5 - Le Soleil de Colombie-Britannique, vendredi 28 avril 1995 Un contrat social pour les «prédélinquants» Pour éviter aux «prédélinquants» issus du milieu scolaire dese retrouver dans le milieu carcéral, le gouvernement frangais se cherchait des solutions depuis des années. Il vient d’en trouver une grace au psychiatre René E.Tollemer, qui dirige prés de Toulouse un centre d’ accueil et de médiation quia réussi, 4 force d’encadrement, de dialogue et, en faisant signer aux jeunes un contrat deréinsertion, 4 remettre surle droit chemin ‘vingt-huit délinquants sur les trente accueillis depuis trois ans. Le docteur Tollemer était de passage 4 Vancouver cette semaine pour un colloque organisé par |’ Université Simon Fraser intitulé «les désordres mentaux et la justice criminelle : les changements, les challenges et les solutions», rassemblant des spécialistes venus d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Australie. PAR HELENE PERONNY René Tollemer est 4]’origine de la création d’un centre d’ accueil pour les «pré- délinquants» de 10418 ansissus du — systéme scolaire. Un centre unique dans le sud de la France, méme s ilenexistecing autres dans ensemble du pays. Le Service d’éducation spécialisée et de commence par faire un bilan sur le Jeune qui nous arrive. Puis, lorsque le jeune est encadré et en confiance, le service lui fait signer un contrat de rééducation, impliquant aussi - sa famille. Ce contrat contient les termes du projet d’exis- tence que l’on prévoit pour l’enfant délin- quant dans les mois a venir. En fonction du bilan fait par l’équipe, l’enfant est par contrat tenu de venir voir le soins 4 domicile d’ Aurinques qu’il _dirige n’existe légale- RenéE.Tollemer : «Cedésarroiest tel dans la jeunesse et au sein du corps enseignant que de plus en plus de jeunes on besoin de Vencadrement et du soutien que psychologue dans nos locaux a une fréquence décidée, accom- ment que depuis 1991 et déja, les pouvoirs publics, séduits par l’efficacité et le cofit réduit du systéme, prévoient d’étendre Vexpérience a d’autres départements. Le besoin est tel que la capacité d’accueil de dix enfants est déja passée a quinze. Une réponse immédiate L’originalité dela formule du docteur Tollemer et de son équipe repose sur la souplesse et Vadaptabilité. «Nousrépondons aux besoins dans les heures qui suivent la demande», explique le docteur Tollemer. La demande provient essentiellement des chefs d’établissements scolaires. «//s m’appellent quand ils ne savent plus quoi faire avec un éléve qui crache sur les tables ,cogne sur les profs ou méne la vie dure a toute la classe», expliquelemédecin. Maisle Service répond aussi aux besoins exprimés par 1|’inspection académique pour les parents, dont beaucoup sont démunis devant la conduite de leurs enfants qui volent, tapentetcommettent délits surdeélits. Face aces «prédélinquants», comme les appelle le médecin, le systéme francais était jusqu’alors presque impuissant et beaucoup se retrouvaient dans les mailles du systéme judiciaire, voire carcéral, passé 16 ans, l’Age jusqu’auquel l’école est obligatoire en France. Le _ docteur Tollemer a proposé une alternative qui séduit a la fois les jeunes, les enseignants, les parents et la justice. Un pari difficile! «Avec nos deux éducateurs, notre psychologue et moi-méme, on nous leur apportons» pagné ou non de sa famille», poursuit le psychiatre. Faire face au désarroi Comment expliquer ce succes? Le docteur Tollemer Vattribue al’ originalité dela formule, bien sir, mais aussi au désarroi qui sévit dans le systéme scolaire en France. «Ce désarroi est tel, dans la Jeunesse et au sein du corps enseignant, que de plus en plus de jeunes ont besoin de l’encadrement et du soutien que nous leur apportons», explique-t-il. Alors, la solution du docteur Tollemer, une panacée?Pas vraiment, carla formule ne s’applique pour |’instant qu’aux jeunes qui sont encore dans leurs familles, donc qui peuvent compter sur un soutien familial impensable lorsque le climat familial est dégradé. Reste que l”expérience pilote menée dans le département du Cantal laisse beaucoup d’éducateurs réveurs. Sur la trentaine d’enfants accueillis par l’équipe en trois ans, tous, a deux exceptions prés, sont revenus sur le circuit social alors que, statistiquement, leur cheminement les destinait presque immanquablement 4 la prison. «Les deux adolescents que nous n’avons pu récupérer seront peut-étre condamnés a quelques jours de prison plutét qu’a quelques mois», explique cependant le docteur Tollemer. Cette solution refléte en tout cas la nouvelle tendance des pouvoirs: publics frangais qui cherchent de plus en plus a trouver des solutions de remplacement 4 lVincarcération. | La téte dans les étoiles L’astronaute Bob Thirsk sera le premier Britanno-Colombien a partir dans l’espace. A 42 ans, il vient d’étre retenu pour participer, a titre de spécialiste de charges utiles, a la mission STS-78, sur la vie et la microgravité (LMS), prévue pour juin 1996. Pour ce médecin, quiest aussi ingénieur biomédical et qui enseignela physiologie spatiale al’ Université de Victoria, cette sélection marque l*aboutissement de onze années d’expérience opérationnelle a titre d’astronaute de l’agence spatiale canadienne. Nous nous sommes entretenus aveclui avant son départ pour lePayload Orientation Training, un programme d’entrainement encharges utiles offert au Marshall Space Flight Center a Huntsville, en Alabama. Le Soleil : L’équipe de la mission STS-78 va mener 22 expériences dans !’espace, dont 16 rattachées au domaine médical. En quoi vont-elles consister? Robert Thirsk : «A bord de Spacelab, un laboratoire spatial international entiérement équipé qui sera situé dans la soute de la navette, nous allons étudier les changements physiologiques en condition de des matériaux. Qu’est-ce que cela recouvre? R. T. : «Nous voulons mieux -comprendre la structure et la propriété de ces matériaux pour améliorer les techniques de traitement et de fabrication utilisées sur terre, et il se trouve qu'il est plus facile de produire des substances pures dans l’espace que sur terre. Parmi les produits Robert Thirsk : «les instants de loisirs sont des moments privilégiés pendant lesquels le vrai bonheur, c’est d’observer la planéte bleue!» microgravité et les mécanismes d’ adaptation a ces conditions. Cela veut dire que nous allons explorer les effets de l’apesanteur sur les muscles, le coeur, les poumons et les os. Une expérience canadienne sur la rotation du torse, congue par une équipe de l’Université McGill aura aussi pour but d’étudier des changements neurobiologiques et visuels que peuvent subir les astronautes pendant la période d’adaptation a l’espace. Elle permettra de faire des rapprochements entre le «mal de l’espace» et la nausée, ce qui aidera Amieux comprendre le vertige. Nous nous intéresserons aussi aux rythmes du sommeil. Certaines expériences seront menées a partir denos échantillons de sang, de salive et de muscles: D/’autres_ seront faites sur des plantes, des cellules ou encore des embryons d’insectes.» Le Soleil : Les six autres expériences concerneront la cristallisation des protéines, la physique des fluides et la science qui présentent le plus grand potentiel, on retrouve les produits pharmaceutiques, les cristaux et les . matériaux semi-conducteurs, les céramiques -et les verres, ainsi que les métaux et — les -alliages.» LeSoleil: Voila pour!’ aspect technique. Sur un plan plus personnel maintenant, est-ce que vous avez toujours voulu étre astronaute? R.T. : «Celaremonte amonenfance. Petit, j’étais fasciné par les missions américaines et russes et je me disais que, moi aussi, j’aimerais bien explorer cette nouvelle partie de l’espace. Mais, 4l’époque, comme il y avait juste des Russes et des Américains qui partaient, je pensais que si on avait une autre nationalité, on ne pouvait pas devenir astronaute! Celanem’a quandméme pas empéché de m’intéresser de prés aux mathématiques et aux sciences. Par la suite, mes parents et mes professeurs ont influencé mon choix de carriére. Mais c’est seulement en 1984, quand le Canadas’ est impliqué dans la conquéte de l’espace, que j ai commencé a y croire.» Le Soleil : On se fait aujourd’ huiencore une idée un peu bizarre des astronautes. Quelles qualités particuliéres doivent-ils avoir? R. T. : Des qualités professionnelles d’abord. Ils doivent avoir une excellente formation en mathématiques, en sciences et en technologies. Cela veut dire qu’il faut détenir deux ou trois diplémes universitaires en sciences ou en physiques, ou dans des disciplines de ce type. Moi, par exemple, je suis titulaire d’une maitrise en génie mécanique et d’un doctorat en médecine. Quant aux qualités humaines, elles n’entrent en ligne de compte qu’en fin de sélection. L’essentiel, je crois, c’est d’avoir d’excellentes facultés d’ adaptation, car les vols sont de plus en plus longs et rassemblent de plus en plus d’astronautes d’origines et de cultures diverses. Les membres de Véquipage doivent donc étre capables de travailler longtemps ensemble, dans un espace qui ressemble davantage 4 une petite cuisine qu’a un hétel Hilton ..» Le Soleil : A moins de trois mois du début de la mission, est-ce quevous avez peur? : R. T. : «Oui, bien sir, méme si c’est plus de |’ anxiété que de la peur. J’en ai parlé avec d’autres astronautes, il parait quec’est naturel! Jem’ attends “a ce que ma peur augmente a l’approche du jour J. Ils disent tous qu’au moment du _ deépart, l’appréhension est telle qu’on entend juste les battements saccadés de son pouls et la résonnance des bruits environnants qui nous parviennent démesurément amplifiés. En attendant cette grosse peur, j’ai surtout peur de laisser ma famille derriére moi s’il m’arrivait quelque chose. Je me raisonne en me disant que je vais vivre une aventure extraordinaire. On part aseptetga va étre comme un grand camping trip dans 1’espace!» : Le Soleil : Comment avez- vous réagilorsque vous avez appris que vous étiez sélectionné? R. T. : «Je ne suis pas du genre a sauter de joie et 4 hurler. Mais je crois quej’ai affiché un grand sourire. Dans les jours qui ont suivi, j’ai ressenti une émotion trés ¢trange, faite d’une paix intérieure intense et d’un sentiment d’ excitation énonme. J’avais l’impression de flotter avant Vheure!» Le Soleil: Avez-vous prévu d’emmener des livres, des photos ou des objets particuliers dans espace? : R.T.: «Non. Jepense quejen’ aurais ‘pas le temps de lire, d’écouter de la musique ou d’étre nostalgique. Tous les astronautes que j’ai rencontrés mont dit laméme chose : les instants de loisirs sont des moments privilégiés pendant lesquels le vrai- bonheur, c’est tout simplement d’ observer la planéte bleue! On aura tout le temps de faire le reste au retour.» ” Propos recueillis par Héléne Peronny