Le Moustique De début décembre a début décembre 1922 devancant l'appel de sa classe pour étre plus vite libre de partir a la conquéte de Paris, le cavalier Simenon Georges accomplit son année de service militaire ; d'abord un mois environ en Allemagne occupée (Rote Kaserne a Aix-la-Chapelle), et le reste au 2e régiment de lanciers (caserne des Lanciers, boulevard de la Constitution a Liége)... ce qui lui permet de poursuivre, bien que « sous les drapeaux », sa carriére de journaliste ala « Gazette ». Le 2 mars 1922, suicide, par pendaison a la clenche du portail de l'église Saint-Pholien, du peintre Joseph Jean Kleine, 24 ans. Dans la « Gazette » du lendemain, l'article relatant ce fait divers (non signé, mais de G. Sim) a pour titre : « Un désespéré se pend a la porte d'une eglise ! Une victime des stupéfiants ». Dans Un homme comme un autre, dicté cinquante ans plus tard, le mémorialiste situe par erreur le suicide du jeune Kleine le jour de Noél. Dans le roman le Pendu de Saint-Pholien, Emile Kleine se pend a la mi-février. fa « Gazette de Liege » publie le 784e et tout dernier billet quotidien (« Causons ») de Georges Sim ; le lendemain parait son tout dernier article, une chronique théatrale - « Au Forum, Berthe Bovy, les Liégeois et la Presse ». A la mi-décembre 1922, prend a la gare des Guillemins le train de nuit pour Paris ; au petit matin, débarque gare du Nord et gagne, sous Ia pluie, son premier logement parisien : une chambre sous les toits a "hétel Bertha, rue Darcet (17e arr.). Il est engagé comme garcon de courses a la Ligue des chefs de section et des anciens combattants. avenue Beaucour, présidée par le journaliste d'extréme droite et écrivain Binet-Valmer. 24 mars 1923, mariage a Liége (église Sainte- Véronique) de Georges Simenon et de Tigy. De mai 1923 au printemps de 1924, travaille comme secrétaire au service du marquis Raymond d'Estutt de Tracy. A ce titre. il résidera le plus souvent a l'un ou "autre des domiciles de son patron : au chateau de Paray-le-Frésil (Allier) ; a I'hétel de Tracy, rue Creuse a Nevers ; a I'hétel particulier du 37 rue La Boétie a Paris : au chateau de Tracy (Niévre) ; ou encore a Aix-les-Bains (Savoie)... C'est aussi le début de !'époque des 150 nouvelles et contes divers (70 pour «le Matin» dont Colette est la directrice littéraire)... et des contes galants pour une douzaine de revues et journaux légers (surtout « Froufrou », mais aussi «|'Humour», « Paris-Flirt », « Paris-Plaisirs » et « Sans-Géne » : en tout prés de mille contes galants publiés de 1923 a 1932 !). Printemps 1924. de retour a Paris. Georges et Tigy logent dans une chambre meublée de I'hdtel Beauséjour, au 42 de la rue des Dames (17e arr.). Grace a la vente d'un tableau de Tigy, Georges et sa femme découvrent avec emerveillement l'ile de Porquerolles, ot ils feront par 2 suite de frequents et parfois longs séjours (d'avril a septembre 1926 : printernps 1934 ; une bonne partie de “année 1936 : fevrier et printemps 1937 ; mars 1938). S'il a quitte le service du marquis de Tracy pour rejoindre la 4 4 Capitale. c'est pour y mettre en ceuvre son plan Volume 6 - 2¢ Edition ISSN 1496-8304 Février 2003 « gagner le plus d'argent possible en écrivant des livres puis m'installer et faire de la littérature » (cité par P. Assouline)... C'est au cours du printemps de 1924 qu'il écrit, en quelques jours, ala terrasse d'un café de la rue Caulaincourt prés de la place Constantin-Pecqueur, le Roman d'une dactylo, qui paraitra dés l'été suivant chez Ferenczi, sous la signature de Jean du Perry. Ce sera le premier des quelque 190 romans populaires (légers, sentimentaux ou d'aventures) qu'il écrira en sept ans sous dix-sept pseudonymes différents, pour vingt collections diverses chez huit éditeurs. Eté 1925, vacances a Etretat. Ici se situe l'engagement comme servante d'une des filles d'une famille de pécheurs de Bénouville, Henriette Liberge, dite « Boule», vingt ans a peine... Servante, trés vite « servante-maitresse », Boule, « engagée pour un an, restera toute une vie auprés de celui qu'elle appelle « mon petit monsieur joli », et sera pour lui la fidélité faite femme » (cit, P. Assouline). Elle vit aujourd'hui encore auprés de Marc et Myléne, a Porquerolles. L’été 1927, a l'ile d'Aix (ces vacances loin des nuits de Paris marquent la fin d'une liaison tumultueuse et passionnée avec Josephine Baker... Un projet de « Joséphine Baker's Magazine » avait presque vu le jour, dont Sim était le rédacteur en chef et le seul journaliste ! Il déclarera plus tard qu'il avait tout rompu parce que, lui-méme encore inconnu, il avait eu « peur de devenir M. Baker »). Durant l’année 1928, a bord du Ginette, un ancien canot de sauvetage de 5,5 m de long muni d'un petit moteur de 3 CV, six mois de navigation sur les canaux et riviéres de France, en compagnie de Tigy, de Boule, et du chien Olaf... tout en continuant d'écrire force contes et romans populaires. Ce périple fluvial sera raconté en 1931 dans un numéro spécial de « Vu » (Une France inconnue, ou l'aventure entre deux berges) et plus tard, en 1937, dans « Marianne » (Long Cours sur les riviéres et canaux). Hiver 1929, Il fait construire et gréer, par les chantiers G. Argentin de Fécamp, un robuste cotre de 10 m de long sur 4 de large, |'Ostrogoth, remonte la Seine a son bord et le fait baptiser, au square du Vert-Galant, par le curé de Notre- Dame. L'Ostrogoth sera, du printemps de 1929 a fin 1931 (revente en décembre), son habitation flottante quasi permanente : départ par les canaux jusqu'a la Meuse, Belgique, Pays-Bas, Allemagne (Emden). Puis |l'Ostrogoth sera refoulé de Wilhelmshaven, son capitaine étant soupconne d'espionnage (il écrit des nouvelles pour « Détective » !). Mais c'est a bord d'un bateau régulier qu'il remontera I'hiver suivant les cétes de Norvége jusqu'en Laponie (Kirkenes, non loin de la frontiére soviétique). Delfzijl (Pays-Bas). Pendant qu'on recalfate |'Ostrogoth, il s'installe inconfortaplement sur une vieille barge abandonnée et y écrit l'un de ses quatre « proto-Maigret » (sans doute Train de nuit... et non Pietr le Letton comme ce «forgeur de légendes » I'a toujours soutenu). Puis voyage au-dela du cercle polaire, 4 bord d'un bateau de cabotage cétier norvégien En 1930 a Stavoren (Pays-Bas), il compose les nouvelles des Treize Coupables. Sur ce long séjour en Europe septentrionale. un reportage paraitra en douze feuilletons dans « le Petit Journal » (Escales nordiques, mars 1931). Un autre est resté longtemps inédit (Pays du froid)