VOLUME 8 * EDITION- ISSN 1704 - 9970 Images d’autrefois Il ne fallait que franchir la porte de Pantin, a l’est de Paris, quel- ques années aprés la premiére guerre mondiale, pour se retrou- ver, aprés un quart d’heure de marche, dans un décor cher a Mil- let : la plaine a perte de vue, des fermes, des agglomérations, des gens vivant au rythme des saisons. Presque toutes les activités de notre village s’arrétaient, les semailles d’automne terminées. Elles ne reprenaient qu’au printemps, qui ramenait avec lui les artisans ambulants. Pour attirer le client, chacun avait sa facon d’annoncer son passage : une trompe, une clochette, une sonne- rie de clairon. Je revois, avec tendresse, le vieux bonhomme a la barbe blanche qui parcourait les rues du village, en criant: « On répare la faience et la porcelaine. On répare la faience et la porce- laine.» Il y avait beaucoup d’assiettes et de plats a réparer, dans ce temps-la. La vaisselle était chére et, la « crazy glue » n’exis- tant pas, il fallait passer par les mains de |’expert, qui accomplis- sait des merveilles. Ma curiosité, au sortir de I'école, me poussait souvent jusqu’a la ferme des De Gombert ot notre homme instal- lait ses pénates dans une remise, pour la durée de son séjour par- mi nous. On se connaissait de vue, ma mére étant une bonne cliente. « Entre petit, me langait notre artisan, dés qu’il m’apercevait. Tu ne me déranges pas!. » S’il n’avait fallu que je retourne a la mai- son, je serais resté des heures, a le contempler. La piéce de vais- Selle était reconstituée sur une planche, pour étre marquée. L’opé- ration terminée, de chaque cété de la cassure, a environ tous les trois centimétres, l'homme pergait un petit trou pour poser les agrafes, aprés avoir enduit de ciment les morceaux. Deux jours plus tard, le temps que le ciment séche, la piéce réparée était rendue a son propriétaire, moyennant une somme bien modique, qui ferait sourire, de nos jours. Les Lambert, cardeurs de leur état, sillonnaient les rues en car- riole dans laquelle s’entassait le matériel de leur art : une car- deuse, des rouleaux de toile de coutil et quelques balles de laine de mouton. Chaque année, a la maison, il y avait un matelas a re- faire. Pendant que madame Lambert discutait, avec ma mere, du prix et des fournitures, monsieur Lambert installait le métier sur lequel il allait opérer, assisté de sa femme, car tout se passait, un