Le Soleil, décembre 1992 Le Soleil, décembre 1992 Un e pa ir, e d 3 a mis d ’aventures qui se passaient dans des pays Vlg Ries : a _ tains. «Un jour je voyagerai beaucoup, j’trat Il y avait déja quatre mois qu’Emilie allait partout dans le monde», disait Emilie. a l’école et jouait avec les enfants du village. De tous ses petits camarades celui qu’elle préférait, on c’était Tahar. Elle le trouvait si dréle. Il savait Tahar le réveur faire laroue, se tenir droit comme un piquet sur la Tahar pensait que lui aussi aimerait bien téte, et pouvait marcher sur les mains, une jambe voyager, mais en attendant, il n’avait guére envie pliée en prétendant étre un de construire des modeéles scorpion. Un jour il décida d’avion, pas méme pour de battre Emilie au jeu de la faire plaisir a Emilie. Il pré- marelle en sautant non pas férait lire des romans et des sur un pied mais sur une main. bandes dessinées, ouregar- Emilie crut mourir de rire. der enrévant des belles ima- Elle pensa que Tahar était un ges dans les livres d’ Emilie. champion méme si dans Dans la bibliothéque de sa cette position bizarre, il lui petite compagne ily enavait faisait penser a une chauve- un en particulier qui le fas- souris entrain de dormir. De cinait : «Les Merveilles du son cété, Tahar aimait bien monde». Sans cesse Tahar Jouer avec «la petite nouvelle» reprenait ce grand livre. II comme on |’ appelait, car elle avait fini par le connaitre n’avait pas sa pareille pour . par coeur. Grace au bel al- participer aux courses qu’organisaient ses petits bum, il savait maintenant que les Egyptiens et les copains ou jouer a chat perché, unjeuqu’elleleur Mayas avaient construit de grandes pyramides, avait appris. Méme si elle était plus jeune que lui qu’ily avaita Grenade en Espagne unmagnifique de deux ans, Tahar pensait qu’Emilie étaitde son _ palais, |’Alhambra,datant du passage des Maures. dge tant ils s’entendaient bien. Il avait vu les images du chateau de Versailles, celles des gratte-ciel de New York et de la tour de Londres. Parfois il disait a Emilie qu’il aimerait Les deux passions d’Emilie Emilie avait deux passions. Elle adorait veilles, et Emilie répondait, «Quand Je serai construire des modéles de voitures mais surtout grande je t’emménerai avec moi, c’est promis!» des modeéles d’avions. «Un jour, je serai pilote», Et elle recommencait pour la dixiéme fois la disait-elle. Elle aimait aussi lire, surtout es livres Ym a de son modele. cio See 24 décembre eat > e e x A ! : a air Un aprés-midi pas tout a fait comme les autres Cette aprés-midi du 24 décembre avait été pour Tahar un peu différente de tous les autres. II était allé a l’école, avait aidé son pére dans sa boutique de tapis et un peu plus tard, était parti voir Emilie chez elle. Des son arrivée, il avait trouvé sa petite compagne trés agitée. C’ était, lui expliqua- t-elle, «a cause de Noél». Ce soir, aprés les douze coups de minuit, ses parents déposeraient des cadeaux dans les bas de laine qu’elle avait ramenés «tout exprés» du Canada et soigneusement accrochés & la porte du poéle de la cuisine puisque dans leur maison du Maroc il n’y avait pas de cheminée. «Mais c’est dommage!» affirma-t-elle. «Il n’y aura pas de neige, et se sera moins beau!» ner = beaucoup voir «pour de vrai» toutes ces mer-: Une pyramide pour partir dans autre monde Debout en plein soleil, aveuglés par la lumiére, Tahar et Emilie regardaient la pyramide. Tahar se souvenait bien de ce qu’il avait lu dans le beau livre et cela lui permettait de retourner en arriére dans le temps. Ilimaginait les 20 000 hommes qui, voila. 4 500 ans, avaient commencé a construire ce tombeau. Il les voyait au cours des siécles travaillant sous la chaleur écrasante du soleil. Ilavaitfallu2 300 000 blocs de pierre de deux a trois tonnes chacun pour arri- ver @ élever la pyramide a 137 métres au- dessus du sol etrecouvrir ala base une surface de 5 hecta- res. Tahar savait aussi que cette immense pyramide Mm Un mur qui n’en finit pas Sit6t dit, sit6t fait. Tahar ne sut trop comment luiet sa petite amie se retrouvérent sur le mur de Chine. D’ot ils étaient, ils pouvaient contempler le long chemin parcourant les montagnes d’un sommet a l’autre et se perdre dans le lointain. Alors Tahar expliqua a Emilie que ce chemin avait été commencé au Ve siécle avant J.C. par des milliers et des milliers d’hommes pour défen- dre la Chine contre les envahisseurs. «Je sais!» lui répondit-elle. «C’est trés vieux, tout le monde sait ca! Et puis on peut méme le voir de la lune parce qu’ il est trés trés long», ajouta-t-elle. Tahar pensa que méme si aujourd’hui la muraille de Chine ne servait plus a défendre le pays ou a transporter des marchandises dans les endroits difficiles d’accés, c’était tout de méme un mur remarquable.II aurait bien aimé rester la un peu plus longtemps et se promener encore sur ce chemin de 5000 km de long, car on avait d’ici une vue formidable. Ou il est question de tour penchée Il ne fallut que quelques secondes a Emilie pour rejoindre son avion spatial, comme elle l’appelait. Déja elle criait, «Dépéche-toi, Tahar, viens vite, je t’emmene voir la tour qui penche. Moi je laconnais, elle est vraiment rigolote.» Lorsque Tahar vit la tour de Venise la trés belle Jamais je n’oublierai Venise se disait Tahar. Mais qu'elle était donc belle cette ville avec ses pieds dans l’eau! Qu’ elle était Le fabuleux voyage de Tahar et Emilie n’avait été terminée que vers l’an 2 600 avant Le pays du bonheur notre ére. Mais ce qui |’étonnait le plus, Il neigeait encore quand la porte de la chambre ou dormait Tahar s’ouvrit brusquement. Une raffale de sable s’engouffra dans la piéce et vint balayer le sol. Tahar se réveilla en sursaut et se leva précipitamment pour aller fermer la porte. Il ne savait plus trop bien out il était. Re- gardant au dehors il vit sur la place du village un troupeau de petites chévres éffrayées qui se ser- raient les unes con- - tre les autres. Le long des murs des habitations, des hommes et des fem- mes accroupis se pe- lotonnaient en se protégeant les yeux de leurs bras repliés ou d’un pan de leur turban rabattu. Quelques instants plus tard, il entenditla voixde sonpére qui disait:«C’est fini!» Sur la place, les petites chévres guidées par Hamid, son camarade d’école, reprirent leurs gamba- des en traversant le village. Lentement les habitants se relevérent en secouant le sable de leur vétements. Le calme était revenu. Tahar leva la téte. Le ciel d’un bleu intense lui fit penser a Emilie. Alors il se souvint de son c’était de savoir qu’elle avait été cons- truite pour y mettre un mort. C’est ce qu’il était en train d’expli- quer a Emilie lorsqu’elle lui dit a brile-pourpoint, «Il fait trop chaud ici, =. moi j’ai envie de m’en aller.» Pise en Italie il fut ummédiatement inquiet. N’allait- _brillante avec ses domes qui luisaient au soleil et fine, et délicate, avec ses immeubles aux galeries sculptées et aux facades peintes elle-point tomber? Vraiment Emilie ne devrait pas qui se reflétaient dans l’eau comme dans mille miroirs. Comme elle était douce avec le bruit léger du clapotis que faisaient les petites courir imprudemment autour, comme ¢a! «Il ya 295 vagues contre les murs des habitations. Qu’elle était gracieuse avec ses gondoles qui glissaient sur le grand canal! Il se demandait réve. Quel fabuleux voyage il avait fait. C’était un peu . comme si lui aussi, avait regu un cadeau de Noél. Mais pour l’instant il ne voulait pas raconter son réve, il était trop heureux de retrouver sa famille. Son pére a la voix rassurante, sa mére si douce, ses fréres et ses soeurs avec lesquels il faisait bon vivre. Il regarda dehors et vit au loin les neiges de l’Atlas scintiller sous le soleil. Plus bas dans la vallée, le petit oued Zaida serpentait vers Vhorizon en brillant de mille feux. Encette nuit de Noél, Tahar va Ti . eee es en et ed avait vu de bien belles choses, mais il pensait que nulle part ailleurs le ciel n’était aussi bleu, la terre aussi rouge et le silence aussi grand que dans son petit village. Heureux d’étre revenu chez lui, il attendit qu’ Emilie soit éveillée pour aller lui raconter leur étrange aventure etl'aider a construire le modéle du «Concorde» que sirement elle avait di recevoir en cadeau de Noél. 7 a —> ay marches pour monter en haut de la tour», lui dit-elle. comment:+ onavait puconstruire une telle ville sur l’eau et il se promettait de retourner voir dans son livre des Merveilles pour «Veux-tu monter avec mot?» Non, Tahar ne voulaitpas y trouver l’explication. Mais déja Emilie lui disait «Tu sais, pour aller faire les commissions ici, il faut toujours prendre un monter. Sa compagne {§ ¥, bateauoutraverser un pont. Jesais, c’estmamére quimel’a dit, elle estdéja venue. «Puis elle ajouta, «Ma mére avait beaului expliquer qu’il n’y avait aucun danger, cette énorme masse de 14 500 ton- nes que les architectes Puis elle continua, «Dans mon pays, 4 Montréal, au Québec, il y a toujours de la neige a Noél!» Apres un long soupir, elle ajouta encore. «Peut-étre que je recevrai le modéle du Concorde 4 construire et tu pourras m’aider, parce que celui-la, il est difficile a faire.» Mais déja Tahar n’écoutait plus sa petite amie quin’en finissait plus de lui parler de Noél. Il avait repris le livre des merveilles et quand sa mére vint le chercher parce qu’il se faisait tard, il était perdu quelque part, dans les rues de New York, entre les gratte-ciel. Pourtant en rentrant chez lui, Tahar pensait que si Noél était une féte qui amenait des cadeaux, il aimerait bien, lui aussi, faire partie de la féte avec Emilie, puisque chez lui on ne célébrait la sauver si beaucoup de gens se mettent ensemble pour empécher l’eau de monter sur les trottoirs.» Tahar pensa ye queson amie venait de lui donner une bien mauvaise nouvelle et qu’il serait dommage qu’on ne puisse pas ‘) sauver la «ville aux mille miroirs.» Mais les heures pas- : saient, il fallait repartir. Nos deux voya- geurs se dirigeaient vers leur «vaisseau . spatial» quand soudainementle ventse mit pas Noél. Un départ inattendu Lorsque Tahar se coucha ce soir-la, il avait des images plein la téte.A peine le sommeil l’envahissait-il, que déja sous ses paupiéres closes défilaient des __ gratte-ciel, des ruines romaines, des chateaux magnifiques... Tahar se deman- dait comment il pourrait faire pour visiter un jour tout cela. C’est ace moment précis qu’Emilie entra dans sa chambre sur la pointe des pieds. «Tahar! Tahar! » lui dit-elle, » Viens voir! Regarde ici devant la porte! Tu vois? Et bien c’est mon avion!» Tahar n’en revenait pas. Ca, un avion? On aurait plut6t dit une soucoupe volante. «Allez viens, dépéche-toi il ne nous reste que quelques heures pour faire notre voyage avant que nos parents découvrent que nous sommes partis et il faut que nous soyons de retour pour le jour de Noél», lui dit-elle. Tahar hésitait encore, mais elle luicria: «Mais dépéche-toi, espéce de tortue!» Dix secondes plus tard, Emilie, aux commandes de son engin volant, et Tahar bien attaché a son siége, s’élevaient dans les airs. «Direction : Egypte, et premier arrét a la pyramide de Chéops», annonca le pilote Emilie d’un ton assure. avaient réussi a main- tenir en équillibre ne lui inspirait aucune confiance. Il resterait sur la terre ferme. Tahar se demandait pourquoi cette tour penchait ainsi. Etait- ce a cause du sol qui était mou, d’une erreur de la part des architec- tes, ou peut-étre d’un tremblement de terre? Il en était la dans ses pensées quand Emilie vint lui dire, «Ecoute, il est tard il ne nous reste plus que quelques heures. Partons! tuvas voir comme c’est joli ou nous allons!» a souffler trés fort. Tahar sentit quelque TE: chose de mouillé venant lui picoter les joues. En méme temps il entendit Emilie (eas L . guicriait, «La neige! Il neige! Il y aura de la neige pour Noél! A Pa Quelle chance!» Imaginezla surprise pour Tahar! Il avait, Be neige, de loin sur les sommets de l’Atlas ns iln’avaitjamais vuneiger. Illuisembla =. n’était plus beau plus doux, plus léger: que la neige. he QA dans son pays, mais a § bien sor, déja vude la 1- La Grande Pyramide de Chéops 2-A Venise, les batiments ont pour fonda- tions des pleux de boils trés dur. 3-La Grande Muraille de Chine, élevée au lle s. av. J.-C. par I'emp Qin Shi Huangdi.