) 8, Le Soleil de Vancouver, 4 septembre 1970, NOS ARTISTES CANADIENS FRANGAIS E L EST DECUE: "LE METIER EST PENIBLE QUE QUAND ON PEUT JOUER UN PREMIER ROLE...”’ Le regard étonné, aux expressions mouvan tes, Gaétane Laniel posséde sans conteste un visage expressif. Dés que le théatre canadien, qui n’a pas fini de se chercher, que ce soit a travers sa propre littérature ou celle des autres, reviendra a ses sources et lui confiera a nouveau un grand rdle, il aura retrouvé dans Gaétane, une de ses meillew res interprétes. Pourquoi imposer le snobisme d’une minorité a l'ensemble du public? Et quelles autres sources peut donc avoir le théatre si ce ne sont celles de plaire, d’amuser et d’émouvoir le public? On commence 4 se lasser des extravagances et de l’avant- gardisme; dépassé depuis long- temps dans les oeuvres des pays pilotes, que nous propose notre théatre. L’heure n’est pas loin de son- ner ou des producteurs avisés, précédant la demande feront a nouveau un choix raisonnable de programmes. Le théatre d’essai, le théatre contestataire, certes, mais pas trop! Pourquoi imposer le sno- bisme d’une minorité a l’ensem- ble du public? Vive le bon vieux et éternel mélo, la seule facon de passer deux heures agréables sans étre obligés de se casser la téte en se demandant sans cesse les pour- quoi et comment torturés de Vhistoire et sans oser le deman- der, faute de passer pour un ignare. En bavardant avec Gaétane Laniel, nous lui avons demandé ce qu’elle pensait de cette situa- tion. “Oui, il faut repoétiser le théa- tre. On ne va pas au théatre pour se reconnaitre. On y va pour un peu plus: se reconnaitre en mieux, s’idéaliser. Je crois que c’est ce dont le public a vraiment in. Il y a des modes, du théa-s tre d’études, du théatre d’avant- garde. Elles passent. Remarquez que chacune d’elles apporte quelque chose. Mais seul le mélo est éternel. On peut le contester. Cela passera.” “Pour moi, explique Gaétane, le théatre est une féte perpétuel- le, ponctuée de situations: soit cocasses, soit tragiques, mais toujours a la portée du spectateur autour d’une trame stylisée. Si je suis venue au théatre, c’est pour me dedoubler. En provoquant mon imagination, il me méne vers d’autres moi-méme. J’ima- gine que c’est cela aussi que le public cherche dans une piéce. Pouvoir jouer avec, se retrouver dans certains dialogues, dans certaines situations. Se retrouver lui ou plutdt, le personnage qu’il s’imagine étre en s’idéalisant un peu. J’ai essayé de jouer dans des téléromans mais ils sont vrai- ment trop tristement quotidiens. On a déja tant de soucis dans sa propre vie qu’on est peu enclins a partager ceux artificiels de per- sonnages fictifs! Je veux bien que les sociétés évoluées de consom- stamment et l’on est constam- ment soit dans le haut, soit dans le creux de la vague. Il n’est vraiment intéressant que lorsqu- "on joue des premiers réles. Parce que chaque grand role est une renaissance. Je l’ai découvert a mes débuts lorsqu’on m’a offert le réle principal de ‘Rideau Vert”, chez Mme Brind’Amour’”. —Que faites vous actuelle ment? —J’attends que la mode du théatre d’avant-garde s’apaise. La derniére piéce que j’ai jouée, c’est “Poil de Carotte.” Je fais beaucoup de post synchronisa- tion et cela me plait beaucoup. Je peux ainsi tenir des réles aussi divers que ceux de petit garcon, jeune fille, jeune femme et méme grand-meére. “Pour Radio-Québec, dans Pémission “Les Oraliens’’, pour- suit-t-elle, j’ai créé un person- nage amusant de marionnette: un perroquet que j’aime beau- coup. C’est un oiseau qui se croit beau. "DEPUIS DES ANNEES, SJ'ATTENDS QUE LA MODE DU THEATRE D‘AVANT- GARDE S’APAISE”’ mation aiment la tristesse. C’est la part du remords devant trop de bien-étre. Je veux bien qu’en Suéde, qui est le pays le plus évolué sur le plan des réalisations sociales au prorata du standing, la courbe des suicides soit la plus haute au monde. Ce sont ce qu’on appelle en sociologie des tendances d’équili- bre. Mais faut-il pour cela se vautrer dans la réalité quotidien- ne, dans le sordide des autres, a longueur d’années?. N’a-t-on pas besoin d’un petit coin du ciel bleu, au fond du petit écran, compagnon de nos heures de loi- sir? Pourquoi ne pas recréer la vie en plus beau?” Elle divertit les enfants, en attendant que les adultes la reconnais- sent —Que pensezvous de votre métier? : Je pense qu’il est beau mais qu'il est pénible. I] bouge con- et intelligent, trés vantard et excessif en tout. Par exemple, il ne sait pas chanter, mais pense étre doué d’une des plus belles voix du siécle. Il amuse beaucoup les enfants. Je crois qu’en attendant de diver- tir 4 nouveau les adultes dans une belle piéce de théatre, cette halte auprés des enfants qui constituent un public pur, dégagé de tout préjugé, est non seulement un repos et une joie mais aussi une mission.” JEAN BRAT- UNE ANNONCE DANS LE SOLEIL EST UN MESSAGE A env. 10,000 PERSONNES, LA DERNIERE PIECE qu’a jouée Gaétane Laniel, c‘est “Poil de Carot- te’. Depuis,-elle attend. . . JOURS DE FRANCE European Rews 1044,rue Robson