er 10 Chronique Le Canada a besoin d’une nouvelle stratégie d’espoir par Keith Spicer : Les Canadiens se sont toujours plu a croire qu’ils possédent le génie du compromis. I] est au moins aussi facile de prouver que notre don consiste, plutot, a transformer chaque atout en probléme. Vu de loin, le Canada c’est le paradis. De lVintérieur, le Canada apparait a certains Canadiens comme une vision dantesque de Penfer. Soyons honnétes: nous sommes tous plus ou moins coupables de décrier le Canada. Notre facon a nous de parader notre patriotisme, c’est de dire du mal de cette nation sans nationalité, si vaste et si fragile. A bien y regarder, le Canada est un renversant défi de perspective— perspective de l’esprit et du coeur. Mais pour vraiment saisir qui nous sommes et ce que nous avons entre les mains, le mieux est sans doute de nous regarder par les yeux de Phumanité. Il y a huit mois, le Forum a entrepris une sorte d’opération chirurgicale 4 ame ouverte sur 26 millions de Canadiens, pour tenter de discerner comment les citoyens voient leur avenir. Dans ce rapport, nous résumons comment nous nous y sommes pris, ce que nous avons entendu et ce que nous en pensons. Nous avons commis quantité d’erreurs—le plus souvent en tech- nicolor. Pourtant, en dépit de tous nos errements, je crois que nous avons su inventer, sur le tas, un processus démocratique que les Canadiens ont trouve libérateur. Notre travail pourrait bien s’avérer une planche de salut tendue par le peuple pour aider les politi- ciens a franchir quelques gouffres périlleux sur le chemin de nouvelles solutions. Nous avons fait de notre mieux pour écouter attentivement les citoyens. Nous avons tenté d’améliorer le climat du dialogue entre nos populations cloisonnées, souvent furieuses, déboussolées et pleines de contradictions. Enfin, nous avangons ici quel- ques opinions et suggestions qui nous sont propres. Nous tentons par 1a de traduire concréte- «Ce pays un pays. Si c’est le cas, peut-étre les Canadiens y entendront-ils, nuancée de réalisme, une petite musique d’espoir. Les observations qui suivent ne traduisent que mes opinions person- nelles, au-dela du consensus de notre groupe. Au cours du printemps, j’ai con- staté qu’une prise de conscience de soi anglophone, plus réfléchie et plus authentique, est en train de surgir et de grandir rapidement. Jy discerne une assurance nou- velle des anglophones et, entre autres promesses, l’esquisse d’un échange plus franc et plus ouvert avec le Québec. dehors du Québec—sont, et ont toujours été, les deux faces de la méme médaille: l’instauration, dans la pratique, du fair-play au profit de tous les citoyens parlant nos deux grandes langues de travail, le frangais et l’anglais. Mais c’est le Québec qui est au coeur de la question. Le Québec est la seule entité en Amérique du Nord ou les francophones peuvent se sen- tir complétement libres, respectés et protégés. La, parce qu’ils sont en majorité et controlent les institu- tions clés, ils peuvent défendre la saine prédominance de leur langue et de leur culture—celle-ci étant entendue au sens le plus large, = f coxir SHOOT > M4 THE MESSENGER. Toutes les vérités ne sont pas bonnes a dire... Ce mouvement, les gouvernants pourront le canaliser vers des posi- tions constructives dans lesquelles les francophones du Québéc, comme les Canadiens anglophones, se reconnaitront. Les Québécois s’entendront probablement plus facilement avec un Canada anglophone plus str de lui, plus cohérent et mieux campé sur ses principes qu’avec la constella- tion de juridictions et ment les valeurs et les meurt de positions «cana- réves que les citoyens diennes anglaises» qui ont exprimés si élo- d’ignorance» ont rendu notre sys- quemment, et de téme politique si dépasser certaines de leurs contra- dictions pour en tirer quelques grandes orientations pour |’avenir. Nous pensons que la plupart des Canadiens sauront reconnaitre leurs espoirs dans le parcours ainsi esquissé. Il est évident que je ne revendique pas la paternité exclu- sive du rapport. Celui-ci est le résultat de dures négociations entre une poignée de citoyens possédant une optique et des convictions sou- vent radicalement différentes. Les idées que nous présentons s’approcheront peut-étre de cet accord minimal dont les politiciens devront accoucher pour conserver distrayant pour les politicologues, si - payant pour les avocats et si déroutant pour nous tous. Du cété francophone, on dis- tingue a la fois une grande confiance dans le Quebec—teintée par plus de circonspection et d’ouverture d’esprit qu’on ne le croit a Vextérieur—et une grande inquié- tude des communautés franco- phones ailleurs au Canada. Un Québec culturellement fort n’est pas quelque «exigence nou- velle», comme certains le pensent, ni contraire au bilinguisme fédéral officiel. Le Québec et le bilinguisme fédéral—sans parler des quelques services provinciaux bilingues en Vendredi 5 juillet 1991 englobant toutes les fagons qu’ont les Québécois d’étre eux-mémes. Cela, ils le peuvent déja dans une trés large mesure a l’intérieur de la structure canadienne actuelle; et ils le pourront pleinement dans un Canada renouvele. La vitalité des communautés francophones ailleurs au Canada ne dépend pas seulement de leurs pro- pres efforts et de la compréhension des gouvernements provinciaux. Elle repose aussi sur les piliers jumeaux que sont la politique lin- guistique fédérale—dont les défauts d’application sont réparables—et un Québec culturellement fort. Tous deux ont besoin de l’appui ferme et non équivoque du gouvernement fédéral. A mesure que les Québécois et leur vingt millions d’alliés—souvent réticents et méme parfois irasci- bles—du Canada anglophone com- prendront mieux cette nécessité dans le contexte nord-américain global, je pense qu’ils se rejoindront plus souvent sur la méme longueur d’onde. Et c’est la le point de départ obligé de toute nouvelle entente durable. Nous avions réservé une place de choix aux autochtones dans notre consultation. Les Premiéres nations, loin de poser seulement un défi Le Soleil de Colombie moral et un «probleme» au Canada, doivent faire partie intégrante de toute solution. Premiérement, parce qu’elles peuvent nous aider a sentir cet immense territoire que nous parta- geons et nous apprendre a le respecter. Deuxiémement, parce que les autochtones tendent a abor- der les différends d’une maniére plus consensuelle, moins con- flictuelle, une approche que nos politiciens seraient bien inspirés de suivre. Enfin, avec leur culture riche et variée, les peuples autochtones peuvent inscrire notre vie et notre destinée au Canada dans une dimension spirituelle plus pro- fonde. En ce qui concerne la réforme constitutionnelle, j’exhorterai le gouvernement a reconsidérer son rejet d’une assemblée constituante, sous quelque forme que ce soit, ou d’un processus similaire qui per- mette aux citoyens de se sentir par- tie prenante a l’élaboration de la Constitution. Le gouvernement devrait, au contraire, encourager au sein du public un débat, sur la base d’une meilleure information des citoyens, concernant les avantages et les inconvénients de cette idée, et les diverses formes concrétes qu’on pourrait lui donner. La forme retenue, quelle qu’elle soit, devrait étre assortie de la garantie inviolable que ni le Québec, ni aucune région, puisse étre écrasée par des votes majoritaires: un consensus extréme- ment grand devrait étre une régle impérative. Nombre de Canadiens, parti- culiérement en dehors du Québec, s’interrogent sur tel ou tel aspect essentiel de cette approche, tout en la trouvant attrayante. C’est aussi mon cas, estimant que, ce faisant, on pour- rait au moins cerner les principes d’une nouvelle constitu- tion avant sa rédac- tion finale. Et cette méthode pourrait conférer a la loi fondamentale davantage de crédibilité que n’en permet le discrédit dont souffre le systéme politique actuel. Je pense également que, si nous parvenons a élaborer une nouvelle constitution, elle devrait étre soumise d’une facon ou d’une autre a la ratification du peuple. Une telle consultation pourrait prendre la forme d’un référendum, exigeant de fortes majorités d’avis favorables au Québec et dans toutes les régions; ou encore la forme d’un forum des citoyens qui serait manifestement non-partisan et procéderait a une consultation plus complete. Deux mises en garde: un tel pro- cessus devrait étre précédé par une négociation des plus exhaustives et étre congu de telle maniére qu’il nous unisse plus qu’il ne nous divise, Le Sénat. Une assemblée législa- tive non-élue, telle que notre «Nous devons tous... faire ce qu’il y a de plus difficile au monde: changer d’avis» Chambre haute, est un affront a la démocratie. Le comportement scan- daleux de certains sénateurs, ces derniéres années, n’a pas seulement éclaboussé les nombreuses person- nes de qualité qui siégent dans cette enceinte; il a ébranlé aussi la foi des Canadiens dans tout le régime poli- tique. Je suis partisan d’une étude sérieuse de formules telles qu’un Sénat «triple Ey (élu, efficace et a représentation égale) ou, peut-étre mieux encore, quelque variante du _ Bundesrat allemand—chambre haute de type «Conseil des provincesy—dont les chefs de gou- vernements provinciaux et leurs principaux ministres seraient mem- bres d’office. A défaut d’une réforme fonda- mentale, je pense, comme mes col-: légues, qu’il faut abolir le Sénat. Le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest restent notre derniére frontiere. Il faut que la voix de leurs habitants soit mieux entendue a Ottawa et a la table des négociations constitutionnelles. Nous devons apprendre a mieux connaitre les défis, le potentiel et la culture du Nord et faire en sorte que, dans Pimaginaire des Canadiens, le Nord devienne symbole d’unité. Notre pays, c’est ’hiver... Pour ce qui est du premier min- _ istre, je considére que notre consen- sus des commissaires traduit insuffisamment la colere dont il est la cible, et n’en analyse pas - suffisamment les raisons ni la si- gnification. Je trouve que notre rapport pré- sume un peu trop facilement qu’étre premier ministre et vilipendé vont de pair; et, de la méme facon, il traite un peu trop allégrement le pre- mier ministre comme juste un «politicien parmi tent des reproches. Qui posséde un grand pouvoir doit assumer la respon- sabilité de ce qu’il -en fait. Aujour- d’hui, le pays voue le premier min- istre aux gémonies. II se trouve que je le respecte bien plus que ne le font beaucoup d’autres, mais je con- sidére néanmoins que notre version consensuelle minimise le mécon- tentement dont il est Pobjet. Je me dois d’ajouter que le pre- mier ministre—méme lorsque la transparence de notre processus ne lui permettait plus d’ignorer que notre rapport s’en prendrait a lui et a plusieurs de ses politiques—a tenu la parole qu’il m’avait donnée, a savoir que notre rapport serait uni- versellement distribué aux Canadiens. En ce qui concerne |’environ- nement, je suis partisan d’en faire Vune de nos grandes priorités nationales, en équilibre raisonnable avec les besoins économiques légitimes des Canadiens. Les poli- tiques et mesures de contrdéle d’autres» qui méri- | j | |