérieur de ce méme métro, les gens sont sur les nerfs, ont l’air affo- lés et, s’ils sont assis, se lévent précipitamment au moins une station avant la leur. Je pense que c’est vraiment une habitude, il faut courir ot l’on n’est pas parisien. J’avais un amiqui avait a- cheté une petite maison pour sa retraite 4 Biarritz endroit tranquille s’il en est un, excepté pendant les vacances). ll avait fait sa carriére comme mécani - cien de train de banlieue. Quand j’allais le voir, bien que retiré, il regardait sa montre assez souvent et nous donnait l’heure, telle que: midi 22 ou 15h.6. S’il prenait l’autobus, c’était celui de 9h3 pour étre re- venu chez lui 4 13h27,etc.. etc. . Et bien, 4 mon retour 4 Paris, je pensais Aluien voyant tous ces gens affolés et esclaves du temps. Lui, au moins, avait l’excuse de son métier: lestrains doi- vent arriver juste! Et la ‘‘resquille’’ dans les files d’attente, que ce soit encore le métro ou bien l’autobus, ou chez le cré- mier, épicier ou boucher. C’est 14 qu’on entend les: quolibets de toutes sortes, avec l’accent bien ‘‘pari- got’’. ‘‘Alors, la p’tite mé- re, on n’sen fait pas’’ - ‘Ete tol, pititepere, a ton age, tu devrais étre cou- ché’’ Et tout le monde de s’esclaffer. Mais tout cela n’est pas méchant. On sait bien que les frangais sont moqueurs mais sans me- ehanceté aucune. En tous cas, ports en commun ont quoi satisfaire les les trans- de plus exigeants: nombreux, ra- pides et relativement bon marché, surtout le métro qui vous fait parcourir des kilométres pour presque rien et rapidement. Quand j’éetais 1a, on refaisait la plupart des stations. De jolies petites céramiques recouvrent maintenant les murs et l’on m’a dit qu’a la station du Louvre, par exemple, la décoration se- rait faite par des repro - ductions de peinture du Musée du méme nom. Ce qui m’a frappé dans les couloirs et stations métro- politaines, c’est l’absence presque totale de clo - chards, il en reste encore quelques-uns; il est vrai que 1’on essaie de plus en plus de les faire rentrer dans des maisons de re- traite ; les récalcitrants préférent leur liberté A tout le confort et soins qu’ils pourraient trouver dans ces lieux. Par contre, il y aunnom- bre croissant de guita- ristes et chanteurs, la plupart américains et j’en ai entendu de trés bons, dont les chants, par la ré- sonance des vofites du mé- Pt F tro, étaient rendus magni- fiquement). N’oublions pas non plus les artistes crayonnant 4 la craie 4 méme le sol de ciment ou d’asphalte, qui font de trés beaux dessins tant aux stations de métro que sur les boulevards, et attirent sans cesse_ leur contingent de badauds. Il y a aussi les camelots qui vendent 4 la sauvette, stylos, chaussettes, cra- vates, voire hbijoux et qui s’empressent de tout mettre en vitesse dans leur petite valise et de filer dés que la pelisse d’un brave agent apparait.I1 m’a semblé en voir moins qu’a vant. Les autobus sont plus a- gréables puisque l’on y a la vue, eux aussi trans - portent rapidement tous ces gens pressés. Ils sont également trés efficaces et je me demandais bien sou- vent comment ces masto - dontes arrivent 4 se fau- Le Soleil de Colombie, le ler aoft 1975, 11 filer dans le trafic intense et incessant du coeur de Paris, Tant de voitures, tant de taxis, tant de coups de sifflets. Parlant des taxis, c’est aussi un moyen de trans - port rapide et pas trop coateux. Et j’aime bien les chauffeurs de _ taxi; (comment font-ils, eux aussi, pour se faufiler par- tout; il est vrai qu’ils connaissent leur Paris). La plupart sont trés polis, aimables et entament avec plaisir la conversation. Ils Ont cet esprit pétillant du parisien; ils connaissent tant de choses et ils sont aussi tellement blasés sur tout ce qui se passe! A l’un d’eux qui avait un gros chien assis 4 cété de lui, j’ai demandé: ‘‘Pour- quoi cet animal avec vous’’. Il m’a répondu: ‘‘parce que j’ai été attaqué deux fois et méme blessé’’. Un autre m’a demandé A brQle-pourpoint: ‘*Com- ment trouvez-vous Gis- card d’Estaing?’. Je lui ai expliqué qu’habitant le Ca- nada, il m’était assez dif- ficile de voir la politique de “e ox, mon pays d’un oeil vrai- objectif mais qu’a le régime ac- tuel ne devait pas étre si mauvais car les gens ne semblaient pas malheu- reux. Il m’a_ repondu: ‘¢Vous avez raison, mais il y a une chose que je re- proche 4 Giscard, c’estde nous avoir Oté la Garde Républicaine, on y était habitué, c’était joli et dé- coratif’’. Comme je lui rétorquais que cela ren- trait dans le plan d’éco- nomie et de simplicité du pays, il m’a dit: ‘‘Oui , ’accorvd, mais il ausrait pu nous en. laisser au moins un’’! Cet homme, tout simple, pas jeune, avait un passe-temps: il remettait en état les meu- bles anciens et était pré- ment mon avis, sident des artisans du bois de Paris. Un vrai parisien, celui-la et combien sympathique! Un autre, hongrois, se trouvait trés heureux dans la capitale, s’y était ma- rié et avait une petite fil- le. Il aimait son métier qui lui faisait connaitre bien des: gens et lui per- mettait d’étudier les _ ca- ractéres des individus. Méme 4 l’hdtel (j’ai été plusieurs jours dans unpe- tit hdtel prés de la Place Clichy) j’ai trouvé ce mé- me air de curiosité bien- veillante chez les patrons aussi bien que prés du personnel; je n’avais pas l’impression d’étre é- trangére, d’étre seule - ment un nom sur un re- gistre, et cela était bien agréable. Comme la plupart des membres de ma famille et amis travaillent (quel- le joie de retrouver tout le monde, de faire la connaissance d’une petite- fille derniére née, de re- nouer avec une autre, lais- sée fillette et devenue une belle grande jeune fille), j’étais libre dans la jour- née. Je pouvais donc aller 4 droite, 4 gauche, ce que j’ai fait sans jamais per- dre une minute. Je prenais mes repas le midi dans une brasserie, toujours place Clichy ot 14. encore on voit battre le coeur de Paris. Ce n’est pas un quartier riche mais il est plein de vie et vi- brant mais, attention quand le soir arrive, il ne serait pas trés bon de s’y égarer car les mauvais garcons, s’ils n’ont plus les ‘‘rou- flaquettes’’, foulard rouge et casquette A carreaux, sont toujours 1a, au coin des rues. A cette brasserie, on rencontrait les habitués dont le vieux monsieur - midi - 7 heures - venant prendre son ‘‘apéro’’. Le gargon était des plus sympathiques, un peu re- plet, souriant, semblant valser avec son plateau chargé de verres, vous ra- contant sa vie (son petit pavillon de banlieue, ses fleurs, ses légumes, sa télévision, sa petite voi- ture, son mois de vacan- ces payées si attendu, puis sa retraite prochai- ne, pas A Paris bien sfr, mais en province), mais également curieux decon- naftre la votre: ‘*Le Cana- da, ah oui! tout le monde parle francais, 14-bas’’ (tu parles! i !). Il n’oubli- ait pas pour cela de bien me servir et ses atten- tions étaient touchantes. C’est souvent dans les brasseries que l’on mange le mieux. Il y a de nombreux clients et la nourriture est frafche. J’ai mangé 14 une choucroute garnie (il y en avait pour deux dans cha- que assiette). pour 3 dol- lars, du veau braisé avec des épinards au méme prix, une gratinée au porto pour un dollar et demi. Les a- péritifs sont au-dessous d’un dollar et la biére de Munich , coQte un demi- dollar a peine. Avec le sourire et la solicitude du garcon, ce n’était pas cher et j’ai emporté vraiment un bon souvenir de ce lieu. (a suivre) ABONNEZ-VOUS AU “SOLEIL” $7.00 par an