Le Moustique Volume 4 - 4 *° édition Avril 2001 Impression Touristico-littéralt® Il n’existe qu’un petit nombre de villes qui, en Amérique du Nord, valent la peine du déplacement. Il est vrai qu’on trouve, sur ce demi-continent, une telle uniformité dans l’urbanisme qu’il suffit en général d’en visiter une pour les avoir vues toutes. La premiére de ce petit nombre est bien sir New York, mais seulement parce qu’elle est démentielle. On y peut tout trouver, le meilleur comme le pire, et le pire est que le meilleur n’est meilleur que parce que pire qu’ailleurs. Disons qu’il faut avoir vu cette ville parce qu’autrement, on n‘aurait pas tout vu. Mais je préfére des villes moins dantesques, plus romantiques et pittoresques, pleines d’histoire et de fantémes. Victoria peut-étre, mais elle est plus un jardin anglais qu’une ville d’ Amérique. J’ai beaucoup aimé Québec-ville, avec ses maisons de pierre claire qui, malgré le froid, sentent encore la sueur des magons de France. Et puis Santa Fé, cette cité espagnole aux maisons 4 la silhouette indienne. Williamsbourg aussi, qui n’est peut-étre plus qu’un musée, mais a qui rendent son ame les énormes magnolias et les tulipiers exotiques, espéces végétales mystérieuses sorties de la nuit des temps. San Francisco a également son charme, a sa maniére. Elle s’éploie dans un site et un climat merveilleux et les montagnes semblent soulever ses maisons comme les vagues leurs surfeurs. Il nous restait a découvrir le vieux quartier frangais de la Nouvelle Orléans et le charme a joué encore. Entiérement. Ce carré qu’on appelle frangais est espagnol par l’architecture et envahi par cent musiciens noirs. Ils répandent des rythmes endiablés comme leurs croyances qui sentent le soufre. Les rues étroites résonnent d’une bruyante nonchalance et les relents qui s’*échappent des restaurants rappellent qu’ ont sévi, dans ces murs, des cultures qui n’ont jamais voulu ne se nourrir que pour survivre. Qu’elles soient palaces, seigneuries ou " boyeries " toutes les habitations ont un caractére, une esthétique particuliére. Je n’en échangerais aucune pour un de ces clapiers modernes que l’uniformisation fonctionnelle nous impose. Celles qui s’épaulent fiéres, dans un alignement tétu de terrasses alanguies, s’ouvrent sur la rue dans une débauche de dentelle de fer, de plantes tropicales, et se referment sur elles-mémes en des patios oasiens. Page 5