; E % , yee Cow sherte sninalatintinn. 30 P’TITES MINUTES. avec Roger Lacroix Le Soleil de Colombie, Vendredi 31 Mars 1978 7 (premiere partie) ‘You, speak White!” Roger Lacroix (Joseph Lucien), brigadier général com- mandant le 10e Groupement aérien tactique de l’armée canadienne, est agé de 47 ans. I] est né 4 Hawkesbury (On- tario), le 21 mars 1931, onziéme rejeton d’une famille de 16 enfants. Entré dans l’armée de l’air en mai 1951, il est ac- tuellement stationné a la base de Saint-Hubert (Québec), ou il nous a accordé cette entrevue téléphonique teintée de simplicité et d’humour. Par Guy O'Bomsawin Photos Forces canadiennes ; @ Quelle était la situation des Francophones a Hawkesbury, a l’époque ou vous y avez grandi? Je crois qu’elle était un peu plus difficile qu’au-. jourd’hui, quoique le poucentage des Francophones était a peu prés le méme. A l’école secondaire, par exemple, les bouquins d’histoire, de sciences et de mathématiques étaient en anglais; a l’usine ou j’ai travaillé un certain temps, les postes supérieurs étaient surtout occupés par des Anglophones. Mais je ne peux pas dire qu’on ne s’arrangeait pas bien avec eux. Plusieurs jeunes anglophones se deébrouillaient bien en francais, mais c’était plut6t nous qui avions de la facilité pour parler anglais. ’ @ Vous attribuez cela a quoi? Peut-étre a ce que nos bouquins étaient en anglais; on apprenait beaucoup plus d’anglais a l’école, qu’eux ap- prenaient le francais. Je me rappelle méme qu’a |’école anglaise, ou j’ai obtenu mon immatriculation ‘senior’, (parce qu’on ne I’offrait pas a l’école fran¢aise), notre pro- fesseur de francais ne savait pas dire trois mots en francais! Elle me demandait souvent de prendre sa place et d’enseigner a mes compagnons de classe. On pourrait noter d’autres anecdotes; la situation du frangais n’était pas trés saine a certains moments. J’ai donc enseigné tout en étant éléve, parce que l’institutrice était d’abord professeur de physique, et qu’elle avait comme tache secondaire de nous enseigner le francais. Revue des cadets a la base de Bagotville (Québec). Y e@ Ducété social, ca se passait comment? C’était assez bien partagé. Evidemment, lorsque j’étudiais a l’école frangaise, j’étais beaucoup plus porté a sortir avec des Francophones mais on sortait aussi avec j8 ous 88e PIVALA BWeIIU des Anglophones; on allait danser avec des amies anglophones. En allant a l’école anglaise, j’ai commencé a connaitre beaucoup plus d’Anglophones et ¢a été assez facile d’entrer dans leur milieu. Le brigadier général Lacroix recevant, du’ lieutenant general Carr, une plaque de merite. e@ Avez-vous senti qu’au départ il y avait, jusqu’a un cer- tain point, une certaine animosité parce que vous étiez fran- cophone? Non, pas dans notre cercle d’amis. Ca n’existait pas. Mais lorsque j’ai travaillée a la CIP, la on nous faisait sentir qu’il y avait des differences de classes. . n: La coexistence e Par contre, est-ce que les Francophones, ou vous- méme, considériez les Anglophones avec un air sceptique? Bien, ce n’était pas une animosité trés evidente; on n’aimait: pas les choses que disaient ou faisaient certains Anglais, le fait que ce soit les Anglophones qui occupent les bons postes, etc. . . Je me rappelle le temps ot mon pere était dans les affaires. I] était boucher, alors forcément bi- lingue, puisque la majorite de sa clientéle était anglophone. J’ai donc commencé trés jeune a faire la livraison, et il fallait que je parle anglais. e Etant alors prés du Québec, n’avez-vous pas eu envie a un moment donné d’aller vivre dans un authentique milieu francophone? Non, je n’ai jamais eu réellement le désir d’aller vivre au Québec. C’était peut-étre di a l’instinct du territoire. Je suis né en Ontario, j’y ai eu mon éducation et mes amis, et je souhaitais y rester. Il faut dire que je ne connaissais pas le Québec. Mainte- nant, c’est different. J’ai véecu a Québec pendant quatre ans, lorsque je suis entre dans les forces armées, et j’ai - beaucoup aimé la ville. On n’y est jamais géné d’étre fran- cophone ! “Speak White!” . e Est-ce que vous avez déja éprouvé une certaine géne d’étre francophone en dehors du Québec? Oh oui, embété méme! Je me rappelle le temps ou j’étais étudiant pilote. J’étais le seul francophone. Il y en — avait bien un autre de Rockland, mais lui était presque anglophone. Tous les autres parlaient anglais. Je devais prendre mon cours en anglais parce qu’il n’y avait rien en francais. Les gars qui étaient mes amis étaient réellement mes amis. Lorsque je me trompais en anglais, ils essayaient de me corriger afin que je réussisse mon cours de pilote. Ils m’ont beaucoup aidé a améliorer mon anglais. Ensuite, quand je suis devenu officier et que je me suis marié en 1953 a Rolande Hotte (une Canadienne francaise de l’Ontario, qui parlait assez bien l’anglais), nous sommes déménagés a Moose Jaw, en Saskatchewan. La, I’attitude des Anglophones a été plus dure. Ils sont moins flexibles dans ce bout-la. : Je me souviens trés bien de la premiere fois ol nous sommes entrés au mess des officiers. Nous étions avec des amis anglophones et nous parlions anglais. I] est arrivé un visiteur civil: un- homme assez agé, qui était membre associé du mess. I] était accompagné de son épouse, une Francaise. Dés qu’elle a su qu’il y avait des francophones, elle est venue nous rencontrer et elle a commencé a nous parler en francais. A un moment donné, un Anglophone est venu nous injurier en nous disant You. speak White /Alors la je me suis levé et je m’apprétais a le battre, quand mes amis l’ont jeté dehors. Pareille situation ne s’est jamais reproduite. A Moose Jaw, mon épouse a travaillé dans une phar- macie et chez Robin Hood. Les gars la taquinaient pas mal” a cause du francais, surtout quand venait le temps du foot- ball. La, on y gojitait. Mais dire qu’on a été bafoués, ce serait faux. @ N’avez-vous pas un peu taquiné les Anglophones, vous aussi? Ah oui! mais sans que ce soit sérieux, parce que réelle- ment, dans les forces armées il n’existe pas de discrimina- tion entre Francophones et Anglophones. I] y a peut-étre quelques racistes, mais la majorite des gens acceptent n’importe quelle race, n’importe quelle religion. Ou que ce soit, on s’accepte pas mal les uns les autres. Les pilotes de chasse @ Qu’est-ce qui vous a amené a la carriére militaire et au brevet de pilote? J’ai commencé a m’inteéresser a |’aviation alors que je Suite ala page 8 Ancien avion de chasse de type Harvard (1939-1965). (Ces texte sont fournis pa