nouvelle politique ’ LEIL, economique N besos BRE 1971 \ L’exploitation opportuniste de la détério- ration des relations canado-américaines a laquelle s'est livré la semaine derniere opposition conservatrice aux Communes, nous fournit l'occasion de signaler la jus- tesse des ‘calculs politiques effectués par le gouvernement Trudeau depuis le coup de force du président Nixon, le 15 aott der- nier, de méme que l’opportunité des ges- tes et déclarations que ces calculs ont ins- pirés. Pour la gouverne du député Hugh Mac- Quarrie et ie ses collegues, a qui un élec- toralisme de douteux aloi fait perdre de vue Vinterét national, il convient de rappeler tout d’abord que c’est l’administration Nixon qui a pris l’initiative de modifier dans les faits les rapports traditionnels entre les deux pays, en imposant unilatéralement une surtaxe de dix pour cent sur le quart des exportations canadiennes vers les Etats- Unis. Quoiqu’en disent ceux qu’une déficien- ce vertébrale prédispose a l’aplaventrisme, rien, dans |’évolution récente des politiques étrangére ou commerciale du Canada, ne justifiait l’énormité de la ‘‘sanction’’ arré- tée per Washington. n peut a bon droit reprocher au gouvert nement Trudeau d’avoir traité trop som- mairement des relations canado-américai- nes dans’ son livre blanc sur la politique étrangére. Mais, & l'exception des propos malhabiles que le premier ministre a échap- pé a Moscou sur la ‘“‘menace” que pouvait eventuellement représenter pour l’existence du Canada sa dépendance excessive 4 |’en- droit des Etats-Unis, il est difficile de voir autre chose, dans les initiatives récentes du gouvernement — qu'il s’agisse de la re- connaissance diplomatique de la Chine ou de la réduction de notre contribution mili- taire 4 1OTAN — que l’exercice normal de la souveraineté nationale, sur un mode fort modéré et dans le cadre des engagements pris préalablement par Ottawa. Il est vrai que M. Trudeau n’a pas cher- ché a établir, avec le président Nixon, les rapports cordiaux et prétendument privi- légiés qui existaient entre un Pearson et | un Johnson, un Saint-Laurent et un Eisen- ' hower. Il est non moins vrai que le premier ministre s ‘est permis, privément et publi- quement, des indélicatesses et des écarts de langage qui n’ont pas di étre prisés sur ‘les bords du Potomac. Mais il n’est pas inu- tile de rappeler que la diplomatie plus inti- me que tranquille d’antan nous a valu plus souvent qu’autrement des “avantages’ ou des “régimes d’exception’’ dont nous avons lieu aujourd’hui de nous repentir, puisqu ils ont accentué notre état de dépendance. Com- me le signalait M. Trudeau lui-méme il y a quelques jours, si vraiment les relations entre les deux s doivent étre fondées sur la réciprocite lité des avantages, rien ne sert d’aller “scener’ sous les balcons de la Maison: blanche. Mieux vaut définir clairement ses intéréts propres, puis tenter de les récon- cilier avec ceux d’autrui, dans la mesure ou les deux sont réconciliables. Cela, sans oublier jamais quel est le rapport de for- ces. Cest précisément ce qu'Ottawa a fait depuis le 15 aoiit dernier. Malgré l’impres- sion premiére d'un retour aux trop coulan- tes, intercessions qu’auront donné ce que M. Trudeau lui-méme a qualifié de “petits pe- lerinages” a Washington, le gouvernement a e Soleil, anciennement Le Soleil de Vancouver, fondé en 1968 et L’Appel, fondé en 1965, est un journal indépendant publié chaque semaine par Le Soleil de Colombie Ltée, Case Postale 8190, Bureau L, Vancouver 14, C.-R. . cteur-Rédacteurenchef: -Myriam Bennett Robert Bennett: _ HEBDOS DU CANADA ee | eee | de ee : Roger Dufrane A.A. Hards Ladislas Kardos Jennifer Lulham Carmen Primeau Jean Riou Emma Thibodeau cteur administratif : Gerry Decario es intéréts et la mutua- défini ses positions et entrepris de les faire valoir, tant par l’entremise des contacts di- plomatiques et des rencontres officielles gue sur la_ place publique. Ces positions etaient d’autant plus fermes qu’elles étaient modérées; trois mois plus tard, elles le sont demeurées. ; En bref, Ottawa réclame l’abolition uni- latérale d’une surtaxe imposée unilatérale- ment et sans justification aucune, parti- culierement sur le plan monétaire; il s’op- pose aussi a la clause protectionniste dont sont assortis les nouveaux crédits d’in- vestissement dont bénéficieront les entre- prises americaines; il s’éleve enfin con- tre les avantages dont jouiraient les fa- meuses “DISC” — les nouvelles sociétés ameéricaines qui se voueraient exclusive- ment aux ventes a l’étranger. Paralléle- ment, Ottawa est -disposé, comme il |’a toujours été, a étudier les nombreuses doléances formulées depuis le 15 aoiit pa Washington — le pacte de l’automobile, ‘accord de production de défense et jusqu’a certains aspects de ses politiques de deve- loppement industriel; mais il insiste pour que lissue de ces discussions ne soit pas liée au retrait de la surtaxe Nixon; et il entend évoquer simultanément ses propres doléan- ces contre les Etats-Unis. Une rhétorique énergique mais subtile, soutenue par des actions concrétes (dont la mise en oeuvre d’un programme de sou- tien de l'emploi a été la plus spectaculaire) a fait pénétrer ce “message”, d’abord au sein de l’administration Nixon, ensuite au Congres américain et maintenant dans les hautes spheres de la presse américaine. La semaine derniere, les premiers effets bénéfiques de cette pénétration ont commen- cé d’apparaitre. Prenant l’initiative de réta- blir le contact rompu depuis les rencontres futiles d’aotit et de septembre, Washington dépéchait 4 Ottawa une délégation de hauts fonctionnaires des départements d’Etat, du Trésor et du Commerce’. ‘“‘Déblaiement utile” commentera un ministre. La semaine derniére également, Henry Reuss, un des membres les plus influents de la Chambre des représentants, affirmait, aprés plusieurs autres ‘‘congressmen’’, qu’en nul cas ‘‘l’at- titude présomptueuse et suffisante’”’ des Etats- Unis etait-elle moins justifiée et risquait- elle d’étre plus préjudiciable que dans le cas du Canada. ; Hier, enfin. le New York Times criti- quait dans un éditorial l’indifférence et la suffisance traditionnelles de Washington a Yendroit du Canada. “‘Ces pratiques amé ricaines. lisait-on entre autres dans cet éditorial, sont aussi inutiles que dommagea- bles. S’il est un pays au monde que les Etats- Unis pourraient se permettre de consulter en régle générale, c’est bien cet important voisin. Ce que la rumeur émanant du Ca- nada indique clairement, c’est que les coits de cette négligence traditionnelle s’accroissent dangereusement.”’ Déja, le 24 octobre. le Washington Post avait rap- pelé que les Etats-Unis utilisaient leur puis- sance économique” d’une maniere qui, vue d’Ottawa. compromet a la fois la prospérité et la souveraineté du Canada....L’exemple du Canada démontre bien les risques que l’on encourt lorsque l'on détermine sa _poli- tique étrangére a partir des statistiques du ° commerce extérieur’’. Il serait présomptueux de conclure de ces quelques signes que le contentieux ca- Tél. 266- nado-américain se réglera 4 breve échéan- ce, et a la satisfaction complete d’Ottawa. Dans la mesure. en effet, ou le gouverne- ment Trudeau entend poursuivre désormais une politique générale qui vise a élargir, sinon maximiser, l’autonomie économique du pays. il est. inévitable que des tensions et des divergences s'élévent réguliérement entre les deux capitales. D‘ailleurs, méme dans une perspective strictement canadienne, ces tensions peuvent souvent étre fructueuses. Cest ainsi que le défi posé par les mesu- res protectionnistes du président Nixon a fait prendre conscience de facon plus aigué a lestablishment fédéral de la vulnérabilité et des risques: (tous deux réductibles) que fera courir 4 l'économie canadienne une strategie commerciale continentaliste, aussi longtemps que cette stratégie ne sera pas assise sur une planification nationale du développement, tant pour ce qui est des structures d’entreprise que du contenu de la production. De méme, I’initiative américaine a obli- gé le gouvernement Trudeau 4 définir ex- plicitement (apres trois ans d'esquive, dopportunisme et de contradiction) quel- ques-uns.des grands objectits de sa politi-’ ques de développement économique. Nous savions deja que le gouvernement refusait de “racheter’” le passé mais comptait s’assurer le contréle de l'avenir — whatever that means! Nous avons néanmoins appris récemment qu’Ottawa retenait désormais comme “objectif minimal’ de plafonner a son niveau actuel la mainmise étrangere dans l'industrie canadienne. (M. Trudeau n’a plus qu’a dire comment cet objectif est con- ciliable avec la décision annoncée récem- ment de ne pas: s’opposer a l’absorption de Supertest par British Petroleum!) Au plan financier, nous a-t-on également précisé, la condition nécessaire (mais ‘non suffisante) du succés de cette entreprise est la realisation par le Canada d’un surplus plus ou moins permanent dans ses transac- ‘tions courantes avec |’étranger — surtout, bien stir, avec-les Etats-Unis; car a cette con- dition seulement pourrons-nous éviter d’a- voir a boucler nos comptes en empruntant a l'etranger ou en laissant les etrangers s'approprier nos entreprises. Nous avons appris, en troisieme lieu, qu’Ottawa prété- rerait réaliser ce surplus au compte cou- tant en exportant davantage qu’il nimporte: mais si |’évolution du commerce interna- tional, en particulier celle de la politique commerciale américaine l’interdisait, nous a-t-on laissé entendre. le gouvernement re- courrait vraisemblablement a d’autres mo- yens plutot que d’abandonner son objectif financier. Il s’en trouve deux: ou bien la réduction des importations, par la substitu- tion de fabrications nationales aux produits importés: ou bien la réduction du reflux an- nuel de dividences, intéréts. royalties, ho- ‘noraires de gestion, retlux qui s’éléve a plus d’un milliard de dollars. Cela ne constitue pas encore une stra- tégie compléte de développement économi- que autonome; mais tout au moins en sont- ce les premiers jalons: et nous devons au “coup” du président Nixon de savoir ot le gouvernement Trudeau les a plantés. Claude LEMELIN Coupon dabonnement Le Soleil 266-9422 Abonnement Oo ‘Réabonnement L] ‘WOM : «eo cece oO (ADRESBE : 2 2 oo oo ccccccccqccccovcaccccees: VILLE $0 ce © 0 0 © ceccece PROVINCE : occ ccceces DATE teccccicessecens. Boite Postale 8190 ‘Station L " Vancouver, 14, B.C. lan: $6.00} ae i j | } |