Le Moustique ! ... Pacifique demain. Mais il faut bien se rendre a |'évidence : tous les médias, tous les documents publics, n’offrent pas toujours aux jeunes francophones de quoi vouloir pousser plus loin leur apprentissage du frangais, et parfois ils leur donnent méme une idée plutét limitée des extraordinaires possibilités de la langue francaise. Ne sous-estimons surtout pas la facilité avec laquelle on peut prendre « des mauvais plis » quand on voit les mémes erreurs et les mémes fautes reproduites semaine aprés semaine, jour aprés jour, dans le journal qui accompagne les ceufs et le bacon. II est pius tard certainement justifié d’en vouloir un peu a ces tuteurs de jeunesse quand on se rend compte qu’ils se sont contentés de nous transmettre les contours les plus fautifs d’une langue pourtant si riche. Plus sérieusement encore, cette incapacité, ce manque de temps ou de moyens chez des intervenants clés et chez des médias a transmettre correctement aux membres d’une communauté linguistique le caractére écrit de leur langue, dans les journaux et autres documents Officiels par exemple, jouent un réle majeur dans la détérioration a long terme du_ pouvoir linguistique et culturel d’une communauté, et ils mettent en danger sa continuité méme, surtout lorsque le groupe linguistique en question se trouve déja en situation minoritaire et qu’il n'a pas a sa disposition plusieurs journaux francophones se réciamant d’elle. Cette incapacité, ce manque de temps et de moyens limitent sévérement les horizons de ceux qui essaient de comprendre les difficultés d’une langue pour plus tard utiliser celle-ci dans toute sa splendeur, parce qu’iis leur léguent un vocabulaire facile mais restreint, rempli de fautes comme la Lune est remplie de cratéres, et ils courent le risque de produire des générations «linguistically challenged», qui seraient capables d’exprimer leur culture seulement jusqu’a un certain point et finiraient par étre inconfortables dans le monde avec leur propre langue. Les dangers de cette détérioration linguistique sont redoublés, et redoutables, lorsque les médias d'information trouvent des justifications Volume 7 - 6 Edition ISSN 1704-9970 Juin 2004 pour s’affranchir de leur obligation envers les lecteurs, en y allant d’un frangais « trés a peu prés» dans leurs pages. Sont-ils alors questionnés sur le sujet, qu’ils finissent par vous proposer l'idée que ce « /aisser-aller linguistique » est devenu une norme tout a fait acceptable, une turlutaine avec laquelle il faut vivre dans un monde imparfait. Une nouvelle sorte d’institution collective quoi, mais tout de méme une notion aberrante et qui fait bien l'affaire de la facilité, et contre laquelle on ne doit s'insurger, soyez prévenus, que si on a envie de se faire des ennemis. La langue frangaise, quand on porte attention aux détails de sa forme écrite, est un outil formidable dans le monde d’aujourd’hui. Les médias ont la responsabilité non seulement de reconnaitre leur role dans ce domaine, mais d’y donner des formes... correctes. Car connaitre sa langue, la maitriser, I’écrire comme cela se doit, élargir sa portée et partager ses beautés avec d’autres n’est pas du snobisme ou de l'arrogance, loin de la, c’est montrer du respect au lecteur et a sa langue maternelle. Le contraire, c’est-a-dire justifier constamment la qualité douteuse d’un francais échevelé, transmis par les voies officielles et publiques, est de toute facgon bien pire dans ses conséquences pour une communauté. Nous sommes tous responsables a des degrés divers du «grand ouvrage» de la francophonie. Mais les artisans des médias, qui nous informent et nous divertissent, et qui sont appelés a jouer un réle important dans une communauté, doivent étre les premiers a reconnaitre que si l’on veut aider les jeunes francophones a prendre leur place dans le monde de demain, on leur doit, et on se doit a nous-mémes, au minimum, de leur donner des outils qui ne sont pas déja félés. C’est Voltaire qui disait: « Malheur aux détails, c’est une vermine qui tue les grands ouvrages! ». André R. Gignac 12