Le Moustique J’ai du mal a croire que les Indiens raffolaient de ces animaux a la grasse odeur de poisson. Il semble quiils chassaient surtout le chien de mer qui lui, est un vrai phoque, le phoque commun ; celui que les Anglais appellent harbour ou hair seal. C’est aussi celui a la téte duquel on jette un morceau de pain, dans les ports de plaisance a Victoria. Ceux que l'on voit se vautrer ici, un peu comme dans la « Mort de Sardanapale » par Delacroix, sont des lions de mer, un peu moins appréciés des Indiens. Leur plat favori, c'est l’otarie a fourrure dont ils sont friands pour la fourrure, bien str, mais aussi pour la chair et tout particulierement leur graisse. L’huile de phoque est l’absolue quintessence de ce qui fait l’odeur fade de cet animal. En comparaison, I’huile de foie de morue est un nectar. Et cependant, le plus grand plaisir des Indiens de la cdéte consiste, en automne, a boulotter des mares, des framboises locales ou des baies de salal, ttempées au préalable dans cette huile froide et visqueuse. Je crois, cette fois, étre parvenu a rendre ma fille compléetement malade. Nous fuyons l’endroit alors que, dans une immense clameur victorieuse, les lions de mer rugissent de satisfaction en voyant les inttus que nous sommes les _laisser finalement en paix. Nous ne savions pas que ces monstres marins avaient une arme secréte : une senteur « sui generis » que l’allure de ces sympathiques animaux ne laissait pas prévoir. Pour nous en éloigner, nous courrons presque sur un replat gris sombre parsemé de blocs 6 rocheux Clairs, aux formes Volume 5 - 7° Edition ISSN 1496-8304 Suite... disparates. Ils créent un paysage aux allures chaotiques, parsemé de quelques monti- cules hérissés de pins tors. Au loin, derriére une fine frange de sable clair, une haie de sapins vert pale souligne des montagnes bleuatres, arrondies et trapues. C’est au sein de ces massifs que s’est formé le lac Nitinat, la fin de notre périple. C’est dommage ! Il ne m’aurait pas déplu de rester quelques jours de plus. Pourtant, dans cette méme direction, le ciel d’un bleu plus terne s’efface partiellement sous la marque blanche de longs nuages dessinés a grands traits. Il se pourrait que le temps change de nouveau. Peut-étre, est-il mieux de rentrer a présent ? La balade reprend. Marche a grands pas. Air vif et salin. Paysages grandioses. Vie saine et aventureuse. Retour a la routine, quoi ! On fait le plein d’eau potable dans la riviére Coal. — Est-ce pour la couleur brunatre de l’eau qu’on l'appelle riviére charbon ? — Ah, non! Les eaux des riviéres par ici sont souvent trés brunes, parfois presque noires comme je l’ai observé plus au Nord, dans les jles de la Reine Charlotte. C’est a cause de la végétation luxuriante. Elle est tellement abondante que le tanin qui exsude de la racine des plantes atteint les eaux de percolation et s’accumule jusqu’a en saturer les riviéres. — Et c’est buvable ?