iad Je remercie ceux quim’ont invité 4 venir poser devant vous cette question difficile qui indique tout de suite le dessein de mon propos : faire comprendre 4 ceux qui veu- lent bien entendre que le Canada de 1972 n’est pas ce- lui d’aprés 1867 et que les espoirs de la Confédération n’ont jamais été que des leurres qu’on voudrait peut- étre ranimer en brassant les cendres qui sont les seuls vestiges de l’Acte de l’Amérique britannique du Nord. Il y a 4 cela beaucoup de raisons dont la moindre n?’ est pas celle de l’incompré- hension congénitale de nos compatriotes de langue an- glaise, incompréhension parfois chargée d’hostilité, encouragée aussi par l’at- titude du gouvernement d’Ot- tawa qui n’apas su compren- dre qu’il ne devait étre qu’un organe de liaison et qui est devenu, par volonté.ex- presse, par fraude politique et par calcul l’agent d’unifi- cation, de nivellement et, A toutes fins utiles, de des- truction des Etats consti- tuants d’une fédération ané- miée dont on peut dire qu’elle: présente aujourd’hui l’image. de ce qu’avait suggéré qu’on fit du Canada Lord Durham, dans son rapport 4 la reine Victoria. Peut-on parler d’une conspiration des provinces pour asservir le Québec? J’ose dire oui ; et si le mot de conspiration vous cho- que, ‘je lui substituerai ce- lui de tractations hypocri- tes dont les provinces elles- mémes sont devenues les victimes. Car, c’est 1a le drame, en misant unique- ment sur les atouts finan- ciers du fédéralisme cen- tralisateur, les provinces anglophones du Canada se sont dépouillées de leur 4me,, de leur conscience, de leur personnalité ; elles ne sont plus que des secteurs d’une administration qui compte, outre les ministéres que l’on connaft, ceux de la Colombie, de l’Ontario, del’Alberta, de ta Nouvelle-Ecosse, etc. la Nouvelle-Ecosse, etc loir pas, A s’opposer aux vo-| lontés du Québec, ens’obsti- nant 4 ne pas reconnaftre qu’ il ne s’agit pas d’une pro- vince comme les autres, les citoyens et les gouverne- ments des autres parties du Canada ont fini par jouer perdant et, sans le dire avec autant de vigueur que nous le disons chez nous, ils re- fusent, eux aussi, 4leur ma- niére, et pour des motifs différents, le ‘‘melting pot’’ dénoncé dés la naissance de la Confédération. Je n’insisterai pas sur le passé pas plus que sur les erreurs, les faiblesses et les velléités des dirigeants an- ciens et actuels du Québec. Qu’il me suffise de vous rap- peler que le temps des dis- cussions est terminé, qu’il est devenu nécessaire d’en- treprendre collectivement, si vous le voulez, un redres- sement et de remettre en cause les bases du pacte de XY LE SOLEIL, 8 DECEMBRE 1972 NOUS PUBLIONS I E TEXTE FRANCAIS D’UNE CONFERENCE PRONONCEE EN ANGLAIS PAR MONSIEUR JEAN-NOEL TREMBI AY, DEPUTE DE CHICOUTIMI, A L’UNIVERSITE SIMON FRASER, AU COURS DE SON SEJOUR A VANCOUVER, AU MOIS D’OCTOBRE. Le probléme est posé ; 1867, pacte conclu entre deux depuis longtemps du reste ; nations, dont1’une, celledontet Jeg citoyens du Québec la majorité vit au Québec, n’ont pas attendu les parti- veut toujours et 4 tout prixsans du terrorisme et du sauvegarder son identité etgéparatisme pour faire sa- promouvoir, dans un cadreyojir qu’ils n’étaient pas politique, son ment et son expansion. épanouisse- contents du sort qu’on leur a fait dans leur propre pays. Je vous dis donc tout deDepuis 1944, ils n’ont cessé, suite ce que j’ai dit sou-avec les gouvernements qui vent chez nous que je Nese sont succédé, de deman- crois pas aux négociations der qu’on engage avec sincé- parcellaires, partielles SUT rité le dialogue, qu’on amor- des points donnés aux finSce en fait le processus de la d’obtenir du gouvernementreyision constitutionnelle et central, des droits de taxa- qu’on admette une fois pour tion, un plus grand pouvoir toutes que le Québec, foyer de dépenser ou des points principal de la nation cana- d’impét. Cette approche ne dienne-frangaise, ne saurait tient pas compte de la réa- plus se contenter des pou- lité. Elle irrite plus qu’elle voirs de 1867 et de ceux _ ne satisfait ; elle ne change surtout rien aux tactiques d’ Ottawa ; elle permet & un gouvernement de plus en plus unitariste de diviser les pro- vinces, d’user leur résis- tance et de les acheter se- lon -les fluctuations locales de la conjoncture économi- que. Je pose le probléme en des termes plus nets, plus exi- geants, plus impérieux : les provinces consentiront-el- les, dans un avenir trés prochain, c’est-a-dire, dans quelques mois, 4 reprendre le travail entrepris par les Honorables Robarts et John- son en 1967, lors de la confé- rence intitulée ‘‘ Confedera- tion of Tomorrow??? Il s’agit en fait de négocier, non pas une partie de droits, des bri- bes de priviléges, mais de reprendre 4 pied d’oeuvre le travail des Péres de la Confédération et de définir les modes d’entente et de vie du Québec avec ses par- tenaires historiques dans un cadre politique renouvelé et qui donnerait enfin naissance A une véritable fédération d’ Etats souverains. J’ai participé A plusieurs reprises aux conférences fé- dérales-provinciales. Il m’ €st apparu, qu’a l’exception du Québec et quelquefois de 1’Ontario, on évitait d’abor- der le vraiprobléme et qu’on se satisfaisait de rencontres a caractére administratif, sans se préoccuper du véri- wtable enjeu qui est la cons- Ainsi, A vouloir et A ne vou-titution ou, si vous aimez mieux, le nouveau mode d’ association des provinces entre elles et la place par- ticuliére qui doit étre faite au Québec au sein de la nou- velle fédération d’états. Vous conviendrez qu’il est plus que temps que les gou- vernements des provinces s’interrogent 4 ce sujet, Ss’ ils ne l’ont pas déja fait, et qu’ils déclarent sans am- -bages quel cas ils entendent faire des revendications du Québec. Si le statu quo ou les menées centralisatrices favorisent les provinces au point qu’elles ne veuillent protester que pour la forme, il faudra bien qu’elles le dé- clarent et qu’elles acceptent que, de notre cOété, nous de- mandions aux Québécois par voie de referendum, s’ils souhaitent poursuivre l’ex- périence fédérative ou s’ils accepteraient un nouveau _statut politique en Amérique _ du Nord. toujours plus. restreints qu’ on lui concéde aujourd’hui. Quels que soient vos senti- ments et vos préjugés, je vous demande : Etes-vous favorables a une _ option -constitutionnelle Québec - Canada ? Dans l’affirmative, il vous faudra admettre que 1’équi- libre actuel des forces poli- tiques est préjudiciable au Québec, que le partage des pouvoirs et des ressources fiscales est désuet, que la constitution de 1867 n’existe . plus, que le Québec est pri- sonnier d’un carcan de jour en jour plus étroit, et que les forces vives de notre na- tion peuvent exploser si on ne veut pas, de bon gré, accepter nos conditions. Quelles conditions, me de- manderez-vous? 1) Négociation d’un nouveau pacte qui fera du Canada un pays fédéral composé de deux grandes nations ; 2) Mise en place de structu- res A caractére fédératif mais qui ne soumettront plus le Québec 4 la volonté de dix gouvetnements contre un ; ce qui veut dire que le Canada se fera 4 deux, quitte aux €états constituants qui bornent notre territoire 4 l’est ou a l’ouest A aména- ger eux-mémes leurs rela- tions nationales au sens so- ciologique du terme ; 3) Définition des droits et responsabilités des tats constituants ; 4) Définition des fonctions du gouvernement central ou de l’organisme appelé 4 régir les relations entre les états constituants et les autres pays ; : 5) Elaboration par les états constituants des politiques sociales économiques, fis- cales, éducationnelles, culturelles, internationales, commerciales, etc., selon les priorités établies par les deux nations dans le cadre de leurs relations avec 1’ Amérique du Nord et les autres pays du monde ; _ 6) Examen par ies etats constituants des pouvoirs dits résiduaires et de tous pouvoirs relatifs aux rela- , qui, QUEBEC-CANADA OU LE CANADA ET LE QUEBEC ? tions entre ces états, soit : la monnaie, la défense, les communications internes et externes, les relations in- ternationales et les échan- ges commerciaux ; 7) Rédaction d’un texte qui fixe en droit les modalités du nouveau pacte d’asso- ciation. Conditions exorbitantes 2 Non, simple résultat de 1’ évolution de deux groupes ethniques qui ont pris la mesure de leur destin et 4 I’heure des grands ensembles, entendent pré- senter au monde l’exemple d’une organisation socio-po- litique qui leur permette d’ éviter les affrontements ma- jeurs et les gestes de dé- sespoir. Car le refus de considérer les exigences du Québec. aboutirait 4 des solutions dont le terrorisme québe- cois donne déjAa une idée. Idée peu rassurante si l’on songe que les artisans de l’anarchie capitalisent sur nos erreurs et sur nos mé- sententes pour instaurer en plein centre du Canada le foyer de la discorde et de la haine. : Nous sommes ainsi tous concernés ; c’est pourquoi, je ne viens pas vous sup- plier d’éviter au Québec la catastrophe, je vous dis en toute sincérité que nous fe- rions tous les frais de l’en-: treprise de destruction qui menace le Québec et ne man- ‘querait pas de provoquer en Amérique du Nord une si- tuation analogue 4 celle qui existe dans les pays du Mo- yen Orient. Que ceux d’entre vous qui souhaitent que les Québecois s’entretuent pen- sent un moment aux mil- lions de morts et 4 la sup- pression de la liberté en Allemagne hitlerienne, en Allemagne hitlérienne, en Allemagne de l’Est, en Hon- grie, en Russie, A Cuba et Partout of sous le couvert du nationalisme, de 1’anti- colonialisme, de l’anti-ca- Pitalisme, de 1’anti-sémi- tisme et de l’anti-américa- hisme on a jeté les hom- mes les uns contre les au- tres et instauré des régimes dictatoriaux dont méme les résultats économiques s’ avérent des faillites doulou- reuses. Vous pouvez tout ignorer de ce qui se passe au Qué- bec, encourager méme la subversion, vous désinté- resser de l’avenir de lacol- lectivité canadienne - fran- gaise ; mais viendra un jour ou vous devrez de force ou d’amitié renouer les liens et réparer les dégats. Ne comptez surtout pas sur vo- tre nombre et sur votre tra- ditionnelle indifférence. Pour vous, comme pour nous, c’est Québec-Canada ou le Canada et le Québec. Si cette derniére solution ne vous fait pas peur, c’est que vous en avez mesuré 4 l’avance toutes les consé- quences. Tant mieux pour vous ! Mais je pense, et c’est un fervent nationaliste qui vous le dit, un homme qui, malgré le pouvoir oppres- sant de l’argent anglo-saxon n’a jamais voulu réduire vo-| tre minorité et la garder dans un ghetto, que c’est la| minute de vérité pour vous) comme pour nous. Je ne vous demande rien ; je vous préviens car je sais que s’organisent des mouve- ments qui vous traiteront comme on a traité ailleurs les minorités possédantes trop superbes. Ce que je vous dis n’est ni menace ni chantage ; je ne suis pas du camp des séparatistes destructeurs et encore moins de celui des responsables de ce qui est survenu chez nous en octo- ‘bre 1970. J’essaie, avec réa- lisme, m’appuyant sur une expérience politique assez longue, de relancer notre avenir commun sur une voiej raisonnable et pratique. Je crois que les nations et les états doivent évoluer et s’adapter aux conditions de 1’ére moderne et changer pour cela bien des structu- res et des institutions. Je pense toutefois qu’il est né- cessaire, pour atteindre ces objectifs de modernisation] de notre pays de se deman- der pourquoi, aprés plus de cent ans, nous sommes en- core obligés de rappeler 4 nos partenaires les princi- pes les plus elementaires qui commandent le respect mu- tuel et inspirent les initia-! tives efficaces. Nous avons le choix : faire le Canada 4 deux ou laisser, les anarchistes le faire 4' leur maniére. Nous avons longuement discuté avec! vous ; vous avez trop sou- vent éludé les problémes, fait la sourde oreille et pra- tiqué votre forme de sépa- ratisme. Nous avons nous aussi notre part de respon- sabilités ; je ne le nie point. Mais parce que, avec une impatience réelle ou simu- lée vous posez la question : What does Quebec want ?, je vous ai dit ce soir comment j’envisage la révision de no- tre contrat d’associés. fl reste 4 savoir si vous m’entendez ou sivous comp- tez encore sur le temps pour gagner.