BR ae eae - 12 Le Soleil de Colombie, vendredi 16 mars 1979 Jérome Lemay: artiste et pére de famille Aimable, souriant, nerveux, pressé, Jér6me Lemay désarme un peu au premier contact. Il est si peu conforme au modéle courant de la vedette, de la su- perstar du «one man _ show», qu'on a envie de lui parler com-. me a un vieux copain. Quand on le connait mieux, on en arrive a croire que c’est effectivement ce qu'il préfére. Parce que Jér6me Lemay est un homme tout simple, trés prés de la nature et qui fait son mé- tier avec conscience et amour et non pour la gloriole. Ce n'est pas qu'il déteste les applaudis- sements. Comme tous les artis- tes il en a besoin pour se sentir apprécié. Mais avant d’aller les chercher il travaille d'arrache- pied et ne se laisse pas facile- ment décourager. Tout le monde sait qu'il a été durement éprou- vé quand le duo célébre qu'il formait avec Jean Lapointe a été dissous. Catastrophé sur le moment, Jér6me Lemay s'est repris en main et, aujourd’hui, il sait et son public avec lui, qu'il peut fonctionner seul avec succeés. Il nous disait d’ailleurs a ce sujet: «Il m’a fallu prés de trois ans. pour redevenir moi-méme. J'ai travaillé énormément et ma carriére a pris une orientation nouvelle. Ce que je fais aujour- d'hui ne ressemble en rien a ce que je faisais avant. J'ai mis l'accent davantage sur la chan- son et je fais moins d'imita- tions, du moins a la télévision. Sur scéne, c'est différent. La seule imitation que je me per- mettrai 4 Vedettes en direct le Une splendeur: «Le Sacre du printemps» L’émission les Beaux Diman- ches, le 18 mars a 21 h 30, pré- sentera le Sacre du printemps de Stravinsky, une émission de Jean-Yves Landry qui met en ve- dette |'Orchestre symphonique de Montréal et son directeur musical Charles Dutoit. L'émission commence par un court documentaire de l'ONF sur l'illustre compositeur. Nico- las Nabokov, artiste, humaniste et président du Conseil mondial pour la liberté de la culture, vient annoncer a son ami Stra- vinsky la mort de Jean Cocteau. Et Stravinsky de parler lui aus- si de sa santé avant que. Nabo- kov évoque les nombreux voya- ges qu'ils ont faits ensemble et le retour triomphal de Stravinsky en Russie aprés la mort de Sta- line. : Nabokov poursuit ses confi- dences sur des images émou- vantes du compositeur déambu- lant sur le pont du paquebot Bremen, orgueil de la flotte al- lemande de |'entre-deux guer- res. Et il termine son envolée en évoquant le réle de Stravins- ky dans Ja musique et le ballet contemporains. La derniére sé- quence nous fournit l'occasion de voir le grand Georges Balan- chine diriger une répétition du ballet Apollon Musagéte, avec Jacques d'Amboise et Tanaquil Leclerc et les danseurs du New York City Ballet. La derniére image de’ ce bref documentaire nous montre Stravinsky au pu- pitre. Et le réalisateur Jean-Yves Landry nous montre Charles Dutoit au pupitre de |'Orchestre symphonique de Montréal diri- geant /e Sacre du printemps de Stravinsky (édition revisée en 1947). Il faut voir avec quelle maitrise, quel brio, Charles Du- toit dirige l’exécution du Sacre. Et ces images du réalisateur qui mettent en valeur non seule- 23 mars est bien personnelle. II ne s'agira ni d'une vedette de l’actualité ou du show-business, mais tout simplement de mon pére que j'imiterai dans un nu- méro rappelant les soirées La- cordaire & Rouyn, a I’époque ou je résidais encore en Abitibi. Mon pére jouait du violon et grattait assez bien la guitare. Comme il animait les soirées Lacordaire, il était une sorte de vedette dans son milieu et je l'admirais beaucoup, comme ma soeur Jacqueline, la seule avec moi dans la famille 4 avoir choi- si une carriére artistique. Ce numéro terminera |’émission et sera composé d'un bloc de trois” chansons intitulées Abitibi, la Griffe et Ris-en donc, rigaudon. Avant, je chanterai Le rideau s'ouvre, Plus qu'hier, moins que demain, les Gens heureux et la Reine du Paladium. Toutes ces chansons sont de moi, paroles et musique. Pour certaines, j'ai eu la collaboration de Mark Bradley.» Fait nouveau et qui étonnera sans doute les téléspectateurs ~ de Radio-Canada, a cette émis- sion de Vedettes en direct du 23 mars a 20 h 30, réalisée par Marcel Brisson, Jér6me Lemay sera entouré de ses trois en- fants: Sylvie, Michel et Jér6me junior. Il est évident que Jeéro- me Lemay prend plaisir a jouer avec ses enfants. Quand on lui en parle, ses yeux s’illuminent; son sourire s’élargit encore. Et lui qui avoue ne pas tellement aimer la musique classique dé- clare qu'il adore écouter jouer sa fille Sylvie qui étudie le pia- no et lui joue des mélodies qu'il n'écouterait sans doute jamais Jéréme Lemay a Vedettes en direct sur disque ou en concert. Jéré- me Lemay préfére d’habitude «la musique populaire bien in- terprétée, surtout avec grand orchestre, les Beatles par ex- emple». Du 28 au 31 mars, Jér6me-Le- may sera en vedette a la salle Maisonneuve de la Place des Arts. Outre Vedettes en direct et un spectacle 4 Québec, ce sont ces quatre soirées qui le préoc- cupent le plus en ce moment. Il s'y prépare depuis six mois et plus l'’échéance approche. plus sa nervosité augmente Pourtant, il devrait avoir con- fiance car il affirme luimméme qu'il est bien secondé, solide- ment épaulé: «J'ai toujours Charlemagne Landry comme ma- nager. C'est un homme extra- ordinaire. A 70 ans, il est resté d'une jeunesse d’esprit, d'une _Le Sacre du printemps ment les instrumentistes mais le chef et tout l’orchestre au service de l’oeuvre. L’émission est une réussite totale, une splendeur. Une réa- lisation digne de ce «Sacre qui a tout remis en question dans le domaine esthétique et mu- sical». Sous la direction de son chef attitré Charles Dutoit, l'Orchestre symphonique de Montréal joue la partition de Stravinsky avec autant de fines- se que de puissance et de raffi- nement dans un dispositif scéni- que de Léo Brisset et sous des éclairages de Jean-Guy Corbeil. Prise de son de Gabriel Loran- ger. Pour les téléspectateurs qui ignoreraient l'importance du Sa- cre du printemps dans histoire de la musique, rappelons que la premiére, dirigée par Mon- teux, fut un scandale 4 cause de la chorégraphie inepte de Ni- jinsky qui n’avait pas le génie de son ami Diaghilev comme chorégraphe. Mais «chose bi- zarre, a la répétition générale; écrit Stravinsky dans Chroni- ques de ma vie, répétition a la- quelle assistaient comme tou- jours de nombreux artistes pein- tres, musiciens, hommes de let- tres et les représentants les plus cultivés de la société, tout se passa dans le calme et j’étais a dix lieues de prévoir que le scandale pit provoquer un tel déchainement». Cela se passait le 29 mai 1913. Au sujet de la reprise de ‘oeuvre, cette fois au concert, Stravinsky écrit: «En avril 1974, le Sacre ainsi que Pétrouchka furent exécutés a Paris, pour la premiére fois concert, sous la direction de pour /e Sacre, aprés le scanda- le au Théatre des Champs-Ely- sées, une réhabilitation éclatan- te. La salle était archicomble. Le public, qui n’était plus dis- trait par le spectacle scénique, écouta mon oeuvre avec une attention concentrée et l'accla- onteux. Ce fut — ma avec un enthousiasme dont je fus trés ému et auquel j'étais _loin de m’attendre. Certains cri- tiques, qui avaient blamé Je Sa- cre un an auparavant, confessé- rent franchement leur erreur. II est évident que cette conquéte du public me donna alors une satisfaction profonde et dura- ble». C’est dans le méme ouvrage que Stravinsky s'explique sur l'essence de la musique. Propos qu'il est opportun de rappeler a l'occasion de ce merveilleux concert exécuté par l'Orches- tre symphonique de Montréal et - son nouveau chef attitré Char- les Dutoit d’une oeuvre qui a marqué profondément l'histoire de la musique. Toujours dans Chroniques de ma vie, Stravins- ky dit: .«..Je considére la musi- que par son essence, impuis- sante a exprimer quoi que ce soit: un sentiment, une attitude, un état psychologique, ‘un phé- noméne de la nature, etc. L’ex- pression n'a jamais été la pro- priété immanente de la musi- que. La raison d’étre de celle-ci n'est d’'aucune facon condition- née par celle-la. Si, comme c'est presque toujours le cas, Ja mu- sique parait exprimer quelque chose, ce n'est qu'une illusion et non pas une réalité. C'est simplement un élément addi- tionnel que, par une convention tacite et invétérée, nous lui a- vons prété, imposé, comme une étiquette, un protocole, bref, une tenue et que, par accoutu- mance ou inconscience, nous sommes artivés & confondre avec son essence. «La musique est le seul do- maine ou I’homme réalise le présent. Par l'imperfection de sa nature, l‘homme est voué a subir |'écoulement du temps — de ses catégories de passé et d'avenir — Sans jamais pouvoir rendre réelle, donc stable, celle du présent. «Le phénoméne de la musi- _ que nous est donné a la seule fin d'instituer un ordre dans les choses, y compris et surtout un ordre entre /’homme et le temps. Pour 6tre réalisé, il exi- ge donc nécessairement et uni- quement une construction. La construction faite, l’ordre at- teint, tout est dit. Il serait vain d'y chercher ou d’en attendre autre chose. C’est précisément cette construction, cet ordre at- teint qui produit en nous une émotion d'un caractére tout a fait spécial, qui n’a rien de commun avec nos_ sensations courantes et nos réactions dues a des impressions de la vie quo- tidienne. On ne saurait mieux préciser la sensation produite par la musique qu’en lidenti- fiant avec celle que provoque en nous la contemplation du jeu des formes architecturales. Goethe le comprenait bien qui disait que l’architecture est une musique pétrifiée.» : : Aujourd’hui, /e Sacre du prin- temps n‘étonne plus les auditoi-. res des salles de concert mais la partition de Stravinsky de-— meure toujours aussi dynami- que et riche d’exemples d’une musique qui «résume tout. l'art moderne» de 1913. Le Sacre du printemps, une réalisation de Jean-Yves Landry, a la télévision de Radio-Canada le 18 mars a 21 h 30. ? Claude Lacombe Fiche technique Caméramans .... Robert Beauchemin Claude Bérard Michel Desbiens Georges Laramée Jean-Jacques Valliéres Chef machiniste .... Martial Tessier Maguillage ........ Marielle Lavoie Dispositif scénique .... Léo Brisset Contréle de I'image .... Robert Tremblay Aiguilleur ...... Herman Tremblay Eclairage ........ Jean-Guy Corbeil Prise de son .... Gabriel Loranger vitalité au moins égales a celles des jeunes qui travaillent avec noi: mon chef d’orchestre Guy Desjardins qui n’a que 21 ans et non attaché de presse Jacques Juimet qui en a 23.» Quand Jér6me Lemay ne pré- dare pas un spectacle, qu’est-ce qu'il fait? «Oh, bien des choses... Pour commencer, juste avant le spectacle a la Place des Arts, je vais aller passer huit jours a Miami, pour relaxer totalement en oubliant le travail. Mais je ne voyage pas toujours comme ¢a. Je préfére les excursions de chasse et de péche dans le Grand Nord. Vous savez que mon sport préféré est |'aviation. J'adore piloter moi-méme. J'ai mon brevet de pilote et je peux faire voler 23 types d’avion: du petit Super Cub a deux places, le pilote et un passager... dans son dos, jusqu’au Navaro a huit passagers. La plupart de mes envolées se sont passées sans histoire. Il. m’est bien arrivé trois atterrissages forcés dans ma carriére. Mais a chaque fois, je m’en suis tiré sans trop de mal.» Autres sports? Oui, Jér6me Lemay fait du ski alpin avec ses enfants et |’été, de la natation a la piscine familiale. Une vie d’artiste qui se rapproche da- vantage de la vie de bon pére de famille que ce qu'on croit d'habitude. Quand on connait mieux I'homme, on ne |'imagine pas autrement. Fernand Coté sme Société aces) Radio- ‘32’ Canada Assistant a la production .... Jules Lazure Assistante a /a réalisation .... Marielle Bellemare Direction technique .... René Yelle Réalisation .... Jean-Yves Landry © Aprés le Sacre du printemps, les téléspectateurs des Beaux Dimanches pourront voir, a 22 h 15, un court métrage de Raynald Habert intitulé Tony Hunt: un artiste Kwakiult. Le narrateur du documentaire, Jean-Paul Nolet, nous décrit le délicat travail de Tony Hunt qui grave un dessin traditionnel de sa famille sur une cuiller en argent. fn bref... © A l'intention des tout-petits, Radio-Canada présente, le diman- che 18 mars a 9 h 30, le premier épisode d'une série intitulée Kébékio au pays de convoitise. ® Pour les jeunes téléspecta- teurs, Radio-Canada met a I'af- fiche, € compter du lundi 19 mars & midi, une nouvelle série de douze émissions réalisées par la Télévision suédoise et in- titulée les Travaux d’Hercule Jonsson. || s'agit des difficultés d’'apprentissage d'un garcon. de douze ans qui décide de chan- ger de réle avec son pére. @ Au programme de Musique miniature, le dimanche 18 mars a 13 heures, les pianistes’ duet- tistes Edward Lincoln et Robert Stanceland. Ils joueront Jésus, que ma joie demeure de J. S, Bach; Romance de la Deuxiéme Suite pour deux pianos de Rach- ‘maninov; Rythmes bulgares -et Chanson populaire hongroise de Bela Bartok et, pour terminer, un court Canon en blanc et noir de Claude Debussy. Animateur: Normand Séguin; réalisateur: Armand Baril, CBXFT. Sis