Le Soleil, novembre 1994 - A3 Metropolitan Toronto Library LE REVEREND HENSON ET SA FEMME. Ancien esclave ayant une grande influence parmi les siens, le révérend Josiah Henson commanda une compa- gnie de volon- taires noirs dans Il'Essex Militiaa Windsor, en Ontario, pen- dant le Rébellion de 1837. Les réformistes admi- raient certes les institutions démo- cratiques américaines mais, pour les esclaves fugitifs, les Etats-Unis signi- fiaient la servitude. La filiére du rail C’était le nom du réseau de communications qui permettait d’acheminer les esclaves fugitifs vers les petites villes canadien- nes. Malgré ce nom il ne s’agis- sait ni d’un train ni d’une ligne ferroviére, mais plutét d'une orga- nisation clandestine qui se consa- crait a l’abolition de l’esclavage. Les personnes qui oeuvraient au _sein de la «filiére du rail» avaient pour mission de guider les fuyards toutle long d'un systeme de routes secrétes, qui allait du sud des Etats-Unis jusqu’au Canada. La Loi de 1793 En juillet 1793, le Haut-Ca- nada adopte une loi sur |’escla- vage qui ne modifie en rien le statut des esclaves. Elle a plutét pour but de prévenir l’esclavage. Elle stipule que dorénavant, les enfants nés de parents esclaves en territoire canadien seront libres a l@ge de 25 ans et que leurs propres enfants seront libres dés leur naissance. Al’opposé, durant la méme année, le Congrés amé- ricain passe une loi sur les escla- ves fugitifs qui renforce encore davantage leur servitude. Devant ces deux attitudes si différentes en regard de l’esclavage, il est facile de comprendre pourquoi tant de noirs américains prirent la dé- cision de s’évader. Le Révérend William King, né en Irlande et éduqué en Ecosse, ce pasteur prebytérien, fonda en 1849 le . centre de Buxton ou Elgin pour les esclaves fugitifs. Situé a proximité immédiate | de Chatham dans le canton de Raleigh, ce centre devint en une dizaine d'années le village noir le plus prospére du Canada, entiérement auto-suffisant et abritant une population de 1200 anciens esclaves. La croisade anti-esclavagiste Au XiXe siécle, les idées anti- esclavagistes se répandent un peu partout en Europe. La Révolution fran- gaise contribue sans doute a cet état . de choses. Au Canada, les plus ar- dents abolitionnistes appartiennent a diverses couches de fa société, mais celui qui méne vraiment la croisade pour l’abolition de l’esclavage est le premier lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, en 1791, John Graves Simcoe. A titre de membre du parie- ment britannique, il a déja affiché, dans le passé, ses idées sur la ques- tion quand il s’est battu pour interdire limportation d’esclaves dans les co- lonies anglaises. Dans le Haut-Ca- nada, il rencontre une vive opposition de la part de ses confréres Peter Russel, Alexander Grant, James Baby, Richard Cartwright et Robert Hamilton. ll faut noter que ces derniers possé- dent eux-mémes des esclaves. Vers la terre promise Pour les noirs qui habitaient dans le sud des Etats-Unis, le Canada devait paraitre une terre bien loin- taine. De plus, afin de les décourager contre toute idée d’évasion, les esclavagites leur racontaient que le Canada était un pays complétement gelé, et que les conditions de vie y étaient absolument épouvantables. L’un d’eux se plaisait méme a leur dire: «Les abolitionnistes sont des can- nibales, ils vous font venir chez eux pour vous engraisser et vous faire bouillir.» Mais les soldats qui descen- daient vers le sud, venant du Missouri, du Kentucky, du Tennessee et de Virginie tenaient un autre langage. Ils racontaient que les noirs étaient mieux traités au Canada et que le gouveme- ment se chargeait méme de les dé- fendre. De plus, en cours d’évasion, les Noirs découvraient qu’ils pouvaient compter sur l'aide des anti- ’ esclavagistes. II est difficile de situer lorigine exacte de ce mouvement, que |’on appelait «La filiere du rail», car jamais ceux qui en faisaient partie ne firent de déclaration officielle ou _ 6tait surnommée Harriet Les chemins de la liberté Lorsque la nouvelle de I’abolition de l’esclavage au Ca- nada parvint dans les plantations du sud des Etats-Unis, des milliers d’esclaves noirs franchirent la frontiére pour trouver refuge au Canada. Entre 1820 et 1863 ils furent prés de 40 000 mille a prendre le chemin qui devait les conduire vers Ia liberté. BAIE GEORGIENNE LAC HURON OWEN SOUND COLLINGWOOD _ gtUCAN HAMILTON F e@LONDON ‘NIAGARA FALLS FORT ERI PORT STANLEY, eDRESDE PORT BURWELL DETRO! eCHATHAM INDSOR #BUXTON SANDWICH ~ erie © AMHERSTBURG Lac pataet Dép. detechniques cartographiques de Limoilou CATHARINES 2; ETATS-UNIS D’AMERIQUE TERMINUS. Principaux points d'entrée et centres d'établissement des esclaves qui suivirent la fili¢re canadienne. relatérent par écrit les événements qui entouraient leurs activités. Un langage image pour des opérations secrétes Ce mouvement qui s’était formé pour combattre une grave injustice sociale possédait un langage particu- lier et tout a fait original pour parler de ses opérations. Avec l’avénement du chemin de fer aux Etats-Unis, les abolitionnistes eurent|’idée de se ser- vir du vocabulaire ferroviére pour ca- moufler leurs activités anti- esclavagistes. Ainsi ceux qui faisaient passer les esclaves a pied, a cheval, ou encore cachés dans des charrettes et des bateaux, étaient des «agents» ou des «conducteurs.» Les fugitifs eux- mémes qui se sauvaient, cachés dans des caisses ou déguisés, étaient ap- pelés des «marchandises» ou des «passagers». Les points ollles fuyards devaient changer de route ou bien se cacher momentanément devenaient des «gares» et ceux qui leur fournis- saient des églises, des granges, des caves ou des greniers comme cachet- LE MOISE NOIR. Ainsi Tubman. Elle s'installa en 1851 a St. Catharines, en Ontario, et entreprit au moins 15 expéditions dans les Etats esclavagistes, pour y libérer quelque 300 escia- ves. , tes, étaient évidemment des. «chefs de gare». Ilva sans dire que dans ce réseau compliqué de communications, les routes devenaient des «lignes» ou des «voies ferrées» et les points d’ar- rivée, étaient des «terminus». Quant aux donateurs d’argent et de vivres ils étaient baptisés, «ac- tionnaires». D.B. Weldon Library, Western Ontario University ~