La Voix des Kootenays Conte de Noél Le loup au grand coeur Jérémie, le trappeur, va s'enfoncer dans la forét pour enlever ses piéges une derniére fois, lorsqu'il entend un bruit inhabituel. Il a l'oreille fine et il est familier des bruits propres aux foréts et aux grandes étendues vierges. Tous ces craquements infimes, frélements, cris, bruissement de feuilles, il les connait. Cette fois, on dirait une plainte. Doucement, il s'approche de la riviére. Sur les grands rochers plats qui la bordent, il y a des tas de débris d'arbres, des branchages. Une tache blanche s'en détache. Jérémie avance sans bruit et découvre, sur un rocher, un loup étendu. Un magnifique loup dont la fourrure blanche comme la neige est tachée de sang. Jérémie ne sait trop quoi faire. Bien sar, il connait la réputation du loup blanc. Depuis des années, on raconte tant d'histoires a son sujet. Il est le chef incontesté d'une meute nombreuse, et sa renommée est immense. On sait que ce loup a tenu téte seul a un ours énorme. On sait aussi qu'un jour ot la forét brdlait, Loup- Blanc a conduit sa meute vers la sécurité. Et le voila blessé, mourant peut- étre? « Que faire ? » se demande Jérémie. Enfin, Jérémie se met au travail. Il fabrique un brancard pour pouvoir transporter la béte jusqu'a sa cabane. Puis, pendant sept jours et sept nuits, Jérémie s'occupe du loup blanc. Il va chercher de l'eau a la source pour laver ses blessures. Il va cueillir pour lui les plantes qui guérissent. Jérémie veille sans se ménager, sans méme songer au temps qui passe et a I'hiver qui risque d'arriver brusquement. Le loup blanc est couché devant le poéle qui ronfle. Ses yeux sont fermés. Va-t-il revenir a lui? A l'aube du huitiéme jour, le loup blanc ouvre les yeux et se léve. Il est sauvé. Jérémie dort encore. Au réveil, constatant le départ de la béte, Jérémie est content. Il se dit: « ll a reprit sa liberté et c'est trés bien ainsi. » Maintenant, il n'y a plus une minute a perdre. Il faut sortir de la forét avant que la neige et le froid n'empéchent son retour vers le village. Alors, sans perdre une seconde, Jérémie charge son traineau, ferme sa cabane et se met en route. Le froid est déja gringant. La premiére neige tombe. Jérémie marche depuis plusieurs heures. Le vent se léve. Des amas de neiges couvrent le sentier. Jérémie chausse ses raquettes. Mais on ne peut plus avancer tant la poudrerie siffle et tourbillonne autour de lui en l'aveuglant. Jérémie s'arréte et se met a l'abri pour la nuit. Quand le jour se léve, tout est blanc. La forét est superbe. Le vent est plus calme. Jérémie enfile ses raquettes a nouveau. Il tire son traineau rempli de ballots de fourrure derriére lui. Il marche des heures. II lutte contre la fatigue et le froid. « Ah! Si je n'étais pas parti du campement si tard », songe-t-il. Il ne veut pas penser aux soins donnés qui 16